10 Juin 2022
Lorsque je me lève, ce vendredi à 6h30, j'ai la chance d'apercevoir le mont Blanc au-dessus du Vortex (voir étape d'hier), depuis le balcon de l'appartement de mes amis Sam et Angelina.
C'est suffisamment rare de le voir aussi bien que pour le mentionner. Mais dois-je pour autant me réjouir ayant expérimenté avant-hier le dicton local qui dit qu'un mont Blanc visible annonce la pluie ?
C'est aujourd'hui ma dernière étape du printemps sur la Via Francigena et, si j'en crois ce que j'avais observé hier en arrivant à Lutry et le profil de l'étape, je n'ai aucun doute que je vais terminer ce périple en beauté.
Je repars donc de Lutry, pour terminer à Vevey au bout d'un parcours de 18 kilomètres qui présente de belles difficultés mais qui laisse augurer de beaux panoramas sur le lac Léman et ses environs.
C'est bien sûr en train que je rejoins Lutry au départ de Lausanne.
Dans la descente de la gare de Lutry jusqu'au bord du lac Léman où nous récupérerons la Via Francigena, nous avons l'occasion d'apercevoir le château de Lutry.
Construit par les évêques de Lausanne au XIVè siècle pour y héberger la famille des Mayor de Lutry - à la fois gouverneur et représentant de l'évêque -, il perd cette fonction lors de la Réforme protestante en 1598.
Il passe alors dans les mains de la famille de Crousaz qui le rachète et le transforme profondément pour en faire un pseudo château-fort.
En 1854, l'édifice est légué par la famille à la ville qui y installe l'administration communale à partir de 1942.
La vieille ville de Lutry est heureusement située entre la gare et le lac Léman, sur le chemin vers la Via Francigena donc. Pourquoi alors ne pas en profiter pour se perdre un peu dans ses rues étroites au charme indéniable.
Et bien sûr, une petite visite au temple s'impose.
À la fin du XIIè siècle s'élevait ici une église romane dédiée à Saint-Martin. Elle fut détruite par un incendie en 1344.
Une nouvelle église, de style gothique cette fois, est reconstruite en lieu et place. Son clocher ne sera toutefois terminé qu'au XVIè siècle. Peu de temps avant que la Réforme protestante ne la convertisse en temple.
Après avoir flâné dans Lutry, nous reprenons la Via Francigena à hauteur du port.
Nous empruntons le sentier du Bord du Lac vers le sud-ouest. Aujourd'hui, avec le soleil et un ciel bleu sans nuage, ça change tout par rapport à hier, vous ne trouvez pas ?
Il fait tellement beau que manifestement certains se sentent... d'attaque, ce matin !
Pendant un peu moins d'un kilomètre et demi, nous longeons le lac au plus près. La vue vers la rive française du lac est tout simplement superbe.
La Via Francigena quitte alors le bord du lac à hauteur du château de Montagny pour continuer sur la route de Lavaux, tant que nous sommes sur le territoire de Lutry, sur la route de Lausanne, à Lavaux.
Au XIè siècle, le château de Montagny était en réalité un prieuré, propriété des moines de Lutry, servant à abriter les récoltes et les paysans travaillant dans les vignes monacales.
À la Réforme, en 1536, comme tous les biens ecclésiastiques, il fut vendu et changea plusieurs fois de mains jusqu'à être aujourd'hui détenu par la Banque Cantonale Vaudoise.
Au bout de six cents mètres le long de la route cantonale, nous passons sous la ligne de chemin de fer à la gare de Villette pour gagner le hameau éponyme.
Nous commençons à prendre de la hauteur...
La première difficulté du jour arrive à la sortie de Villette, quand il faut emprunter le chemin du Creux-Béchet.
Là, ce sont deux cents mètres de montée à plus de 15% de pente qu'il faut affronter ! Bon, dans les chiffres, ça n'a l'air de rien mais quand on a pris l'habitude depuis plusieurs jours de marcher le long d'un lac ou d'une rivière...
Le paysage qui nous est offert de là-haut vaut bien cet effort. C'est tout bonnement fabuleux !
On en profite pendant six cents mètres avant de redescendre par la route de Grandvaux sur le charmant village de Cully.
En bons pèlerins... nous ne pouvons manquer une petite visite du temple.
L'ancienne église Saint-Etienne d'avant la Réforme est quelque peu particulière avec cette grande baie ogivale percée dans le mur séparant l'ancienne église antérieure au XVIè siècle de la partie construite en 1865-1866.
Nous reprenons en direction du lac.
Peu après le temple, nous croisons la magnifique Fontaine de la Justice datant de 1643.
Nous atteignons la berge du lac à hauteur de l'embarcadère de la Compagnie Générale de Navigation et du "menhir" dressé en hommage au major Davel.
Ce fils de pasteur, né le 20 octobre 1670, qui embrassa un moment la carrière militaire, eut une vision un jour de 1723. Dieu lui demandait de libérer le Pays de Vaud du pouvoir bernois !
Ainsi, le 31 mars 1723, accompagné de 500 à 600 soldats, il se présente devant le conseil municipal de Lausanne pour lui faire part de son plan visant à l'autonomie du Pays de Vaud.
Mais rapidement arrêté, il sera décapité le 24 avril 1723, à Vidy.
Toutefois, en 1803, le canton de Vaud obtient son autonomie et Davel devient un symbole patriotique !
Au bout de 1.200 mètres d'un parcours bucolique, nous quittons les bords du lac à hauteur de la gare d'Epesses.
Après une longue volée d'escaliers et un passage sous les voies de chemin de fer, l'étroit chemin longe un ravin parcouru par le Rio de l'Enfer. Il vaut mieux ne pas tomber dedans !
La Via Francigena ne monte pas jusqu'au village d'Epesses. Elle bifurque vers la droite pour suivre le Chemin de l'Ouchette. Nous évoluons ainsi à mi-pente entre la Route du Lac et la Route de la Corniche pendant trois kilomètres.
Ce chemin porte aussi le nom de Chemin des Grands Crus Calamin. Tout au long du parcours dans les vignes, de nombreux panneaux nous instruisent sur l'histoire du vignoble.
Nous sommes ici sur le terroir du Dézaley et du Calamin, les deux appellations les plus prestigieuses du canton de Vaud. On y cultive la vigne depuis le XIIè siècle.
Des tonnelles sont mises à disposition du promeneur. Bien utiles pour s'octroyer un petit répit à l'ombre. J'en profite pour casser la croûte dans ce décor fabuleux !
À la fin du Chemin du Dézaley, un belvédère nous invite à jeter un dernier coup d'œil sur ce magnifique environnement.
De l'autre côté du chemin, un petit kiosque d'informations vend aussi des produits locaux.
Nous descendons ensuite sur Rivaz, un autre joli petit village qu'on a vite fait de traverser. Et pour cause, avec une superficie de 32 hectares, Rivaz est la plus petite commune de Suisse !
De Rivaz à Saint-Saphorin, c'est un nouveau superbe kilomètre et demi qui accueille nos pas pour un voyage éducatif à travers le vignoble de Saint-Saphorin. En effet, de nombreux panneaux didactiques nous apprennent (presque) tout sur la vie d'un vignoble.
Saint-Saphorin offre lui aussi tout le charme des villages de la région accrochés à ce versant du lac Léman.
L'endroit était déjà habité à l'époque romaine comme en attestent une pierre militaire datée de l'an 47 après JC et les ruines d'une villa gallo-romaine.
Le parcours idyllique continue de Saint-Saphorin à Corseaux sur trois kilomètres.
Bon, idyllique certes, mais le premier kilomètre est corsé avec un pourcentage de pente compris entre 10 et plus de 15 %. Ce qui nous amène d'ailleurs au sommet de cette randonnée à 504 mètres d'altitude.
Et nous apercevons déjà Vevey, final de cette étape.
La descente de Corseaux vers Corsier-sur-Vevey par le chemin des Rochettes n'est pas mal non plus avec sa pente à plus de 15 %. Vous avez déjà remarqué comme c'est souvent plus dur de descendre que de monter ?
En chemin nous croisons la ligne du funiculaire Vevey - Chardonne - Mont-Pèlerin aussi appelé VCP.
Mis en service le 24 juillet 1900, il relie la station de Vevey (Funi) à 389 mètres d'altitude à celle du Mont-Pèlerin située à 809 mètres.
Au bout d'une longue descente, nous arrivons à Corsier-sur-Vevey. L'existence du village est déjà mentionnée au Xè siècle tandis que son ancienne église Saint-Étienne daterait du XIè.
Convertie en temple à la Réforme, elle a subi plusieurs modifications mais a conservé tout son cachet. J'aurais aimé la visiter mais elle était malheureusement fermée lors de mon passage.
Le Café de la Place qui lui fait face est classé "bien culturel suisse d'importance nationale".
Et que trouve-t-on d'autre à Corsier-sur-Vevey ?
La tombe de Charlie Chaplin, pardi ! C'est un ami qui m'a rappelé avant de quitter Lille ce détail de l'histoire que j'avais oublié. Je m'étais donc promis de venir rendre visite à cet artiste qui a égayé mon enfance mais j'ignorais alors que la Via Francigena passait par le cimetière où il est inhumé en toute simplicité.
À 400 mètres de là se trouve le siège de la multinationale Nestlé, la plus importante entreprise agroalimentaire et laitière du monde. Elle fut créée ici, à Vevey, en 1866 par Henri Nestlé.
Le siège de Nestlé contourné, nous nous retrouvons sur le quai Maria Belgia que nous suivons jusqu'à la Grande Place. De là, j'abandonne la Via Francigena pour rejoindre la gare de Vevey et rentrer à Lausanne.
Ainsi se termine mon périple printanier sur la Via Francigena. Le soleil m'aura accompagné tout au long de la journée, démentant ainsi le dicton qui veut qu'il pleuve quand le mont Blanc se dévoile. Pour mon plus grand bonheur !
Retour ici à la fin de l'été pour la suite de l'aventure qui promet de grands moments !
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Si vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D, c'est ici. Désolé si, parfois, le GPS a perdu le nord. Et non, je ne suis pas allé faire un tour sur le lac Léman !
Appréciation du parcours :
Superbe, magnifique, fabuleux ! Ces trois mots pourraient suffire à décrire cette ultime étape de la Via Francigena. D'ailleurs, finalement, dois-je en dire plus ?
Mais, puisque je clôture ici mes dix jours de périple printanier sur la Via Francigena, c'est aussi l'heure du bilan.
Un bilan qui sera rapide puisque cette portion de la Via Francigena, de Besançon à Vevey, est probablement la plus belle, la plus riche, la plus variée, la plus spectaculaire mais en contrepartie la plus exigeante physiquement qu'il m'ait été donné de parcourir jusqu'ici depuis mon départ de Calais.
Bref, que du bonheur !
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :