9 Juin 2022
Le ciel est plombé, au bord des larmes, quand j'arrive ce matin à la gare de Bussigny pour cette nouvelle étape de la Via Francigena qui nous emmène à Lutry.
Un parcours d'une vingtaine de kilomètres que nous pouvons décomposer en deux : six kilomètres le long de la Venoge, suivis de quatorze sur la rive nord du lac Léman. Nous ne devrions pas nous perdre...
Alors, sans plus attendre, mettons-nous en route !
Aucun doute, nous sommes sur le bon chemin ! Ça commence bien...
Six cents mètres séparent la gare de Bussigny de la Venoge que nous rejoignons près des jardins partagés, chemin de la Chocolatière, après être passés sous la Route Cantonale et son street art.
La Chocolatière se trouve juste de l'autre côté de la rivière mais ne cherchez pas l'odeur du chocolat, c'est un établissement médico-social !
Pendant les huit cents premiers mètres le long de la Venoge, nous évoluons dans une lisière boisée de maximum cinquante mètres de large. C'est suffisant pour oublier que nous sommes en pleine agglomération d'autant que le chemin est superbe.
Et Sigeric a bien fait les choses ! Il a regroupé tous les horribles ponts de béton sur un secteur de seulement trois cents mètres de long !
Ainsi, nous passons d'abord sous la route d'Yverdon où il faut un peu courber l'échine, puis les ponts de l'autoroute A1, et enfin ceux de la ligne de chemin de fer Genève - Lausanne.
Après cela, la lisière boisée s'élargit nettement et l'habitat recule au profit de la campagne. Nous évoluons toujours sur un superbe chemin et, si le soleil était présent, certaines petites plages le long de la rivière inviteraient bien au farniente !
Quand je vous disais que la campagne avait gagné du terrain !
Ah oui, si le soleil avait été présent...
Après un peu plus de quatre kilomètres, nous arrivons à un petit barrage...
À ce moment, nous abandonnons la Venoge pour nous diriger vers le quartier du Laviau, à Saint-Sulpice. Un premier mais court retour à la civilisation.
Quand on arrive à Saint-Sulpice, et qu'on voit ce qu'on voit, on se dit que la municipalité ne manque pas de moyens et que donc le niveau de vie ici doit quelque part être supérieur à la moyenne.
Quoiqu'il en soit, voilà des chemins tout confort !
Bon, trêve de considérations matérielles, il n'aura pas fallu longtemps avant de retrouver la Venoge que nous suivons jusqu'à son embouchure avec le lac Léman...
Et le voici enfin, ce lac Léman qui, à l'instar du mont Blanc, hante nos esprits depuis notre entrée en Suisse !
Personnellement, je ne le connaissais qu'à Genève, où j'avais l'habitude de venir dans les années 80 à l'occasion du salon de l'Automobile. Mais de Genève, là où il est le plus étroit, on ne peut imaginer la grandeur et la majesté de ce lac mythique.
Une véritable découverte et une certaine fascination pour moi aujourd'hui, donc.
Pendant le premier kilomètre et demi, la Via Francigena évolue en bord de lac, s'infiltrant parfois entre celui-ci et les propriétés qui le bordent.
Bon, j'avoue que je suis parfois plus tenté de marcher sur la plage que sur le sentier, cassant d'ailleurs la croûte sur un rocher au bord de l'eau. Et je n'ose écrire ce que je ferais si le soleil était présent...
Nous quittons une première fois les abords immédiats du lac pour découvrir le temple de Saint-Sulpice. Cette ancienne église Sainte-Marie-Madeleine fut érigée au XIè siècle.
De l'église romane originale, il ne reste que trois absides et le chevet, la nef tombée en ruines ayant été démolie au XVIIIè siècle.
C'est néanmoins de toute beauté.
Nous regagnons les bords du lac près de l'embarcadère desservi par la Compagnie Générale de Navigation. Au cas où vous voudriez rejoindre Lausanne par la voie maritime...
L'occasion aussi de prendre une pause/pose artistique...
Nous empruntons ensuite l'avenue du Léman. Ici, si nous en doutions encore, c'est maintenant clair que Saint-Sulpice est une commune riche, les villas de haut standing s'alignant les unes après les autres.
De la plage du Pélican à la plage du Bourget, en passant par le port des Pierrettes, ce sont deux nouveaux kilomètres que nous parcourons en bord de lac. De quoi passer tout juste de Saint-Sulpice à Lausanne.
Et là, à l'extrémité de la plage du Bourget, l'incroyable se produit ! Alors qu'une masse de touristes encombre le chemin, une voix s'exprimant en anglais, émergeant de la cohue, se rappelle à mon bon souvenir !
Mais qui est là !? Mon ami Lenny ! Alors que j'ai perdu sa trace depuis trois jours, le plus grand des hasards nous réunit à nouveau !
Lenny a temporairement terminé son périple sur la Via Francigena et il attend au camping voisin de prendre le bus du retour pour Bruxelles. Une petite halte s'impose. Il se sent si seul et abandonné, le pauvre... (vous n'êtes pas obligés de croire ça)
Bon, ce n'est pas tout ça mais nous venons à peine de franchir la moitié de l'étape. Il s'agirait d'en terminer avant la tombée de la nuit.
Le camping, le port, les installations sportives à l'arrière, se trouvent sur le quartier de Vidy.
En fin d'article, je vous parlerai d'un bâtiment exceptionnel construit à proximité d'ici, sur la commune de Chavannes-près-Renens.
Après le port de Vidy, nous quittons les bords du lac pour emprunter l'avenue de Rhodanie, histoire de contourner la piscine de Bellerive.
C'est la foire, au sens propre, sur le grand parking qui borde l'avenue.
Au bout de l'avenue de Rhodanie, nous découvrons le château d'Ouchy, probablement l'édifice le plus remarquable en bord de lac, à Lausanne.
L'histoire de ce château-ci est plutôt récente puisqu'il fut bâti de 1889 à 1893. Sa vocation étant d'en faire un hôtel, ce qu'il est toujours aujourd'hui.
Si nous remontons le temps, l'évêque de Lausanne fait ici construire une tour, aux alentours de 1170. Un siècle plus tard, celle-ci est transformée en résidence fortifiée pour les évêques. L'édifice servira aussi de prison.
Puis, au XVIè siècle, le bâtiment est laissé à l'abandon. Ses ruines, dont seule la tour sera conservée, sont rachetées en 1885 pour en faire la destination que vous connaissez maintenant.
Ce qui suit ne s'invente pas.
Je dépasse le château d'Ouchy pour poser le pied sur le quai de Belgique. Et là, à ce moment précis, un orage éclate et déverse des trombes d'eau sur tout le bon petit peuple présent, nous forçant à trouver rapidement un abri ! Une véritable drache nationale alors que le soleil avait pourtant fait sa réapparition !
À deux pas de mon abri, se dresse, impassible sous la pluie, la statue "La Belgique reconnaissante". Elle fut inaugurée le 26 juillet 1930 en présence d'autorités belges pour remercier le "Comité suisse de secours aux réfugiés belges" qui, pendant la Première guerre mondiale, dès 1914, organisa depuis Lausanne et à travers toute la Suisse l'accueil de 9000 réfugiés et internés belges.
Attention de ne pas confondre "La Belgique reconnaissante" avec sa voisine, "La Vierge du Lac", beaucoup plus... sexy, dirons-nous, mais qui n'a aucune référence historique.
De l'autre côté de la rue, le Beau-Rivage Palace me nargue. J'imagine la clientèle huppée de cet hôtel 5 étoiles, propriété de la Fondation Sandoz, bien au sec dans leurs chambres luxueuses en train de siroter Champagne ou autres cocktails.
Et si j'allais un peu plus loin me réfugier au Musée Olympique ? Hmmm... pas sûr qu'on m'y laisserait rentrer habillé comme je suis... Un autre jour peut-être ?
Le quai d'Ouchy prolonge celui de Belgique. Au bout de la ligne droite, nous ne pouvons manquer d'observer la Tour Haldimand.
Cette tour, construite vers 1830 sur le territoire de Pully, puis déplacée ici en 1901, aurait remporté un concours de la tour la plus romantique de Lausanne. J'aime à croire que c'est bien une légende car j'en cherche toujours le romantisme...
La Tour Haldimand marque aussi la sortie de Lausanne. Nous entrons sur la commune de Pully où, pendant un peu plus de deux kilomètres, nous suivons le sentier des Rives du Lac.
C'est toujours aussi beau, varié et agréable.
Le passage au-dessus de la Paudèze concrétise notre arrivée à Paudex. Le territoire de la commune est minuscule, seulement 0,48 km² !
Autant dire qu'on a vite fait de la traverser par le chemin du Port qui longe le lac. À peine huit cents mètres !
Lutry voit nos derniers pas le long du lac Léman, jusqu'au port. En tout cas pour aujourd'hui.
Si la Via Francigena continue le long du lac, en ce qui me concerne, je traverse Lutry pour rejoindre la gare où je prendrai le train pour rentrer à Lausanne.
Mais je vous donne rendez-vous ici demain pour la dernière de ces dix étapes. Vous y serez ?
Appréciation du parcours :
Il est vraiment dommage que je n'aie pu bénéficier de la présence du soleil pour cette première étape qui m'a vu longer le lac Léman.
Même si on ne trouve pas de patrimoine exceptionnel comme entre Orbe et La Sarraz, ou plus tôt, dans le Doubs, pour ne retenir que ces deux exemples, tous les ingrédients sont ici réunis pour en faire une superbe étape.
La descente de la Venoge est de toute beauté et longer la rive du lac Léman n'a rien d'une corvée comme pouvait l'être le suivi de certains canaux en France. C'est beau et varié, donc agréable ! Et en cette période hors vacances, on est comme seul au monde. J'ai adoré !
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Le Vortex
Du balcon de chez mes amis Sam et Angelina, à Chavannes-près-Renens, la vue donne sur un bâtiment à l'architecture particulière, le Vortex. Moderne, assurément... Beau, ça se discute, ou pas... Intriguant, sans doute... En tout cas, en voilà un qui vaut bien une visite.
Sa construction débute le 2 mai 2017 ; Sa réception a lieu le 31 octobre 2019. À temps pour sa première destination, héberger en janvier 2020 les athlètes des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Lausanne de 2020 et leurs accompagnants.
À l'issue de ces Jeux, en avril, il est mis à la disposition des soignants qui doivent affronter l'épidémie de COVID-19. Puis, en août, il est remis à l'université de Lausanne qui en fait des logements étudiants.
Le bâtiment en forme de spirale s'élève sur neuf niveaux qui sont répartis sur une rampe de 2,8 km de long présentant une pente de 1 %.
Les 941 chambres sont réparties le long de cette rampe à partir du niveau 1 jusqu'au 8. Le niveau 0 comprend l'accueil, une crèche, un restaurant, une salle polyvalente et des bureaux.
L'édifice n'est pas accessible aux visiteurs, à l'exception de la terrasse et du café situés sur le toit. Nous en profitons donc pour aller y boire un verre.
Encore deux caractéristiques intéressantes concernant le Vortex en cette période de changements climatiques : son toit est recouvert de 1.200 panneaux photovoltaïques et le bâtiment est chauffé par l'eau du lac Léman.
Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :