Parce que randonner c'est la santé...
4 Novembre 2024
Cette troisième étape, de Condé-sur-l'Escaut à Raismes, marque la fin de notre périple sur la Boucle n° 7 des Tours du Bassin minier Nord - Pas-de-Calais.
Longue d'environ 18 kilomètres, elle nous permettra enfin de découvrir la vieille ville de Condé-sur-l'Escaut, de côtoyer à nouveau l'Escaut canalisé et de retrouver la Forêt Domaniale de Raismes - Saint-Amand - Wallers que nous avions tellement appréciée lors de la première étape.
Alors ? Celle-ci va-t-elle tenir toutes ses promesses ? Nous allons voir ?
Nous reprenons bien sûr depuis le pont de la station de tram "Condé - Hôtel de Ville". Le soleil est revenu sur la région, redonnant des couleurs plus aguicheuses à la Hayne et ses abords.
Amusant. Tout comme pour Bon-Secours, l'orthographe de la Hayne varie selon qu'elle traverse la Belgique ou la France. Ici, on l'écrit "Hayne", tandis qu'en Belgique, elle prend le nom de "Haine", comme dans Haine-Saint-Paul ou Bois-d'Haine, par exemple.
Partons à la découverte de la ville. Nous marquons la première halte sur la Place Pierre Delcourt, face à l'Hôtel de Ville.
Construit en 1771 à l'initiative d'Emmanuel de Croÿ-Solre - c'est lui qui a fait construire le Château de l'Hermitage, vous vous rappelez ? - le bâtiment est de style baroque allemand avec une façade dont les six colonnes doriques rappellent un temple grec.
Auparavant se tenait ici une halle échevinale où les bouchers tenaient leurs étals.
À l'extrémité opposée de la place, on peut apercevoir le beffroi. Construit au XVIIIè siècle, il est un des derniers à avoir été construit. Le plus petit du Nord - Pas-de-Calais, aussi.
Une grosse centaine de mètres plus au nord, Place Verte, nous découvrons la collégiale Saint-Wasnon. Nous retrouvons encore ici la main d'Emmanuel de Croÿ-Solre puisque c'est lui qui en commanda la construction !
Élevée entre 1751 et 1756, elle a pour particularité d'avoir conservé le clocher de l'ancienne église paroissiale érigé 150 ans plus tôt ! J'aurais aimé la visiter mais des funérailles sont en cours au moment de mon passage.
Traversons la place. Au milieu trône un kiosque à musique datant de 1881. En continuant tout droit, à l'opposé de l'église, s'élève le Château de Bailleul, ou Châtelet de l'Hostel de Bailleul.
Construit en 1411, il était le siège de l'une des deux seigneuries de la ville. Emmanuel de Croÿ est né ici en 1718. Bien qu'il ne reste aujourd'hui que le châtelet d'entrée, cet édifice en grès, surmonté de quatre tourelles, témoigne de l'architecture médiévale. Classé monument historique en 1904, il abrite une grande salle unique à chaque étage et un escalier à vis.
Poursuivons notre découverte de Condé-sur-l'Escaut en direction du nord. Au terme de la rue Notre-Dame, la Porte Vautourneux nous accueille.
Erigée entre 1678 et 1692, elle a été construite sur un bastion des remparts et servait de passage pour la grande route menant à Tournai. Rebaptisée au XIXe siècle en hommage au baron de Vautourneux, elle a été restaurée dans les années 1970 après avoir été abandonnée au milieu du XXe siècle.
Plus à l'ouest, à hauteur du Carrefour de la Paix, nous montons sur le Bastion Royal par le chemin du Petit-Bois. On y trouve un monument en l'honneur d'Edouard Lefebvre et Léon Faux, deux Condéens fusillés ici même pour espionnage par les Allemands, en février 1918.
Continuant sur le chemin du Petit-Bois, nous parvenons au Bastion de Solre dont nous faisons le tour.
Ces bastions datent de l'époque espagnole, au XVIIè siècle. Après la prise de Condé par Louis XIV, en 1676, Vauban entreprit des améliorations au système défensif de la ville. On peut en apercevoir quelques-unes à travers les arbres, comme la Contre Garde de Solre, de l'autre côté du canal du Jard.
Boulevard de l'Armée, nous passons à l'arrière de deux autres bastions, celui du Jard et celui de la Voûte, mais c'est moins flagrant. Un peu plus loin, le Château des Comtes de Hainaut, lui, n'échappera à personne.
Également connu sous le nom de Château de Nicolas d'Avesnes, il fut construit à la confluence de la Hayne et de l'Escaut au milieu du XIIè siècle par Nicolas d'Avesnes, alors seigneur de Condé.
Sous Louis XIV, le château fut transformé en arsenal.
Notre voyage à travers l'histoire de France se poursuit à la sortie sud de Condé-sur-l'Escaut en parcourant les avenues Jean Jaurès, Anatole France et la rue Emile Zola, trois figures emblématiques de l'Affaire Dreyfus et défenseurs de la justice sociale.
Au bout de cette dernière rue, sur le territoire de Fresnes-sur-Escaut, nous atteignons d'ailleurs la fameuse Voie Verte des Gueules Noires rencontrée lors de l'étape précédente, le 1er novembre. Mais cette fois nous l'empruntons !
Elle nous amène à l'Escaut canalisé, que nous longeons pendant 600 mètres, jusqu'à l'écluse de Fresnes-sur-Escaut.
Le canal de Mons rejoint l'Escaut canalisé juste avant l'écluse. J'ai la chance d'assister au ballet de trois péniches s'y présentant.
Le canal de Mons est aussi un héritage de l'épopée minière. Il fut en effet mis en service en 1818 pour transporter vers la France les énormes quantités de charbon extraites dans le Borinage, en Wallonie.
De l'écluse, nous empruntons la rue Ghesquière pour rejoindre le centre de Fresnes-sur-Escaut.
Sur la gauche de la rue, la Résidence Molière, autrefois connue sous le nom de "Cité polonaise", a une histoire riche et fascinante.
Construite avec les pierres récupérées d'une verrerie démolie, elle a accueilli à partir de 1923 les familles des ouvriers polonais venus travailler à la fosse Jean-de-Dieu Soult.
La place Paul Vaillant-Couturier est le lieu central de Fresnes-sur-Escaut, abritant la mairie et un arrêt de la ligne de tram Condé-sur-l'Escaut - Valenciennes.
Le plus remarquable se trouve toutefois en face de la place. Le Château Desandrouin fut construit vers 1770 par Stanislas Desandrouin, administrateur de la Compagnie des mines d'Anzin.
Stanislas est le fils de Jean-Jacques Desandrouin, considéré, avec son cousin Pierre Taffin, comme le véritable découvreur du charbon dans le bassin du Nord - Pas-de-Calais. C'était ici, à Fresnes-sur-Escaut, en 1720.
Le château, de style néoclassique, est entouré d'un vaste parc s'étendant sur 6,5 hectares comprenant une volière, un pavillon de chasse, des ponts de jardin et des miroirs d'eau. Il comprend aussi un étang, des arbres centenaires et, sur une île artificielle, le Temple de l'Amour construit en 1777.
Un endroit tellement bucolique qu'on aimerait y flâner sans fin !
Continuons la traversée de Fresnes-sur-Escaut par la rue de la Paix. A l'entrée de celle-ci, sur la droite, on pourra observer le bâtiment ayant abrité les Grands Bureaux de la Compagnie des Mines de Thivencelle. Depuis 2010, ses façades, ses toitures et le pavillon d'entrée sont inscrits au titre des monuments historiques.
La Compagnie des Mines de Thivencelle fait partie des rares compagnies ayant survécu à l'engouement des années 1830-1840 pour les entreprises industrielles. Elle exploita différentes fosses à Thivencelle et à Fresnes-sur-Escaut jusqu'à son intégration dans le groupe de Valenciennes à la nationalisation en 1946.
Un peu plus loin dans la rue de la Paix, juste avant le rond-point, une structure métallique évoque un chevalement. Elle rappelle en effet que nous sommes sur le carreau de mine de la fosse Soult 1 exploitée de 1840 à 1947.
Quittant temporairement la civilisation pour un chemin - boueux en cette saison - en direction d'Escautpont, nous restons néanmoins dans l'Histoire.
Ainsi, le bois abrite le terril 183 des fosses Soult No 1 et 2. Entièrement boisé, on n'en aperçoit pas grand-chose.
La suite est encore plus subtile et ne se confirme vraiment qu'en examinant des photos satellite de la zone. En effet, les deux cents derniers mètres avant de quitter le bois font partie du tracé de l'ancienne ligne de chemin de fer Saint-Amand-les-Eaux - Blanc-Misseron.
Ouverte le 20 juillet 1875, elle est gérée par la Compagnie du chemin de fer du Nord à partir de 1883. Elle sera déclassée progressivement entre 1954 et 1992.
La traversée d'Escautpont nous ramène à la Voie Verte des Gueules Noires en passant devant l'église Saint-Amand trônant majestueusement sur la place Roger Salengro récemment réaménagée.
L'église de style néo-gothique est relativement récente puisque, terminée en 1875, elle fut consacrée le 22 juin 1876. Elle devait répondre à l'expansion croissante de la population locale.
Nous empruntons la voie verte pendant un petit kilomètre en direction du sud-ouest. Jusqu'à la limite entre Escautpont et Raismes, en fait.
Après un court passage par l'Avenue de la Malanoye, nous pénétrons enfin dans la forêt de Raismes - Saint-Amand - Wallers. Mais cette entrée n'est pas une réussite ! Le chemin est complètement envahi par la végétation et pas mal de détritus parsèment le sol !
C'est d'autant plus triste que nous arpentons là le terril n° 177, la Grange Est. Ce terril plat était alimenté par la fosse La Grange de la Compagnie des mines d'Anzin, exploitée de 1888 à 1974. Le terril était haut de 22 mètres mais il ne reste aujourd'hui que sa base.
Au bout de 400 mètres passés à enjamber la végétation, nous aboutissons sur un chemin plus large. Boue et dépôts d'immondices sauvages sont au menu...
C'est quelque part sur la gauche du chemin, avant le virage à gauche, que se trouvaient les puits n° 1 et 2 de la fosse La Grange dont toutes les installations seront détruites en 1977.
Nous retrouvons notre bonheur lorsque nous nous engageons sur le single de la fosse La Grange. Le petit chemin suit le bord supérieur de ce qui semble être un autre terril plat. Mais je n'ai pas pu l'identifier clairement...
Quoiqu'il en soit, c'est bien agréable.
Après 1 300 mètres, nous quittons le sentier par un escalier taillé dans le talus. Cet escalier reflète l'état des premières centaines de mètres de cette partie de la forêt domaniale de Raismes - Saint-Amand-les-Eaux - Wallers : à l'abandon. Soyez prudent en descendant !
Au pied du talus, nous nous retrouvons sur le site de l'ancienne voie ferrée minière qui reliait les différents sites miniers des environs aux usines Rousseau, situées jadis tout près d'ici, au sud du chemin.
Ces vastes usines, érigées en 1939, sont restées en activité jusqu'en 1988. Le lavoir traitait jusqu'à 500 tonnes de charbon brut par heure, provenant des fosses Lagrange et Sabatier (Raismes), Ledoux (Condé) et Agache (Ferrain). Les quatre presses pouvaient produire entre 3.500 et 4.000 tonnes de boulets par jour !
Nous parcourons 500 mètres sur le tracé de l'ancienne voie ferrée avant de bifurquer vers le sud. Il faut s'imaginer alors passer entre les usines Rousseau et le Terril n°176, Lavoir Rousseau. Dans les conditions actuelles, il est préférable de regarder où l'on met les pieds, car le chemin est un véritable bourbier !
Heureusement, il existe des cheminements alternatifs, dont un qui escalade sur quelques dizaines de mètres le flanc du terril.
Sur la photo aérienne ci-dessous, prise en 1957, on aperçoit les terrils Rousseau élevés par des téléphériques, avec les usines en arrière-plan.
Bien que le site ne soit pas balisé, il est tout de même accessible.
L'état du chemin s'améliore de l'Allée des Noisetiers à la Cité du Pinson.
En réalité, il faudrait parler des Cités du Pinson, car il en coexiste deux, côte à côte !
La première, la Cité du Pinson ancienne, est construite entre 1909 et 1923 par la Compagnie des Mines d'Anzin pour héberger les travailleurs polonais venus travailler dans les mines environnantes.
C'est d'ailleurs à leur initiative qu'est érigée, en 1924, la remarquable église Sainte-Cécile. Détruite par un incendie en 1975, elle est reconstruite à l'identique trois ans plus tard. Elle est inscrite aux monuments historiques depuis 2009.
La Cité du Pinson nouvelle, construite entre 1947 et 1956 par le groupe de Valenciennes, après la nationalisation donc, se confond avec son aînée. On la traverse en empruntant la Rue Taffin et elle est identifiable par l'architecture différente de ses maisons. Mais là, on parle de couleur de brique et d'encadrements de fenêtres. Je vous avoue que ça m'a complètement échappé.
Et c'est sur une distance d'un peu plus de 2 kilomètres que nous parcourons la Cité du Pinson ancienne, découvrant ses rues courbes et ses habitations variées, témoins d'une époque révolue.
Un peu plus loin, après la sortie de la Cité du Pinson où tout était en courbes, la rue Maurice Sabatier tranche par sa rectitude.
À elle seule elle constitue la Cité Sabatier, construite en 1914 par la Compagnie des Mines d'Anzin. Les ouvriers pouvaient accéder directement à la fosse Sabatier par l'extrémité nord de la rue.
100 mètres après la rue Sabatier, nous aurions dû emprunter un sentier sur la droite. Mais celui-ci est aussi envahi par la végétation. Comme il est facile de l'éviter en prenant à droite un peu plus loin, je ne cherche pas à m'y aventurer...
C'est donc après 150 mètres supplémentaires que nous pénétrons à droite dans la forêt qui dissimule le site de la fosse Sabatier.
Le chemin est asphalté et dégagé. Sur notre gauche, nous devinons la silhouette boisée du terril n° 174, Sabatier Sud encore haut de 74 mètres bien qu'il ait été exploité. Il s'agit d'un des trois terrils issus de la fosse Sabatier.
Dans l'axe du chemin, on aperçoit déjà le chevalement du puits n° 2.
Nous finissons par arriver sous le chevalement. À l'instar des trois terrils, des cités que nous venons de traverser, de l'église Sainte-Cécile et du presbytère, il est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis le 30 juin 2012.
Le puits n° 1 se trouvait une cinquantaine de mètres plus avant, sur notre chemin.
Ouverte en juillet 1910, la fosse Sabatier a extrait 21.920.000 tonnes de houille avant sa fermeture en 1980.
Quasiment sans transition, nous nous lançons à l'assaut du sommet, tant au sens propre qu'au sens figuré, de cette randonnée : l'ascension du terril n° 175, Sabatier Nord.
Culminant à 98 mètres d'altitude, le sommet du terril serait, à mon humble avis, le point le plus élevé du Bassin minier dans le Département du Nord (bien que l'Office de Tourisme des Hauts-de-France mentionne le terril de l'Escarpelle, à Roost-Warendin. Mais celui-ci ne culmine qu'à 88 mètres d'altitude).
Quoiqu'il en soit, lorsque l'horizon est dégagé, au contraire d'aujourd'hui, la vue depuis le sommet s'étend très loin. Vers le nord, par exemple, on devine clairement la sucrerie de Fontenoy contiguë à l'Autoroute de Wallonie, près de Tournai, à plus de 20 kilomètres d'ici !
Nous descendons du sommet par le nord ce qui nous donne l'occasion de parcourir brièvement le terril n° 175A, Sabatier Nord plat.
Nous quittons la forêt domaniale par la Drève de la Princesse, réconciliés avec la forêt. Cette dernière partie, depuis la Cité du Pinson, est bien plus belle qu'en quittant Escautpont.
À la fin de la drève, la Maison de la Forêt laisse admirer son élégante architecture moderne.
Nous aboutissons au Parc Loisirs et Nature de la Porte du Hainaut que j'avais déjà longé lors de la première étape, quand je cherchais mon chemin.
Aujourd'hui, bien que ce ne soit pas l'itinéraire prévu par le GRP, je choisis de le parcourir brièvement. Dommage qu'on ne puisse pas y entrer directement depuis le rond-point Étoile de la Princesse.
Après le manège, le chemin est connu puisqu'il s'agit tout simplement du début de la première étape parcouru cette fois en sens inverse pour terminer notre périple de trois jours sur la Grand'Place de Raismes.
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Vous voulez revivre cette randonnée en vidéo 3D ? C'est ci-dessous que ça se passe :
Appréciation du parcours :
Plongez dans l'histoire fascinante de la France à chaque pas de cette randonnée de Condé-sur-l'Escaut à Raismes. À chaque mètre de cette étape, nous marchons sur les traces de l'histoire de France, et plus particulièrement sur celles du Bassin minier Nord - Pas-de-Calais.
C'est logiquement que le titre donné par la Fédération Française de la Randonnée pédestre à cette boucle à travers le bassin minier prend ici tout son sens : "Le Valenciennois, berceau de l'épopée minière". Les chemins nous mènent à travers des paysages marqués par l'histoire, avec de nombreux bâtiments historiques et d'anciens sites miniers.
Nous aurions alors pu espérer des chemins en meilleur état, en particulier sur le territoire d'Escaupont. Pour profiter pleinement de cette randonnée, privilégiez l'été, lorsque les chemins sont plus praticables.
Préparez-vous à une aventure inoubliable à travers le temps et la nature. Enfilez vos chaussures de randonnée et partez à la découverte du Valenciennois, berceau de l'épopée minière !
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Comment rejoindre cette étape ?
Si vous vous rendez dans la région en voiture, comme pour la première étape, le mieux est de se garer près de la Mairie de Bruay-sur-l'Escaut. De là, il suffit de prendre le tramway à l'arrêt "Bruay-Place" situé à proximité pour rejoindre la station "Hôtel de Ville" de Condé-sur-l'Escaut.
À l'arrivée à Raismes, prendre le bus qui vous ramènera à Bruay-sur-l'Escaut.
Sinon, et ce serait l'idéal, si vous arrivez en train à Valenciennes, vous pouvez rejoindre Condé-sur-l'Escaut en tramway depuis la gare.
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Vous souhaitez parcourir cette randonnée ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :