31 Mai 2022
Deuxième jour de cette série printanière 2022 sur la Via Francigena. Au programme, une petite vingtaine de kilomètres entre Mamirolle et Ornans.
Aujourd'hui, l'organisation avec les transports en commun vous paraîtra peut-être un peu compliquée. Je dis ça pour les touristes, comme moi, et non pour les pèlerins qui sont loin de toutes ces contingences.
La ligne de bus Mobigo LR 204 Pontarlier - Besançon passe par Ornans et Morre, mais pas par Mamirolle. La SNCF, elle, dessert Morre et Mamirolle. Pour m'éviter tout problème éventuel de correspondance, je laisse donc ma voiture à la gare de Morre en début de journée d'où je prends le train pour Mamirolle. À l'arrivée à Ornans, je prendrai le bus LR 204 pour revenir à Morre.
Voilà pour la logistique, il est temps de se mettre en route.
Je reprends mon périple exactement là où je l'avais laissé hier, à proximité de la gare de Mamirolle. Même les nuages semblent ne pas avoir bougé ! Seuls les joueurs de pétanque manquent au tableau.
Et comme hier, ça monte pour traverser le village !
Rue de l'Eglise, nous passons devant un bâtiment surmonté de l'inscription "École Nationale d'Industrie Laitière". Voilà qui a de quoi surprendre dans un si petit village.
En fait, il existe en France six écoles nationales d'industrie laitière (ENIL), dont celle de Mamirolle créée en 1888. Elles forment les jeunes du CAP jusqu'au BTS dans les domaines de l'agroalimentaire, des biotechnologies et de l'eau.
Depuis 1935, l'ENIL de Mamirolle produit un fromage du nom de Mamirolle, fromage au lait de vache pasteurisé, à pâte pressée non cuite et à la croûte lavée orangée.
Un peu plus loin, nous passons à hauteur de l'église Saint-Pierre datant du XVIIIè siècle.
Nous sortons du village par le Chemin du Mont pour gagner la Forêt du Gros Bois qui domine les environs. Ce que nous confirme, s'il le fallait, la vue procurée par une trouée dans les arbres.
C'est simple, depuis le départ, sur 2,6 kilomètres, nous n'arrêterons pas de monter jusqu'au point le plus élevé de la randonnée, à 625 mètres d'altitude. Et fortement par moments ! Pas de pitié !
Puis, logiquement, le chemin redescend, parcourt un plateau avant de remonter à nouveau.
À un moment, le bois s'éclaircit sur notre droite laissant deviner une vue dégagée sur la vallée en contrebas. L'envie est forte d'aller rapidement y jeter un œil mais encore un peu de patience - ce que je n'ai pas eu - et un petit sentier nous conduit au Belvédère de la Roche du Gratteris.
De là, la vue est superbe sur le village de Gratteris et le bois qui l'entoure. Et plus encore...
Après le belvédère, le chemin descend vers Foucherans. A la sortie de la forêt, nous aurons ainsi parcouru près de quatre kilomètres d'un superbe parcours.
Nous débouchons de la forêt à proximité de l'arboretum du Bois de Saint-Paul.
Il fut réalisé en 1995 par les enfants des écoles locales, puis entretenu pendant longtemps par un certain Dominique Julliot. Aujourd'hui, l'arboretum aurait atteint l'âge d'une nouvelle orientation, nous apprend la commune sur un panneau installé à l'entrée.
Quand on voit le manque d'entretien du lieu, doit-on se demander quelle est cette nouvelle orientation ?
Nous contournons une petite clairière par le nord pour arriver à la chapelle Saint-Maximin.
Déjà en 292, un pèlerinage aurait eu lieu ici en hommage à Maximin, saint protecteur du village. Il faut toutefois attendre 1410 pour qu'un évêque auxiliaire de Besançon consacre ici une chapelle.
Celle-ci est toutefois détruite en 1777 sur ordre de l'évêque de Besançon, le lieu étant devenu tout sauf un lieu de pèlerinage. On y organise des fêtes, les marchands et cabaretiers y installent leurs étals et on danse même dans la chapelle ! Mais les pèlerins continuent à venir se recueillir sur les ruines !
Pendant la Révolution, ces ruines sont aussi le lieu de rassemblement des contre-révolutionnaires si bien que, la ferveur des pèlerins n'ayant pas décru, des notables locaux font reconstruire la chapelle entre 1865 et 1867.
De l'emplacement de la chapelle, nous disposons d'une belle vue sur la campagne environnante. Le calme absolu de l'endroit incite à la pause...
De la chapelle, la Via Francigena descend un chemin encaissé à travers bois avant de traverser une prairie et d'atteindre un beau lavoir au carrefour de la D 102 et de la D 122E.
Après une nouvelle courte incursion dans les campagnes, nous traversons Foucherans. Cette ancienne commune a fusionné le 1 janvier 2019 avec Tarcenay pour former la commune de Tarcenay-Foucherans dont Tarcenay est le siège.
Foucherans a su garder son caractère rural typique, avec ses maisons en pierres du pays. L'église Saint-Philippe et Saint-Jacques date du XIXè siècle. Elle remplace une église datant peut-être du XIIIè siècle jugée trop petite dont on n'a conservé que le clocher reconstruit en 1724.
Sortis de Foucherans, nous suivons alors pendant près de deux kilomètres une petite route asphaltée traversant une plaine couverte de cultures et de prairies.
Trois cents mètres après avoir pénétré dans la forêt communale de Foucherans, nous quittons la petite route asphaltée pour un superbe chemin forestier !
Ça se complique juste un peu pour descendre dans la Combe de Vauvaselins où la pente est tellement raide qu'on a cru bon y rajouter une main courante et quelques marches !
Au fond de la combe, nous retrouvons ce magnifique chemin, qui nous conduit cette fois à la Voie verte.
Celle-ci parcourt le site de l'ancienne voie ferrée qui reliait l'Hôpital-du-Grosbois à Lods. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors d'une prochaine étape.
Ici, dans sa version actuelle, la Via Francigena suit la Voie verte jusqu'à Ornans. Par contre le GR 145 propose une variante qui descend dans la vallée du ruisseau de Plaisir Fontaine et passe par l'ancien prieuré de Bonnevaux du Bas. Cette variante est aussi plus sportive que de rester sur la Voie verte.
Personnellement, j'ai choisi de prendre cette variante donc la description que je fais ici du parcours ne concerne que celle-ci.
C'est ainsi reparti sur un beau sentier qui descend progressivement à flanc de vallée pendant trois cents mètres.
Là, nous bifurquons à gauche sur un sentier descendant en épingles à cheveux jusqu'au fond de la vallée. La pente est abrupte par endroits, prudence !
Le sentier se termine à un carrefour en T. À gauche, au bout d'un chemin courant quasi à l'horizontale pendant une centaine de mètres le long du ruisseau, nous aboutissons à la grotte de Plaisir Fontaine.
Le sentier est fermé par une balustrade et nous pouvons juste voir de la grotte son entrée béante de 36 mètres de large sur 10 de haut. Si vous en voulez une description exhaustive, vous pouvez consulter le site dont je vous mets le lien un peu plus bas.
Il faut alors rebrousser chemin pour reprendre le parcours de cette variante du GR 145. Mais au carrefour en T par lequel nous étions arrivés, un arrêté municipal nous interdit de continuer tout droit ! Des arbres se sont effondrés sur le chemin et représenteraient un danger pour les marcheurs et vététistes !
Non mais, de qui se moque-t-on ? Quel est le marcheur qui, arrivé au fond de la vallée, découvrant cet arrêté d'interdiction, va remonter toute la pente pour contourner l'obstacle alors même que l'agent municipal qui l'a placé n'a eu ni le courage, ni l'intelligence de le faire ?
Chacun prendra ses responsabilités, évidemment. Personnellement, je décide d'aller juger moi-même de la situation... et je choisis de passer l'obstacle...
Le sentier débouche sur une petite route asphaltée, à proximité d'un élevage de truites. Le poisson qui a contribué à la renommée de la région.
Nous descendons la vallée...
... pour rejoindre la vallée de la Brême, site naturel classé, que nous suivons vers la gauche en direction de Bonnevaux du Bas.
Sur les hauteurs, à gauche, un éperon rocheux attire l'attention. Il s'agit du Rocher du Tourbillon. Accessible par un sentier, la vue de là-haut doit être superbe. Une autre fois, peut-être.
Quelques centaines de mètres après Bonnevaux du Bas, l'ancien prieuré se présente à nous. Du moins, ce qu'il en reste, c'est-à-dire le clocher de l'église.
Depuis le XIIè siècle, les habitants de Bonnevaux vivent pour la plupart dans le fond de la vallée, centrés d'abord autour du prieuré, puis de l'église. Jusqu'au début du XIXè siècle, les moulins y constituent l'activité principale. On trouve ainsi 10 moulins sur les 10 kilomètres de cours de la Brême !
Mais au début du XIXè siècle, les moulins ferment les uns après les autres. La population se tourne alors vers l'élevage et l'exploitation forestière et se déplace logiquement vers le village du haut. Les habitants projettent d'y construire une église.
L'église du bas est en très mauvais état et les habitants voient d'un mauvais œil ce projet. Malgré leur mobilisation, en 1861, une église verra le jour dans le Bonnevaux du haut. La suite, nous l'avons devant nous...
À noter que tant Bonnevaux-le-Prieuré que Bonnevaux du Bas font partie depuis le 1 janvier 2016 de la nouvelle commune d'Ornans.
Nous continuons à remonter la vallée de la Brême pendant cinq cents mètres...
... jusqu'à ce que nous bifurquions à droite sur un petit sentier qui grimpe dans une petite vallée perpendiculaire avant de suivre le flanc de la vallée plus ou moins à la courbe de niveau.
J'ai rattrapé à cet endroit un couple de marcheurs de Besançon habitués de marcher ici. Et quand je leur parle de l'arrêté municipal d'interdiction dans la vallée du ruisseau de Plaisir Fontaine, ils partent dans un grand éclat de rire ! "Mais qui va respecter cet arrêté là où il est placé !?", me lancent-ils en chœur ! Ben oui, qui...
Bon, bien qu'ils soient tous deux une dizaine d'années plus âgés que moi, je ne peux suivre leur rythme... Bonne randonnée Monsieur, Dame !
Il faut dire que cette première partie de la montée est déjà sportive...
... mais alors que dire après cet escalier !?
Je ne sais pas si c'est la fatigue des 14 kilomètres déjà parcourus mais je ne me rappelle pas un passage sur la Via Francigena aussi dur physiquement depuis mon départ de Calais !
Certes, les sorties de Bar-sur-Aube et de Besançon n'étaient pas piquées des vers, mais là...
On finit enfin par déboucher sur le plateau, au sommet de la colline.
On pratique ici l'élevage, et la production de lait pour l'industrie fromagère, le Morbier en particulier, constitue la ressource principale. Le fermier du coin rencontré au détour du chemin reconnaît même sans ambages que l'activité est plutôt lucrative...
La ferme de Septfontaines derrière nous, arrive un moment de la randonnée que je trouve personnellement assez intéressant. C'était déjà arrivé après la chapelle Saint-Maximin, mais je n'y avais pas eu le même ressenti.
Pour rejoindre la Combe Laportière, nous devons franchir la clôture d'une prairie et traverser celle-ci jusqu'au bois. Ça me procure à cet instant un sentiment de liberté que je n'avais jamais ressenti auparavant. Comme si j'étais soudain libéré de toute contrainte...
Et puis, la beauté de cette combe est tout simplement exceptionnelle !
La récompense des efforts physiques consentis sur cette variante du GR 145 arrive avec la découverte du château d'Ornans. C'est tout simplement superbe ! Et cette vue sur la ville et ses environs... !
Dominant la vallée de la Loue de 130 mètres, il ne reste quasi rien de ce château du Moyen-Âge qui, installé sur un éperon rocheux était protégé par des parois abruptes sur trois de ses côtés.
En 1295, Othon IV qui en avait hérité de ses parents, le vend au comte de Bourgogne. Les barons comtois ne l'acceptent pas et, en 1300, le détruisent. Le roi de France contraint néanmoins les barons à le reconstruire.
En 1475, Charles le Téméraire en renforce les défenses lors de la guerre contre la Suisse.
Lors de la conquête de la Franche-Comté par Louis XIV en 1668, le château capitule sans combattre. En 1674, le Maréchal de Luxembourg reçoit du roi l'ordre de le détruire. Ce sera fait le 5 mai.
Seule la chapelle Saint-Georges, reconstruite vers 1500, échappe à une nouvelle destruction.
Se balader en ce lieu, c'est comme vivre un moment hors du temps...
Il ne reste plus qu'à se laisser descendre par la combe Pellerin vers Ornans, sur un beau sentier protégé par des murs de pierres calcaires...
Mais pourquoi ne pas faire un petit détour par la Fontaine aux Vipères ?
Cette fontaine existe depuis très longtemps. Elle servait de complément aux citernes à eau du château pour l'approvisionnement de ses occupants. Les femmes venaient aussi y laver leur linge, autant d'occasions pour les commérages. C'est de là que la fontaine tire son nom.
De la fontaine un kilomètre nous sépare de l'arrivée, près de la passerelle qui traverse la Loue, à l'angle sud-est de la Place Courbet.
Le Doubs est décidément une belle terre de randonnée. Pour le deuxième jour de suite, nous avons profité d'un superbe parcours.
C'est certes quelque peu sportif, surtout en choisissant sur la fin la variante du GR 145 mais, comme hier, cette étape pourra vous régaler par ses magnifiques chemins forestiers et son patrimoine varié !
Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX :