Parce que randonner c'est la santé...
7 Mars 2025
Le résumé du randonneur pressé :
Au départ de l’abbaye de Mont-Saint-Éloi, cette randonnée nous emmène à travers les paysages vallonnés de l’Artois, entre sentiers bucoliques, souvenirs gallo-romains et traces de la Grande Guerre.
Par moments, on se surprend à imaginer D’Artagnan et ses compagnons surgissant au détour d’un chemin, tant les lieux respirent l’histoire et les récits d’autrefois. Le parcours file entre champs, bois et marais, croise des sources oubliées, longe des témoins de pierre silencieux.
Et puis il y a ce cimetière, discret, presque caché, où repose le grand-père d’un musicien célèbre. Mais chut… je vous en dis plus dans mon récit.
Une boucle entre campagne, mystère et mémoire. De quoi nourrir l’esprit autant que les jambes.
Et en détail :
Temps de lecture : 12 minutes
04 novembre 2024 ! Oui, je n'avais plus randonné depuis le 04 novembre dernier quand je me suis lancé sur ce parcours que je vous décris aujourd'hui ! Un emploi du temps surchargé, une météo pourrie, m'avaient tenu éloigné des sentiers de randonnée.
Avec en point de mire l'Échappée jurassienne pendant deux semaines en mai prochain, il est temps que je m'y remette. Et comme le beau temps est revenu, je n'ai plus trop d'excuses. Alors pourquoi pas ce parcours que j'ai découvert récemment dans une publication sur un groupe Facebook de randonnées ?
Disponible sur Komoot sous le titre "Boucle Attention aux rondins de bois – Bois de Marœuil au départ de Mont-Saint-Éloi", j'ai toutefois apporté quelques modifications à cette randonnée d'une quinzaine de kilomètres. Je vous explique tout cela en chemin.
Nous y allons ?
Nous prenons le départ devant l'ancienne abbaye de Mont-Saint-Éloi.
Fondée au VIIᵉ siècle, c'était un site religieux emblématique, occupé par des chanoines suivant la règle de Saint Augustin. Après plusieurs reconstructions, elle fut démantelée en 1793, à la suite de sa vente comme bien national pendant la Révolution française. Ses pierres servirent à la construction des maisons du village.
Aujourd'hui, ses tours imposantes, vestiges de l'église abbatiale, dominent les plaines de l'Artois, témoignant d'un riche héritage historique.
Nous descendons vers Ecoivres, un hameau de Mont-Saint-Eloi. À ne pas confondre donc avec le village d'Ecoivres, situé dans le Ternois, à proximité de Saint-Pol-sur-Ternoise.
Si nous empruntons majoritairement de petites routes, nous bénéficions toutefois d'un beau sentier sur 200 mètres.
Au carrefour entre la Cité Charles Dhedin et la rue de la Source, nous pouvons observer le monument aux morts de la guerre 14-18 et un calvaire.
La rue de la Source nous conduit à l'église Saint-Martin.
Nous longeons un moment un affluent de la Scarpe qui prend sa source tout près d'ici. L'affluent, car la Scarpe jaillit à Tincques, à une quinzaine de kilomètres vers l'ouest.
C'est en tout cas très joli.
L’église Saint-Martin, quant à elle, date du XVIe siècle. Elle possède un clocher à crochets, sculptés en formes de bêtes et de monstres. Conçus à l'origine pour soutenir échafaudages et échelles lors des rénovations, ils témoignent du savoir-faire des artisans de l'époque.
À l'extérieur, les vestiges de caveaux et d'une chapelle funéraire rappellent l’ancien cimetière, déplacé en 1884, qui entourait autrefois l’édifice.
Le personnage de Sigeric indique que la Via Francigena traverse le hameau. Je me souviens effectivement être passé ici. C'était le 23 octobre 2019 lors de l'étape Liévin - Arras (non publiée encore sur ce blog).
Nous quittons le hameau par le chemin des Normands. Un imposant mur de pierres témoigne de l'existence d'un château, édifié en 1785 par le comte de Brandt de Galametz, malheureusement détruit par un incendie.
Le comte de Brandt de Galametz a joué un rôle notable dans l'histoire locale et régionale. Jean-Alexandre-Marie de Brandt, comte de Galametz, né en 1753 à Arras et décédé en 1827, fut ancien mousquetaire gris et représentant de la noblesse aux États d’Artois. Il occupa également la fonction de grand bailli de la gouvernance d’Arras.
À l'extrémité du mur, c'est cette fois la Scarpe que nous croisons. Avant, 200 mètres plus loin, de passer sous un pont de chemin de fer...
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Qu'étaient les mousquetaires gris ?
Les mousquetaires gris étaient une unité d'élite de la Maison militaire du roi de France. Ils faisaient partie de la première compagnie des mousquetaires du roi, créée en 1622 sous Louis XIII. Leur surnom venait de la couleur de la robe de leurs chevaux, qui étaient gris pommelé.
Les mousquetaires étaient des soldats prestigieux, souvent issus de la noblesse, et servaient à la fois comme garde rapprochée du roi et comme combattants sur le champ de bataille. Ils ont participé à plusieurs conflits majeurs, notamment la Fronde et les guerres de succession.
Leur uniforme était distinctif : habit cramoisi avec parements dorés, casque à l'antique, et équipements ornés d'or. Ils ont été dissous plusieurs fois au fil des siècles, notamment sous Louis XVI en 1775 et définitivement sous Louis XVIII en 1816.
D'Artagnan, de son vrai nom Charles de Batz de Castelmore, était mousquetaire gris, avec grade de capitaine, sous Louis XIV.
C'est sous le règne de ce dernier que fut créée une deuxième compagnie de mousquetaires, en 1664. Ils furent appelés les mousquetaires noirs car la robe de leurs chevaux était noire ou sombre.
Source : passionmilitaria.com
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Après cette petite digression historique, continuons. Le pont dépassé, nous bifurquons à gauche et longeons la ligne de chemin de fer Arras – Saint-Pol-sur-Ternoise. Un peu plus loin, nous la traversons pour rejoindre Bray, l’un des trois hameaux de Mont-Saint-Éloi.
Au loin, les tours de l’ancienne abbaye de Mont-Saint-Éloi se découpent à l’horizon. Et peu après le pont, un calvaire borde la petite route de campagne, qui en tire son nom.
Nous sortons de Bray par la rue de l'Ecole. La vallée de la Scarpe propose ici une belle ambiance.
Après être passés dessous, puis au-dessus, nous traversons cette fois la voie ferrée par un passage à niveau.
Si on exclut les 200 mètres du départ, c'est à ce moment seulement, après 3 kilomètres, que le parcours emprunte un chemin de terre, à travers les campagnes, à mi-hauteur sur le flanc sud de la vallée de la Scarpe.
Le flanc nord, dont la traversée de Marœuil que nous observons au loin, ce sera pour le retour.
Une centaine de mètres avant le cimetière d'Étrun, nous grimpons la colline vers la droite pour atteindre le sommet du Mont César, à 88 mètres d'altitude.
Site historique remarquable, il correspond à un oppidum gallo-romain, une forteresse qui aurait été édifiée par les Romains sur un point stratégique du territoire des Atrébates. Aussi connu sous le nom de Camp César, il est encore possible d’y observer une muraille de terre - elle correspond à la lisière du bois -, vestige d’un rempart construit au Ier siècle avant J.-C..
Jules César lui-même aurait séjourné dans la région en 51 av. J.-C., et quelques décennies plus tard, les Romains ont fondé Nemetacum, l’actuelle Arras, à quelques kilomètres d'ici.
Après avoir admiré le panorama, ou pas, nous redescendons la colline pour gagner le fond de la vallée du Gy. Nous retrouvons au passage la ligne de chemin de fer Arras - Saint-Pol-sur-Ternoise.
Le Gy, affluent de la Scarpe, a joué un rôle important dans l'histoire d'Étrun. Pour les Romains, il constituait un rempart naturel dans leur lutte contre les Atrébates. Ils y trouvèrent aussi les ressources en eau nécessaires.
Peut-être est-ce justement cette abondance d'eau qui convainquit la princesse Béatrice d'y fonder une abbaye, au IXè siècle.
Créée en 1928, la pisciculture d'Étrun connut ensuite un essor tel qu'elle fut considérée comme la plus importante d'Europe en 1950. Aujourd'hui encore, la truite fait la fierté des pêcheurs locaux.
Au bout du chemin des Aulnes, qui longe le Gy, nous quittons la rivière pour traverser Étrun du sud au nord.
Dans la montée, nous rencontrons d'abord l'église Saint-Nicolas. Construite par l'abbaye en 1623 pour les habitants, elle a été restaurée au XIXè siècle.
Plus haut, sur le plateau, on peut encore voir l'entrée de ce qui fut, jusqu'en 1792, une opulente abbaye de femmes vivant selon la règle de Saint-Benoît. Fondée au IXè siècle par la princesse Béatrice, elle fut détruite une première fois en 881 par les Normands, puis reconstruite deux siècles plus tard, avant d'être définitivement démantelée à la Révolution française.
En 1815, l'évêque d'Arras, Monseigneur de la Tour d'Auvergne, y fit construire un château pour en faire sa maison de campagne ! Aujourd'hui, il s'agit d'une propriété privée.
Plus loin, dans la descente, on remarquera le portail secondaire de l'abbaye. L'écusson au-dessus de la porte rappelle qu'il s'agissait ici d'une abbaye de femmes. Derrière l'enceinte, on peut encore observer le mur de terre qui entourait le village gallo-romain.
Au bout de l'enceinte, nous entrons dans le Marais de Marœuil. En jetant un œil vers la droite, on peut apercevoir dans le bois le fameux mur de terre.
Les deux cents premiers mètres sont bucoliques, jusqu'à atteindre Le Ru, un affluent du Gy. Le marais est d'ailleurs la zone de confluence de la Scarpe, du Gy, et de plusieurs ruisseaux.
Il était auparavant possible de suivre Le Ru jusqu'à sa confluence avec le Gy, puis ce dernier jusqu'à la Scarpe. Nul doute que le parcours aurait été enchanteur mais de nombreux arbres se sont abattus, rendant le passage périlleux. Le sentier est d'ailleurs fermé.
Nous devons donc poursuivre sur le sentier en cours avant de pouvoir tourner plus loin vers la droite. On se retrouve alors sur une longue ligne droite. Ce n'est pas la portion la plus agréable mais la vue depuis le chemin, avec tous ces arbres couchés, est spectaculaire.
Au bout de cette ligne droite, nous atteignons le Gy. Puis nous remontons la Scarpe jusqu'à un petit pont. C'est tout simplement superbe.
Nous tournons à droite à hauteur du pont pour, 250 mètres plus loin, atteindre la source Sainte-Bertille. Elle doit son nom à Bertille, fille de Ricomer, seigneur des Atrébates au VIIè siècle, qui l'aurait fait jaillir pour venir en aide à des paysans assoiffés. La chapelle date de 1852, la précédente ayant été détruite à la Révolution.
L'eau qui en sort est réputée pour ses vertus curatives, notamment pour les maladies des yeux.
Un pèlerinage y est organisé chaque année autour du 11 octobre.
Nous traversons Marœuil en direction de l'église Sainte-Bertille. Sainte-Bertille, c'est aussi le nom de la minoterie, ce grand bâtiment blanc sis au bord de la Scarpe que nous croisons peu après la source. Sainte-Bertille est décidément bien populaire, ici.
L'église Sainte-Bertille, édifiée en 1881, succède à celle construite en 1191 au cœur de l'abbaye, érigée spécialement pour accueillir les reliques de la sainte.
Détruite lors de la Révolution, l'ancien édifice a laissé place à l'église actuelle, qui abrite toujours ces précieuses reliques, visibles aux visiteurs.
A la sortie du village, un petit détour - non prévu dans la randonnée originelle - par le Marœuil British Cemetery permet de découvrir un lieu de mémoire chargé d’histoire.
Établi en mars 1916, ce cimetière témoigne des combats acharnés autour d’Arras pendant la Première Guerre mondiale. Ce secteur était un point stratégique essentiel pour les Alliés, notamment lors de la bataille d’Arras en avril 1917, qui visait à briser les lignes allemandes.
Le site accueille 574 tombes, principalement de soldats du Commonwealth, rappelant le prix de la liberté dans un monde toujours tourmenté. Parmi eux repose George Henry Waters, grand-père de Roger Waters, cofondateur du groupe Pink Floyd. Pourrez-vous retrouver sa tombe ?
Étonnamment, l’itinéraire Komoot ne traverse pas le Bois de Marœuil… alors qu’il s’en réclame dans le titre ! On va donc y remédier en passant par là.
Nous quittons Marœuil par l’ouest, plutôt que par le nord comme le propose l’itinéraire Komoot. Cela permet, entre autres, de profiter d’une belle vue en contrebas sur le Marœuil British Cemetery, installé un peu plus haut, à flanc de colline.
Le Bois de Marœuil est un espace naturel sensible, géré par Eden 62. Aujourd’hui, on s’y promène tranquillement pour observer la flore et la faune locale. Mais le bois n’a pas toujours connu cette quiétude.
Pendant la Première Guerre mondiale, il fut presque entièrement rasé par les Alliés : son bois servit à renforcer les tranchées lors de la bataille de la crête de Vimy.
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Bataille de la crête de Vimy
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Nous quittons le bois par la très belle allée des Tilleuls.
Les ruines du Mont-Saint-Éloi semblent si proches qu’on pourrait presque les toucher du bout des doigts. Mais ne croyez pas pour autant être arrivés : au lieu de nous en approcher, le sentier nous ramène au fond de la vallée, à Écoivres, en passant par Bray !
À Bray, l'ancien moulin est aujourd'hui une demeure de caractère. En face, la carrière de craie est une belle illustration des strates géologiques de l'Artois formées entre 90 et 60 millions d'années avant notre ère.
À l'entrée d'Écoivres, nous longeons le cimetière militaire. À l'origine, il s'agissait d'un cimetière civil mais l'armée française l'utilisa dès fin 1914 pour y inhumer ses soldats tués au front.
Les Britanniques, venus relever les troupes françaises, l'utilisèrent à partir de mars 1916. Puis il accueillit les Canadiens tombés lors de la bataille de la crête de Vimy en avril 1917.
D'Écoivres à Mont-Saint-Éloi, le parcours Komoot est similaire à celui emprunté à l'aller. Pourquoi alors qu'il existe une alternative bien plus belle ?
Plutôt donc que de reprendre la route, nous emprunterons un beau chemin de campagne qui parcourt le fond de la vallée jusqu'à la chaussée Brunehaut.
Là, après avoir longé cette dernière sur une quarantaine de mètres, nous retrouvons un petit sentier qui court à l'arrière des jardins et nous amène dans le hameau de Mont-Saint-Éloi.
Il ne nous reste plus alors qu'à gravir la rue des Tours pour terminer la randonnée devant l'ancienne abbaye.
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Vous voulez revivre cette randonnée en vidéo 3D ? C'est ci-dessous que ça se passe :
Appréciation du parcours :
Voici une boucle au départ de Mont-Saint-Éloi qui ne manque ni de charme, ni d’histoire. Entre villages pittoresques, vallées verdoyantes et chemins de campagne, l’itinéraire traverse un paysage varié, riche en souvenirs du passé.
À chaque étape ou presque, l’Histoire se rappelle à nous. Celle des soldats de la Grande Guerre, d’abord, dont les tombes alignées rappellent, en silence, le prix de la liberté. Celle aussi, plus lointaine, d’un oppidum gallo-romain, des ruines d’une abbaye majestueuse ou encore d’un mousquetaire bien connu qui semble nous escorter entre deux monts.
La randonnée mêle avec justesse nature, mémoire et curiosité. Quelques portions goudronnées ne gâchent pas le plaisir, et une variante bien choisie permet de traverser le bois de Marœuil, qui mérite vraiment le détour. Une boucle à la fois belle, vivante et pleine de sens.
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Comment rejoindre cette étape ?
Il est possible de rejoindre Mont-Saint-Éloi en bus au départ d'Arras mais comptez trois bons quarts d'heure de trajet. La voiture reste donc hélas le moyen de transport le plus pratique.
On pourrait aussi imaginer déplacer le départ de cette randonnée à la gare de Marœuil mais il n'y a un train que toutes les trois heures tant à l'aller qu'au retour. À étudier.
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Vous souhaitez parcourir cette randonnée ? Vous trouverez ci-dessous le lien vers Komoot :
Mais si vous souhaitez la suivre telle que je l'ai faite, vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire :