Parce que randonner c'est la santé...
3 Juin 2022
Cette dernière étape de la semaine sur la Via Francigena est symbolique. Elle marque la fin de mon périple en France puisque, ce soir, je serai en Suisse !
En effet, démarrant de Pontarlier l'itinéraire du jour m'emmène à Sainte-Croix, de l'autre côté de la frontière. Soit 26 kilomètres et un dénivelé positif de près de 800 mètres au programme.
Petite précision toutefois. Au départ de Pontarlier, deux voies existent vers la Suisse. Celle que j'emprunte aujourd'hui, mais aussi la variante historique passant par Jougne. Les deux se rejoignent à Orbe. À vous de choisir...
Côté logistique, si le départ est facile puisque je loge à Pontarlier, y revenir aurait pu s'avérer très compliqué si Patricia, mon hôte, n'avait accepté de me récupérer à la gare de Sainte-Croix. Il n'y a pas de ligne directe de transport en commun entre les deux villes, la seule option consistant à faire un détour par Neuchâtel, soit 3h30 de train ! Impensable !
Je prends le départ de l'Office de Tourisme de Pontarlier, à l'angle des rues de la Gare et Marpaud pour me diriger rapidement vers la belle église Saint-Bénigne, à deux pas de là.
D'après certains écrits du XIè siècle, une église dédiée à Saint-Bénigne aurait déjà existé à cet emplacement au VIIè siècle.
Toutefois, vu les nombreux remaniements et reconstructions que l'église a subis depuis le XVIIè siècle, aucun élément architectural antérieur à cette période ne subsiste. Elle fut d'ailleurs complètement détruite en 1639 lors de la prise de Pontarlier par les troupes de Saxe-Weimar.
En quittant l'église, je suis les indications de mon GPS et je me retrouve le long du Doubs, rocade Georges Pompidou. Si c'est joli côté rivière, de l'autre c'est très moche. La route est très fréquentée et on fait face à un mur de béton.
C'est au moment où je me dis que la FFRP aurait peut-être pu trouver un itinéraire plus agréable que je me rends compte que je ne suis pas sur le bon chemin !
Depuis que j'ai préparé mes étapes, le parcours a changé et on emprunte maintenant une route parallèle, l'avenue de Neuchâtel ! Mais pourquoi on ne me dit jamais rien, à moi !?
Bon, pas de panique, les deux chemins se rejoignent au faubourg des Forges. Et là, après le collège André Malraux, on quitte l'axe principal pour grimper sur le flanc de la vallée.
Dans la première épingle à cheveux de la route, on bifurque sur la droite, plein sud, en direction de la Cluse-et-Mijoux.
Si vous n'étiez pas encore échauffé, vous n'aurez plus longtemps à attendre. Pendant un kilomètre, nous affrontons un chemin forestier affichant une pente de 12 % de déclivité en moyenne ! C'est la première difficulté du parcours...
Mais la récompense de ses efforts est grandiose !
Nous débouchons sur le point de vue du Fer à Cheval d'où nous bénéficions d'une vue formidable sur la vallée du Doubs et le superbe château de Joux !
Comme je ne prends jamais connaissance à l'avance de ce que je vais rencontrer sur mon parcours, ma surprise est totale ! Jamais je n'avais entendu parler de ce magnifique château !
Il faut encore grimper, moins fort toutefois, pendant 700 mètres pour atteindre le premier sommet de la randonnée, à 1.058 mètres d'altitude. Pour vous faire une idée, nous étions à 838 mètres en quittant Pontarlier.
Une averse orageuse me surprend sur le sommet, mais après être resté quelques minutes à l'abri, je me remets en route. C'est sur un superbe chemin que nous descendons progressivement vers la Cluse-et-Mijoux.
Au détour du chemin, une autre surprise m'attend ! Un autre fort, beaucoup plus récent que le château de Joux, est accroché au flanc de la colline ! Mais que fait-il là ? De quand date-t-il ?
Le Fort Mahler, puisque c'est son nom sur la carte IGN, - en réalité, il se nomme Fort du Larmont inférieur - fut construit entre 1845 et 1851 pour protéger le château de Joux et renforcer les défenses de la cluse (*) de Pontarlier.
En effet, début des années 1800, la portée de l'artillerie est allongée et le château de Joux aurait pu être attaqué depuis le sommet du Larmont, la montagne sur laquelle nous nous trouvons.
(*) La cluse est une vallée creusée dans une montagne par une rivière, créant ainsi une gorge ou un défilé.
Quand on voit ce qu'on voit depuis le fort, on se rend compte de la pertinence de son emplacement !
Après en avoir pris plein les mirettes, nous continuons à descendre vers la Cluse-et-Mijoux...
"Bonjour vous !"...
Oh ! De la gentiane jaune ! Elle fleurit normalement de juin à août. Dommage, je suis visiblement là un peu trop tôt...
Dans la descente, les occasions sont encore nombreuses d'admirer le superbe château de Joux...
Mais ce fameux château alors ? Eh bien, je lui réserve une rubrique spéciale en fin d'article.
Nous descendons vers le quartier St-Pierre par un beau chemin en épingles à cheveux. La vue dégagée nous offre une belle perspective sur l'église Saint-Pierre.
Commencée en 1698, la construction de cette belle église d'aspect robuste ne s'achève seulement qu'en 1734. Comme la plupart des églises de Franche-Comté, elle possède un clocher à l'Impériale.
Après avoir contourné cette partie du village par la lisière sud, on traverse la vallée de la Morte. Un étroit sentier au relief inégal nous emmène vers le flanc opposé.
Au loin, la silhouette du château de Joux se découpe sur son promontoire...
La montée dans le bois, puis en lisière, est assez scabreuse. On n'a aucune peine à deviner que par fortes pluies le sentier se transforme en torrent.
Parlant de pluie, celle-ci revient soudainement. Elle tombe à point, c'est l'heure de la pause casse-croûte. Bien à l'abri sous les arbres, je profite en même temps d'une belle vue sur la vallée.
Me remettant en route, je suis tenté de suivre le large chemin forestier montant tout droit sur la colline. Heureusement, le fléchage bien visible du GR 145 me met sur le bon chemin, un étroit sentier qui fait un contournement par une combe.
Les deux chemins se rejoignent quasi au même endroit, à hauteur du carrefour au pied du hameau de Montpetot.
On peut y voir aujourd'hui la chapelle de l'Assomption, datant de 1830. Mais auparavant, à cet emplacement, se trouvait déjà un oratoire construit en 1636 par Jacques Mathey, procureur fiscal et tabellion de la justice de Joux, qui possédait ici une maison et un terrain.
À l'époque, sans cet oratoire, les gens du village devaient courir à Pontarlier pour y accomplir leurs devoirs religieux.
Nous quittons Montpetot en direction de la Roche Sarrasine (*) par un petit sentier qui court à travers les pâturages avant de rentrer dans le bois.
(*) Sur les panneaux, vous lirez "Sarrazine", avec un "z". Pour ma part, je m'en tiens à l'orthographe de la carte IGN qui, normalement, fait référence.
Au sortir d'une petite clairière, on embraie sur un superbe chemin forestier qui suit la crête en direction de la Roche Sarrasine.
Le belvédère de la Roche Sarrasine se situe au lieu-dit Sur la Roche. Quoi de plus logique en somme ? C'est aussi le sommet de cette randonnée, à 1.193 mètres d'altitude.
Je suis surpris par le nombre de gentianes jaunes ! Jusqu'ici, de ma vie, je n'en avais jamais vu que deux ! Quel dommage qu'elles ne soient pas déjà en fleur...
Du belvédère, nous ne profitons que d'une vue vers le nord-ouest, c'est-à-dire en direction de Montpetot et du château de Joux. Mais alors, quelle vue !
On dit au revoir au château de Joux et on descend à travers les pâturages, sur une petite route asphaltée, vers les Fourgs.
Avec un sommet culminant à 1.246 mètres d'altitude, la commune des Fourgs constitue le toit du Doubs. C'est aussi une petite station de sports d'hiver idéale pour la pratique du ski de fond.
Les Fourgs est également la dernière commune française traversée avant le passage en Suisse !
Mais allons d'abord jeter un œil sur l'église de l'Assomption au clocher comtois à l'Impériale...
On quitte le village en direction de la chapelle du Tourillot. Perchée sur la colline, on y a une belle vue sur les environs.
En gagnant la petite route asphaltée, derrière la chapelle, je connais un moment de flottement, d'hésitation, de doute... Le balisage du GR m'indique d'aller vers la droite alors que je devrais aller vers la gauche ! Si je vais à droite, où cela va-t-il me mener ?
J'ai parcouru 16 kilomètres depuis le départ et la fatigue, plus mentale que physique commence à se faire sentir. Je n'ai pas envie de partir à l'aventure. Je choisis donc de suivre le chemin indiqué par mon GPS et là, que vois-je !?, une minuscule étiquette de la Via Francigena accrochée à la clôture !
Ouf ! Je suis sur le bon chemin !
Mais alors que 400 mètres plus loin je dois franchir cette clôture pour suivre une sente à travers le pâturage, voilà qu'il n'y a plus de signalisation ! Tant pis, jusqu'à la frontière, je suivrai les indications de mon GPS...
Je ne reverrai le fléchage de la Via Francigena, écrit hâtivement à la peinture au dos d'un panneau de circulation, que juste avant le poste-frontière de l'Auberson !
Poste-frontière de l'Auberson, passage en Suisse !
Ça ne signifie peut-être rien pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! Depuis mon départ de Calais, j'aurai parcouru 1.052,48 kilomètres à pied en 46 étapes.
Oh, bien sûr, je n'y vois aucune performance exceptionnelle. Parti le 29 juillet 2019, j'aurai pris mon temps. Mais que de découvertes exceptionnelles, tant humaines que patrimoniales, sur ce parcours !
En Suisse, plus de GR 145, c'est désormais le numéro 70 qu'il faut suivre. Ah oui ? Mais pourquoi il ne m'indique pas le chemin prévu par mon GPS alors ?
Normalement, j'aurais dû prendre un chemin à gauche, cent mètres après le poste-frontière. Or, là, c'est directement à gauche au poste-frontière que le balisage m'indique de tourner !
En plus, ce chemin part vers le nord alors que j'aurais dû aller plein est en direction de La Prise Perrier. Je vais disjoncter, là ! Je demande de l'aide à un habitant du lieu mais ses explications sont tellement confuses qu'il me perd.
Pas très rassuré, je décide quand même de suivre le 70. Il n'y a en fait pas de chemin, il faut suivre une direction générale à travers les pâturages, de passage de clôture en passage de clôture. Quelle aventure !
Je finis par atteindre un beau chemin de campagne. Pas d'indication mais je prends logiquement à droite en direction de La Prise Perrier. J'ai retrouvé un peu de sérénité, je peux goûter au paysage.
D'ailleurs, à La Prise Perrier, je retrouve le balisage 70...
La Prise Perrier est un hameau de la localité de l'Auberson qui fait elle-même partie de la commune de Sainte-Croix... Ouf... J'ai un peu de difficulté avec l'organisation administrative suisse. Ah oui, d'ailleurs, nous sommes dans le canton de Vaud.
Au fait, savez-vous comment sont surnommés les habitants de l'Auberson ? Je vous le donne en mille que vous n'en savez rien. Ce sont les Culs-Gelés, en référence aux grands froids que connaît la région.
L'Auberson est ce qu'on appelle un village-rue parce qu'il est traversé par une seule rue. En l'occurrence, ici, la route 151.
Et ce n'est pas terrible parce que, à cette heure, on a droit au trafic intense des frontaliers français qui rentrent chez eux. Que dis-je ? Qui sont pressés de rentrer chez eux !
Alors on est content de quitter la grand-route pour traverser la Combe en direction du Mont des Cerfs.
Tiens, au fait, de ce que je découvre, en Suisse, le balisage des chemins de randonnée se complète de petits panneaux orange affichant la silhouette d'un randonneur. On ne trouve le numéro de la randonnée qu'aux changements de direction.
L'ascension du Mont des Cerfs constitue la dernière difficulté de cette étape.
Avant de pénétrer dans la forêt qui couvre son sommet, on en profite pour jeter un dernier coup d'œil au Plateau des Granges au cœur duquel est posé l'Auberson.
On débouche de la forêt à proximité du col des Etroits où on domine Sainte-Croix ! Il n'y a plus qu'à se laisser descendre jusqu'à la gare où m'attend Patricia...
Euh... Non, non, ce n'est pas elle, elle ne roule pas en Porsche !!
Appréciation du parcours :
Quelle fin de parcours en apothéose sur la Via Francigena en France ! Je ne pouvais pas rêver mieux !
Cette étape réunit à la fois un patrimoine exceptionnel, des paysages superbes, de très beaux chemins. Qu'attendre de plus même si cette dernière étape de la semaine s'est faite un peu dans la souffrance ? Ah, ben oui, un meilleur balisage sur la commune des Fourgs !
Le château de Joux
Traditionnellement, je ne marche pas le week-end lorsque je parcours la Via Francigena. J'en profite pour me reposer, faire mes lessives, éventuellement reconditionner mon matériel, mais aussi et peut-être surtout pour visiter la région.
Cette fois, j'ai choisi la petite station thermale d'Yverdon-les-Bains, au bord du lac de Neuchâtel. En Suisse donc, comme vous le savez. C'est Céline qui m'accueille, de ce samedi à mardi prochain.
Le hasard faisant bien les choses, le château de Joux se trouve sur la route entre Pontarlier et Yverdon-les-Bains. Il ne pouvait y avoir plus belle opportunité de visite !
Il faut savoir que nous sommes en basse saison et que le château ne se visite pas seul. La visite guidée est obligatoire.
J'arrive à l'accueil aux alentours de 15h pour la visite guidée de 15h30... pour m'entendre dire que tout est complet aujourd'hui !!
- "Mais, Mademoiselle, je viens de Lille ! Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien quand même !?", dis-je gentiment à la demoiselle de l'accueil.
- "Ah ? Vous venez de Lille !?", me demande-t-elle.
- "Ben oui !". Bon, d'accord, j'omets de lui dire que je ne suis pas arrivé aujourd'hui mais qu'importe après tout, non ?
- "Ah, super !", me dit-elle. "J'ai fait mes études dans le Pas-de-Calais et je n'ai que des bons souvenirs de Lille ! Allez, venez avec moi, je vous emmène rejoindre le groupe qui vient de commencer la visite."
Comme quoi ça tient parfois à peu de choses... Bon, on la fait cette visite ?
Infos pratiques - Chateau de Joux
Horaires: de 10h à 12h30 puis de 13h30 à 18h Parcours découverter libre: dernière entrée sur le site à 11h45 et 17h15. Départ Visite Guidée: 10h30 - 11h - 14h - 14h30 - 15h30 - 16h15 Durée...
Il n'est pas question ici d'une visite détaillée. Il vaut beaucoup mieux aller sur place. Quelques photos suffiront amplement à vous en donner l'envie, je n'en doute pas.
Déjà dans "La Guerre des Gaules", Jules César parlait de cet endroit défendu par une cinquantaine d'hommes. C'est dire si la présence militaire ici est lointaine.
De par sa position stratégique, le fort joua un rôle important jusqu'après la deuxième guerre mondiale et subit de nombreuses transformations et améliorations.
Il servit aussi de prison d'état où croupirent d'éminents personnages tels que Mirabeau - bien que dans son cas on ne puisse pas parler d'y croupir - et Toussaint Louverture, initiateur de l'abolition de l'esclavage et de l'indépendance d'Haïti.
Si vous y allez en haute saison, choisissez absolument la visite guidée, vous y apprendrez des anecdotes incroyables. Truculentes même, dans le cas de Mirabeau !
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi, c'est-à-dire avec les modifications d'itinéraire dans Pontarlier et avant le passage de la frontière :