30 Mai 2022
Et voilà, c'est le moment du grand retour sur la Via Francigena après tant de mois d'impatience ! Ce sont dix nouvelles étapes qui m'attendent, du 30 mai au 10 juin, et qui devraient m'emmener de Besançon jusqu'à Vevey, en Suisse donc.
Au menu du jour, une randonnée d'une vingtaine de kilomètres, de Pont Battant à Besançon, où je m'étais arrêté l'année dernière, à Mamirolle. Un parcours sans grande difficulté, à l'exception sans doute de la sortie de la vallée du Doubs.
Comme à mon habitude, je choisis un logement sur ou proche du parcours de la Via Francigena à partir duquel je rejoins le départ de l'étape en utilisant les transports en commun, si possible. Et pour ces deux semaines, le seul problème se présentera lors de l'étape pendant laquelle je passerai de France en Suisse. Nous y reviendrons en temps utile.
Ce matin, je prends donc le train de Mamirolle jusqu'à Besançon-Viotte. De là, il est très aisé et rapide de descendre à pied jusqu'à Pont Battant.
Je vous avais déjà parlé du quartier de Pont Battant dans le récit de l'étape précédente, je ne vais donc pas y revenir. Par contre, j'avais volontairement passé sous silence le pont de Pont Battant. Histoire d'en garder un peu pour cette fois.
Le Pont Battant est construit à l'époque romaine, autour de l'an 160. Il est alors constitué de sept arches en calcaire blanc. Durant le Moyen-Âge, on y trouvera même des échoppes dont les dernières ne disparaîtront qu'en 1841. De 1691 à 1776, il accueillera même un arc de triomphe à la gloire de Louis XIV.
Au fil du temps, le nombre d'arches diminuera, passant à cinq à la fin du Moyen-Âge, puis trois entre 1695 et 1879 lors de réaménagements des quais, pour ne plus comporter qu'une seule arche en 1953 lorsqu'il fut reconstruit en béton. Il sera élargi en 2013 pour permettre le passage du tram à partir de 2014.
La réduction du nombre d'arches eut deux conséquences importantes : la diminution des crues suite à l'accumulation de branches d'arbres ou autres objets contre les piles du pont et le passage facilité des bateaux touristiques.
Du quartier de Battant, la Via Francigena traverse le pont puis emprunte le Quai Vauban vers la droite, sur la rive gauche du Doubs. Nous descendons donc la rivière à l'intérieur de la boucle.
Normalement, vous devriez assez rapidement rejoindre le chemin de halage mais si vous faites comme moi, et êtes plutôt attentifs au paysage, vous raterez sans doute les escaliers qui permettent d'y descendre.
J'ai donc continué sur le Quai Vauban jusqu'au pont de Canot. Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose, la vue y étant à mon avis meilleure que depuis le chemin de halage.
Notamment sur la superbe résidence universitaire Canot située sur l'autre rive !
À partir du pont, nous n'avons de toute façon plus le choix, il faut bien descendre sur le chemin de halage pour suivre le Doubs.
L'occasion au passage d'admirer la tour bastionnée des Marais, puis celle de Chamars. Ces deux tours sont construites sous Vauban, au XVIIè siècle, lorsqu'il apporte sa touche aux défenses de la ville.
À l'origine, le deuxième étage est à ciel ouvert. Ce n'est qu'au XIXè siècle qu'on y ajoute un toit. Elles sont toutes les deux inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Nous continuons notre périple entre Doubs et murs bastionnés d'où nous pouvons apercevoir la Citadelle, perchée sur son rocher.
L'espace que nous traversons est, jusqu'à l'époque de Vauban, couvert de marais asséchés. Celui-ci considère néanmoins qu'ils constituent un point faible dans le système défensif de la ville et fait construire le mur d'enceinte que nous voyons encore aujourd'hui.
Fin du XIXè siècle, devant l'expansion du trafic fluvial, on y aménage un port de commerce où sont chargées et déchargées les marchandises telles que le bois et le vin.
Mais le transport par voies d'eau périclite à partir du début du XXè siècle et, jusque début des années 1970, le site est progressivement laissé à l'abandon. L'Etat projette d'y construire un site administratif mais, devant l'opposition citoyenne, y renonce (en partie).
Ainsi, depuis les années 1980, le site, dénommé la Gare-d'Eau, est devenu un espace vert constitué de jardins, au plus grand bénéfice des promeneurs.
Après la Gare-d'Eau, nous continuons à longer le Doubs, à hauteur du Faubourg Tarragnoz.
C'est là que nous retrouvons le tunnel-canal creusé sous la citadelle de 1878 à 1882. Ouvert depuis le 30 avril 1882, il permet aux bateaux d'éviter de devoir parcourir la boucle du Doubs.
Vous pouvez voir d'autres photos dans mon article précédent sur la Via Francigena.
Après le tunnel, nous continuons encore pendant 600 mètres le long du Doubs, avant de quitter la vallée.
Et là, vous avez beau vous dire que vous avez marché pendant près de trois kilomètres, que vous êtes échauffé, votre cœur et vos poumons, peut-être vos jambes aussi, vous signifieront à quel point ce Chemin de la Petite Creuse monte !
Même si cela en devient plus facile quand il se transforme en escalier !
Nous gagnons ainsi le Chemin de Malpas, qui longe à distance le mur sud de la Citadelle de Besançon. Ça continue à monter mais nous pouvons néanmoins y reprendre notre souffle.
La partie sud de la Citadelle abrite le zoo de Besançon. Personne n'en doutera en entendant les cris permanents des animaux. Les singes en particulier !
Au carrefour au bout du Chemin de Malpas, un panneau indique un point de vue à deux cents mètres.
Cela vaut-il la peine de grimper jusque là ? J'ai fait l'effort pour vous et je dis oui. À vous maintenant de décider...
De retour sur la Via Francigena, on continue à monter par le Chemin des Trois-Châtels. Il conviendra toutefois d'être attentif car après une centaine de mètres il faut emprunter un petit sentier sur la gauche, qui monte à travers le bois.
Accroché au flanc de la colline, le sentier propose par moments des passages assez spectaculaires.
Et quand on arrive sur une sorte de plateau, nous bénéficions encore de vues uniques sur la Citadelle. Et toujours ces cris d'animaux...
Après Trois-Châtels, nous connaissons un bref répit. Le chemin redescend dans une vallée couverte de prairies avant de remonter à travers bois en direction de la Chapelle des Buis.
Dans une trouée, un regard en arrière et nous apercevons encore la Citadelle. Et toujours ces cris d'animaux ! Mais comment font les gens du coin pour supporter ça à longueur de journées !?
Revenu sur la route asphaltée, après un virage en épingle à cheveux, je découvre une croix, et un peu plus loin, un oratoire marial aménagé dans la roche.
Serait-ce cela la Chapelle des Buis ? Étrange...
Je continue mon chemin et je découvre d'autres croix, à distance régulière. Je réalise alors seulement que je marche le long d'un chemin de croix...
Au bout du chemin, je découvre finalement la Chapelle Notre-Dame des Buis !
Chapelle des Buis, c'est aussi le nom du hameau qui l'abrite. Hameau qui a la particularité d'être à cheval sur trois communes : Besançon au nord, Morre et Fontain au sud.
La chapelle actuelle dont la construction remonte à une période inconnue mais comprise entre le XVIIè siècle et le XIXè siècle, remplace un ermitage dont l'existence au XIIIè siècle est attestée.
En fait, à 500 mètres d'altitude, vu sa situation dominante et sa position stratégique, l'endroit a toujours été fréquenté. Des vestiges d'une voie romaine y sont encore visibles.
Rien de tel pour se rendre compte de la position stratégique de la Chapelle des Buis que d'admirer le paysage depuis la devanture de la chapelle. On y domine même la Citadelle !
Nous prenons maintenant la direction d'un autre monument de la Chapelle des Buis, l'église Notre-Dame de la Libération.
En chemin, nous bénéficions d'autres points de vue sur la ville et les environs de Besançon et nous passons aussi devant l'ancienne poudrière du fort de l'Est des Buis.
C'est d'ailleurs dans ce fort qu'est installée l'église Notre-Dame de la Libération dont seule une statue monumentale de la Vierge de sept mètres de haut installée sur le toit de l'édifice révèle la présence.
Le fort de l'Est des Buis est construit en 1871, suite à la guerre de 1870, pour renforcer les défenses de Besançon. Il est légèrement modifié par le général Séré de Rivières entre 1872 et 1893 lorsque celui-ci repense le système défensif. Il comprend alors cinq emplacements de pièces d'artillerie.
Une crypte y est aménagée et la statue de la Vierge installée en 1949 suite à une promesse de Monseigneur Dubourg, archevêque de Besançon.
De là, nous pouvons encore profiter de vues sur les collines environnantes et la ville de Besançon.
Nous repartons de l'église en contournant le site par le sud. C'est d'abord un étroit sentier qui s'élargit ensuite jusqu'à ce que nous récupérions la route que nous avions abandonnée en quittant la Chapelle Notre-Dame des Buis.
Au bout d'un kilomètre, nous quittons la route pour emprunter un sentier, sur la droite. Nous entrons ainsi dans le Bois de la Côte et, pendant deux kilomètres, le très beau sentier suit exactement une ligne de crête. Un réel plaisir !
Nous retrouvons la civilisation au Trou au Loup mais très rapidement nous retournons à la nature.
Le chemin suit le bord du plateau à travers bois jusqu'à ce qu'une trouée nous offre encore de superbes vues vers Besançon, à l'ouest, mais aussi vers l'est.
Nous descendons du plateau pour revenir sur une route asphaltée. La Route des Roches sur le territoire de Morre, le Chemin Stratégique sur celui de Montfaucon.
À côté de l'église de la Nativité de Notre-Dame de Montfaucon, un panneau m'apprend qu'il me reste encore 1272 kilomètres à parcourir pour atteindre Rome ! Ouftiii ! À raison de 400 kilomètres par an sur la Via Francigena, j'en ai encore pour trois saisons ! Mieux qu'une série Netflix, non ?
L'église de la Nativité de Notre-Dame est inscrite au titre des monuments historiques depuis le 16 avril 2009. Si une église existe déjà sur le territoire de Montfaucon au XIVè siècle, celle-ci se trouve alors à proximité du château autour duquel la population s'est installée.
Mais fin du XVè, le château perd son importance et la population se déplace pour gagner des terres plus propices à l'agriculture. Le village se scinde en deux et, au XVIIè siècle, la partie située près du château est totalement délaissée.
Après trente ans de tergiversations, une nouvelle église, celle que nous connaissons aujourd'hui, est finalement bâtie à l'emplacement actuel et consacrée en 1785.
Alors que je m'apprête à quitter le village, je suis interpelé par Monsieur le Maire ! Il a reconnu en moi le pèlerin que je ne suis pas ! Bon, oui, certes, je parcours la Via Francigena mais comme touriste, pas comme pèlerin. Enfin, soit...
Monsieur le Maire me conseille de suivre la rue de la Pérouse plutôt que d'entrer dans le Bois de la Ratte, comme l'indique mon GPS.
Monsieur le Maire parti, je me retourne pour m'engager dans le sentier entrant dans le Bois de la Ratte et, enfer et damnation !, une croix rouge et blanche de la FFRP m'indique que ce n'est pas le bon chemin ! Ben, comment ça !?
Je regarde un peu plus loin sur le sentier et, que vois-je !? Le symbole de la Via Francigena accroché à un arbre en bordure de sentier ! Après un moment d'hésitation, je choisis finalement de le suivre.
Vous ferez comme vous voudrez mais je ne regrette pas mon choix. Le sentier qui descend à travers le Bois de la Ratte est très agréable. Et en ce qui me concerne, ça vaut toujours mieux que de marcher le long d'une route asphaltée.
Le sentier débouche effectivement au même endroit que la rue de la Pérouse, à un rond-point. On a vite fait de le contourner pour rejoindre un chemin de campagne qui court en limite ouest du Marais de Saône, en contrebas de la D 464.
S'il n'y avait le bruit du trafic automobile, voilà encore un beau passage sur l'étape du jour.
Au bout d'un kilomètre et demi, nous atteignons le hameau de la Couvre, à Morre. Mes supportrices sont au rendez-vous ! Oui, bon, ça manque d'enthousiasme...
À la Couvre, nous bifurquons à gauche pour traverser le Marais de Saône.
Celui-ci est le résultat d'un effondrement karstique et les eaux qui y sont recueillies n'ont d'autre exutoire que de gagner la nappe phréatique. D'une superficie de 820 hectares, sa préservation en tant qu'espace naturel est donc essentielle.
Après la traversée rapide du quartier de Petit-Saône, nous nous retrouvons maintenant dans une plaine agricole. Au loin, une tâche jaune dans le champ m'intrigue. Et plus je me rapproche, plus je n'en crois pas mes yeux. Des ailes d'avion dans un champ !
Le fermier, opportunément présent sur les lieux, m'explique, qu'hier, un petit avion de tourisme s'est écrasé dans le champ voisin, a rebondi, et s'est échoué là où on voit les ailes aujourd'hui. Mais le fuselage alors ? Déjà emporté par les autorités !
Fort heureusement, les deux occupants de l'avion s'en sont sortis pratiquement indemnes !
Bon, il y a peu de chance qu'à l'avenir vous voyiez encore des ailes dans ce champ...
Continuons notre périple à travers champs...
Tiens, des Indiens d'Amérique ici ?
Le dernier kilomètre et demi est un peu moins heureux puisqu'il faut suivre la D 410 jusqu'au chemin de fer qui marque la fin de l'étape. En montée à partir du stade de football, qui plus est !
Cette étape entre Besançon et Mamirolle correspond pour moi à l'archétype même de la randonnée. Du patrimoine, de la nature, du dénivelé, de beaux chemins, peu de bitume, le rêve, quoi !
Bon, il y a quand même de sacrées côtes, comme la sortie de la vallée du Doubs. Donc il faut une certaine condition physique. Mais voilà un parcours sur lequel on ne s'ennuie jamais.
Je recommande !
Si vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena, vous trouverez ci-dessous la trace GPX :
--------------------------------------------------
Le circuit du fort et des batteries, à Montfaucon
Lors de notre rencontre, Monsieur le Maire de Montfaucon m'avait invité à monter jusqu'au belvédère qui se trouve au nord du village. De là, quand la météo le permet, il serait possible d'apercevoir le Mont Blanc.
Comme il me reste du temps avant de rejoindre mon hébergement pour les deux prochaines nuits, je décide donc d'y aller.
Je n'ai pas pu voir le Mont Blanc mais la vue de là-haut est imprenable !
Et puis, je me suis rappelé ce panneau pris en photo à l'entrée du Bois de la Ratte, tout à l'heure...
... et comme j'avais encore un peu d'énergie...
Je n'ai pas fait le circuit en entier mais seulement la partie à hauteur du belvédère. Cela permet de voir le fort, les fossés, le poste optique, ou du moins ce qu'il en reste, et un emplacement de batterie.
Sa construction date de la même époque que celle du fort Est des Buis dont je vous ai parlé plus haut dans le récit de mon parcours sur la Via Francigena. Je ne vais donc pas y revenir.
Mais un événement mérite d'être mentionné. Le 16 septembre 1906, vers 16hr, la foudre frappe le fort. Une énorme explosion souffle les vitres des maisons du village pourtant situé à 1200 mètres !
Une partie du fort n'est plus qu'un tas de pierres, de ferrailles et de gravats. On décompte 8 morts, dont 6 civils, et de nombreux blessés. Ce jour-là étant un dimanche, de nombreux promeneurs sont présents dans les environs, ce qui explique la prédominance de victimes civiles.
L'enquête révélera que la foudre avait atteint la poudrière sur laquelle on était en train d'installer un paratonnerre. Elle contenait 95 tonnes d'explosifs !