29 Août 2022
Les belles randonnées faites cet été dans les Ardennes belges, en Auvergne et, bien sûr, dans les Hauts-de-France, n'ont entamé ni mon envie, ni mon impatience de revenir poursuivre mon périple sur la Via Francigena.
Imaginez. Les dix étapes qui m'attendent vont tout simplement m'emmener jusque dans le Val d'Aoste en passant par le col du Grand Saint-Bernard. De belles et spectaculaires étapes en perspective !
Pourtant, malgré cette impatience qui m'anime, j'avais plutôt prévu de revenir ici vers la mi-septembre, histoire de ne pas trouver trop de monde sur les chemins.
Mais en préparant ces étapes, j'ai découvert que le col du Grand Saint-Bernard ferme habituellement le 1 octobre. Dans tous les cas, plus aucun bus n'y monte. Il aurait donc suffi que la météo soit mauvaise à la mi-septembre pour que je me voie contraint de reporter mon périple à la fin du printemps 2023. Inimaginable !
Bon, avant de vous présenter l'étape du jour, je ne peux résister à l'envie de vous montrer le paysage depuis le logement que je me suis trouvé pour la première semaine, à Mex (se prononce Mè), au-dessus de Saint-Maurice, à 1.120 mètres d'altitude.
Un joli petit nid confortable chez un couple très charmant, Jean-Philippe et Valérie, avec pour seul inconvénient d'être situé au bout d'une route en lacets de neuf kilomètres depuis la gare de Saint-Maurice. Mais quelle quiétude !
Venons-en à l'étape du jour.
Bien sûr, je reprends la Via Francigena à Vevey, là où je l'avais laissée le 10 juin dernier. Et je terminerai en fin de journée un peu moins de vingt kilomètres plus loin, à Roche.
Une étape sans aucune difficulté puisque le dénivelé positif ne dépasse pas dix mètres. Une reprise en douceur, donc.
Ce matin, je prends le train à Saint-Maurice pour rallier Vevey. Et avant de rejoindre la Via Francigena au bord du lac Léman, je m'offre une petite visite de cette charmante ville.
J'en profite pour faire tamponner ma credencial à l'Office de tourisme.
À l'époque romaine, Vevey se trouvait à la jonction de deux voies romaines. Venant de Milan via le col du Grand Saint-Bernard, une d'elles partait vers Lyon, tandis que l'autre rejoignait Avenches, sur le plateau suisse. C'est en toute logique que, dans son récit, Sigeric mentionne son passage à Vevey.
Après cette petite flânerie urbaine, je rejoins la Via Francigena sur le quai Perdonnet, face à l'Alimentarium où je suis accueilli par Charlie Chaplin en personne.
Créé en 1985, l'Alimentarium fut le premier musée au monde dédié à l'alimentation. Jusqu'en 1936, le bâtiment abritait la direction de l'entreprise Nestlé. La Fondation Nestlé fait d'ailleurs partie du conseil d'administration du musée.
En face de celui-ci, une fourchette en inox géante se mire dans les eaux du lac Léman. Installée en 1995 pour les dix ans du musée, elle est l'œuvre de Jean-Pierre Zaugg et invite à savourer les beautés du paysage lémanique. Je savoure... je savoure...
Le métier de randonneur est parfois cruel. Alors que je n'en suis qu'au tout début du parcours, voilà que le quai, transformé en plage, m'invite à la nonchalance et à la procrastination !
Mais non, c'est que j'ai une mission, moi, mon bon monsieur !
Alors, prenant le bouc par la barbichette, je poursuis vaillamment mon chemin...
Après le port de Vevey, nous passons sur le territoire de La Tour-de-Peilz.
De nombreuses personnalités y ont vécu. Je retiendrai par exemple le peintre Gustave Courbet. Si vous avez suivi mon aventure, vous vous rappellerez peut-être qu'il est né à Ornans, dans la superbe vallée de la Loue (voir mes étapes des 31 mai et 1 juin 2022). Les deux villes sont d'ailleurs jumelées.
Le scientifique et océanographe Jacques Piccard, connu pour avoir été le premier à descendre à plus de 10.000 mètres de profondeur a habité la commune et y est décédé en 2008.
Et puis, le chanteur-compositeur Patrick Juvet y a passé son enfance...
Au bout du quai, nous atteignons le château de La Tour-de-Peilz. Son édification eut sans doute lieu avant l'an 1160, époque où il était propriété du seigneur Philippe de La Tour.
Vendu en 1250 à Philippe de Savoie, le château subit plusieurs modifications. Son système défensif est renforcé.
Incendié pendant les guerres de Bourgogne (1474 à 1477), récupéré par les Bernois en 1536, il est laissé à l'abandon. Il faudra attendre 1749 pour qu'un certain Jean Gressier, riche Français, en devienne propriétaire, le rénove de fond en comble et lui apporte de nouvelles modifications plus en adéquation avec le confort d'une résidence privée.
En 1979, la commune le rachète et y installe en 1987 le Musée Suisse du Jeu. Ne collectionnant que les jeux, et pas les jouets, il est la seule institution de ce type en Europe.
Voilà un bel endroit pour y casser la croûte !
Du château, nous rejoignons la route de Saint-Maurice que nous suivons pendant un kilomètre et demi.
C'est forcément moins fun que de longer le lac mais ça permet de jeter un œil sur les maisons bourgeoises qui le bordent. Les plus belles ne sont hélas pas les plus faciles à photographier, protégées jalousement des regards inquisiteurs par leurs propriétaires.
Avant de quitter La Tour-de-Peilz, une petite incursion par le camping de la Maladaire permet de retrouver la berge du Léman.
À la sortie du camping, nous sommes contraints de remonter sur la route. Mais étant cette fois à Montreux, celle-ci est devenue la rue du Lac.
On ne manquera pas d'y apercevoir les curieuses sculptures cinétiques de Pascal Bettex.
Nous récupérons les bords du lac au port du Basset...
Du port, on enfile les quais pendant deux kilomètres. Bon, je dis deux kilomètres parce que c'est le moment que je choisis pour m'arrêter dans une boutique de souvenirs pour y acheter un cornet de glace. Une vilaine habitude prise sur la Marche Européenne du Souvenir et de l'Amitié en juin (voir mes récits des 21 au 24 juin 2022) !
Bon, ce serait sans intérêt si ça n'expliquait pas pourquoi, dans la vidéo en fin d'article, mon tracé prend subitement la tangente à travers le lac. J'ai tout bêtement oublié de réactiver mon GPS après avoir dégusté ma glace !
Mais revenons à notre parcours. La traversée de Montreux est tout simplement superbe, doublée d'une visite culturelle grâce à toutes ces œuvres d'art moderne disséminées le long des quais.
J'avais pensé initialement m'écarter du lac pour visiter le centre de Montreux mais finalement tout l'intérêt réside sur les quais. Je ne m'en écarterai donc pas...
D'autant que si je l'avais fait, n'ayant aucune connaissance de son existence, j'aurais probablement manqué la statue de Freddie Mercury !
Mais que fait donc cette statue ici ? Freddie Mercury et ses acolytes du groupe Queen découvrent Montreux en juillet 1978. Ils terminent juste la tournée de l'album News of the World et viennent enregistrer leur prochain album, Jazz.
Leur séjour à Montreux se passe tellement bien qu'ils décident d'acheter le Mountain Studios, situé dans le casino. Ils en deviendront propriétaires en 1979.
De 1978 à 1995, Queen enregistrera ici six albums studio. Se sachant condamné, partageant désormais sa vie entre Londres et Montreux, c'est ici que Freddie Mercury trouvera l'inspiration pour les paroles de la chanson A Winter's Tale qui figurera sur Made in Heaven, un album posthume qui sortira en 1995.
Le magnifique voyage continue quai Ernest Ansermet et quai des Fleurs. J'en prends plein les yeux !
Et bientôt apparaît le fameux château de Chillon !
Il faudrait un article complet pour parler de ce château, première attraction touristique de Suisse.
Je ne vais dès lors pas vous en raconter l'histoire qui remonte jusqu'au Xè siècle, même si l'endroit était probablement déjà occupé auparavant comme le révélèrent des fouilles entreprises sur les lieux.
Cependant, il est intéressant de noter combien fut exemplaire la conservation et la restauration de ce monument historique. Ainsi, c'est déjà en 1887 que se met en place une Association pour la restauration du château de Chillon, suivie d'une Commission technique en 1889. Celle-ci est alors composée d'historiens de l'art et d'architectes renommés.
Je n'ai bien sûr pas le temps de visiter le château mais j'espère bien y revenir un jour prochain.
Le château marque aussi quasi la fin de notre merveilleux périple le long du lac Léman. Il ne reste en effet que deux kilomètres à partir d'ici avant de le quitter définitivement. Les jours passés sur ses berges resteront incontestablement un temps fort de cette aventure sur la Via Francigena.
Nous quittons donc le Léman à Villeneuve.
L'occupation des lieux remonte au moins à la fin du paléolithique. À l'époque romaine, la ville était un relais important sur la voie venant du col du Grand Saint-Bernard et se dirigeant vers Avenches.
Vu sa position stratégique à l'embouchure de la vallée du Rhône, son destin fut intimement lié aux différents conflits qui émaillèrent l'histoire à travers les siècles.
La Via Francigena ne s'attarde pas à Villeneuve. Nous traversons rapidement la ville vers l'est à proximité de ce que je pensais être le temple. Mais en réalité il s'agit de l'hôtel de ville installé dans l'ancienne chapelle de l'hôpital !
Puis, nous suivons la ligne de chemin de fer plein sud en direction de Roche. Le contraste est saisissant avec ce que nous avons connu les jours précédents !
De Villeneuve à Roche, nous voilà confrontés à une autre réalité. Les bâtiments industriels et les lignes haute-tension font désormais partie du paysage. On peut toujours se forcer à regarder vers le sommet des montagnes qui nous entourent mais ce ne sera que faible compensation.
Bon, on trouvera quand même un certain charme à la petite bourgade de Roche, terminus de cette étape.
Pour la petite histoire, Roche fut la plus petite ville à avoir remporté les Jeux sans frontières. C'était à Milan, en 1976.
De la gare de Roche, je reprends le train jusqu'à Saint-Maurice pour rejoindre mon hébergement.
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Si vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D, c'est ici.
Désolé si cette fois encore la vidéo peut vous laisser penser que je suis allé faire un tour sur le lac Léman. Ce n'est pas la faute du GPS, mais celle de l'utilisateur qui a oublié de le remettre en route après un arrêt crème glacée !
Appréciation du parcours :
Si je voulais donner un autre titre à cette étape de la Via Francigena, je l'appellerais "Baudouin au pays des merveilles" !
Je n'ai pas de mots assez forts pour décrire le parcours le long du lac Léman mais je peux comprendre pourquoi certains "pèlerins" commencent leur périple à Lausanne pour rallier Rome.
Bon, évidemment, cela n'en rend les derniers kilomètres, entre Villeneuve et Roche, que plus déprimants, mais après tout, quand on veut le meilleur, il faut aussi parfois pouvoir se contenter du pire.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi. Rassurez-vous, elle ne vous entraînera pas dans le lac !