8 Juin 2022
Une vingtaine de kilomètres m'attendent ce jour entre La Sarraz et Bussigny pour une étape sans difficulté sur la Via Francigena. Je n'atteindrai pas encore le lac Léman. Ce sera pour demain, encore un peu de patience.
Comme je loge chez mes chers amis Sam et Angelina, en banlieue de Lausanne, c'est extrêmement facile de rejoindre et de quitter l'étape par les transports en commun. En effet, et ce sera le cas toute cette semaine, l'itinéraire de la Via Francigena longe toujours, de près ou de loin, une ligne de chemin de fer.
Une chose à savoir concernant les transports en commun en Suisse : même si vous combinez deux modes de transport, comme le bus et le train par exemple, indiquez dès le départ votre destination finale, vous paierez moins cher !
Allez, en route !
Il est aux environs de 9h20 quand je quitte La Sarraz par un beau chemin de campagne surplombant la ligne de chemin de fer. Et il ne me faut pas longtemps pour apercevoir le mont Blanc ! On m'en a parlé tant de fois !
Bon, ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle. D'après certains, quand le mont Blanc se dévoile, ça annonce la pluie !
Sur le chemin, je fais une merveilleuse rencontre. Avec Gennaro, un Calabrais de 81 ans, nous passons près d'une demi-heure à discuter, à évoquer son passé, à parler de sa vie d'immigré. Nous avons même des fous-rires ! Un moment inoubliable...
C'est ainsi qu'il est déjà 10h quand, au bout d'un gros kilomètre, nous atteignons seulement le village d'Eclépens !
Eclépens est un très ancien village dont la création remonterait à avant 750. Son vignoble serait un des plus anciens de Suisse.
On y trouve aussi deux châteaux : le château d'En-Haut, devant lequel nous passons, et le château d'En-Bas, plus bas dans le village. Bon, ils ressemblent plus à de grosses fermes qu'à l'image que nous nous faisons d'un château.
Quant à son temple, ancienne église Saint-Pierre, il daterait des Xè et XIè siècles. Il a toutefois reçu de multiples modifications à travers les âges en conséquence de quoi il n'a sans doute plus beaucoup à voir avec l'édifice d'origine.
Nous ne faisons qu'une courte incursion dans le village pour gagner rapidement les bords de la Venoge. Si vous vous rappelez ce que j'ai écrit hier, nous sommes depuis La Sarraz sur le bassin versant du Rhône.
La Venoge sera le fil conducteur de toute cette étape...
Au départ d'Eclépens, on ne peut mieux dire que la Venoge sera notre fil conducteur. Car c'est au plus près que nous suivons le cours d'eau.
La plaine alluviale est propice à l'agriculture ou à l'horticulture. Ici, une culture de fraises.
La main d'œuvre y est dans une proportion non négligeable d'origine immigrée. En Suisse, 15% des emplois dans l'agriculture sont occupés par des immigrés, contre un peu plus de 4% en France, par exemple.
La randonnée se poursuit le long de la Venoge au rythme du changement de cultures. À hauteur de Lussery-Villars, nous passons de la rive droite à la rive gauche.
Depuis 2020, les espaces verts le long de la rivière sont gérés en entretien différencié. C'est tout bon pour la biodiversité !
Au bout de quatre kilomètres le long de la Venoge, nous quittons le cours d'eau, après le moulin. Construit au XVIIè siècle, il est toujours en fonction et abrite un atelier de fer forgé.
Lussery-Villars est le résultat de la fusion, le 1 janvier 1999, entre Lussery et Villars-Lussery. Lorsque nous quittons le fond de la vallée, c'est pour gagner l'ancien village de Lussery.
Nous faisons face à la première (seule ?) difficulté de la journée. Ça monte tellement fort qu'on comprend aisément pourquoi des courses de caisses à savon sont organisées ici chaque année au mois d'août !
Nous ne rentrons pas vraiment dans le village. Après les deux ou trois premières maisons, la Via Francigena opère un demi-tour pour partir en direction de Cossonay-Ville.
On a à peine le temps de reprendre son souffle que le chemin monte de plus belle pour gagner le bord du plateau, nous offrant un beau panorama vers l'est.
Nous entrons dans Cossonay-Ville par le chemin des Linardes. La population s'est massée au bord du chemin pour nous accueillir ! C'est super sympa !
Une voie romaine passait par ici, expliquant l'importance de Cossonay depuis cette époque. Ainsi, au XIè siècle, la cité possédait un des châteaux les plus importants de la région. Détruit en 1475 lors de la guerre de Bourgogne, il a aujourd'hui complètement disparu.
Attention, ici, pas question de faire n'importe quoi ! Mais vous les laveriez dans cette eau, vous, les légumes ? Et votre lessive ?
On note déjà en 800 la présence d'une église à l'emplacement de l'édifice actuel. Jusqu'en 1250, quatre églises se succéderont ici, parfois bâties peu ou prou sur l'édifice déjà existant.
En 1398, le village et l'église sont détruits par un incendie. On rebâtit avec les matériaux récupérés.
En 1536, les Bernois imposent la réforme de l'Eglise. L'église Saint-Pierre et Saint-Paul perd son mobilier, ses statues, ses autels, ses reliques et devient temple.
Que de péripéties !
Dans la descente à travers bois vers Penthalaz, une superstructure métallique interpelle. Mais qu'est-ce donc ?
Plus on s'en rapproche, mieux on se fait une idée. Surtout quand on voit un véhicule la parcourir. Mais bon sang, mais c'est bien sûr, il s'agit du funiculaire reliant Cossonay-Penthalaz à Cossonay-Ville !
La traversée de Cossonay-Penthalaz et de la Venoge ne suscite aucun commentaire.
Normalement, nous aurions dû à partir d'ici suivre la Venoge sur la rive gauche. Mais voilà, un panneau déviation provisoire nous invite (oblige ?) à continuer en direction de Penthaz.
Pendant près de deux kilomètres, on se "paie" alors la grand route. Ça, c'est très moche...
Arrivé au sommet de la colline, quasi au centre de Penthaz, il ne reste plus qu'une chose à faire... redescendre jusqu'à la Venoge ! Nous aurons ainsi parcouru les deux côtés d'un triangle pour enfin découvrir la raison de cette déviation !
Le troisième côté du triangle, celui qui longe la rivière, n'est plus balisé ni entretenu. Aurions-nous quand même pu y passer ? Mystèèèère !
Et c'est sans plus se poser de question que nous reprenons le cours normal de la Via Francigena...
Pour nous réconcilier avec son parcours, la Via Francigena nous offre un beau passage d'un peu plus d'un kilomètre à travers bois.
À la sortie du bois, nous montons vers la gauche en direction de Vufflens-la-Ville. La route suit le bord du plateau, nous autorisant une vue plutôt sympa sur la vallée de la Venoge...
C'est à ce moment que le ciel choisit de se déverser sur moi ! C'est donc vrai. Quand le mont Blanc se dévoile, ça annonce la pluie...
La vue vers l'est, en direction de Sullens, donne sur le plateau du Gros-de-Vaud, une vaste plaine agricole considérée comme le grenier du canton de Vaud.
C'est tout de suite moins joli mais peut-être que sous le soleil...
Les premiers écrits relatant l'existence de Vufflens-la-Ville datent du début du XIè siècle mais la découverte récente d'un site celtique remontant au IIè siècle avant JC indique que l'endroit fut habité bien avant.
L'église Sainte-Etienne initiale datait probablement du XIè siècle. À l'origine, elle était tournée dans l'autre sens. C'est-à-dire qu'on y rentrait par l'ouverture qu'on voit encore à l'arrière de l'édifice actuel.
C'est en 1777 qu'un architecte lausannois d'origine française, Gabriel Delagrange, en inverse le sens.
Je trouve l'extérieur plutôt banal...
Que dites-vous de l'intérieur ?
Le temple ayant été érigé au bord du plateau, on y bénéficie d'une vue dégagée sur la vallée de la Venoge.
Nous reprenons notre progression vers le sud en direction de Bussigny, en laissant de côté le Vimont, une colline culminant à 489 mètres d'altitude.
Le bois de Grand Sève, que nous traversons, est le dernier véritable espace naturel nous séparant de Bussigny...
En effet, si à la sortie du bois on longe encore l'un ou l'autre champ, les huit cents mètres qui nous séparent des premières habitations sont occupés par les jardins familiaux de la Plannaz et par des installations sportives.
Tiens, en Suisse aussi on trône...
Nous atteignons la lisière de Bussigny, aux Champs aux Oyes, où ça construit à tout va. Ne dit-on pas que quand le bâtiment va, tout va ?
Si vous faites attention, en plein centre de la photo, on aperçoit le lac Léman !
Nous contournons les Champs aux Oyes pour entrer dans Bussigny par le chemin de Gravernay. Ce faisant, nous traversons le quartier de Saint-Germain, ancien hameau qui fusionna avec Bussigny en 1803.
La rue Saint-Germain est d'ailleurs un souvenir de cette époque. Une petite pause avant d'attaquer les cinq cents derniers mètres de l'étape ?
Rue de la Gare, trônant au milieu du rond-point, une fleur photovoltaïque veut sans doute nous rappeler que Bussigny est labellisée Cité de l'énergie depuis 2013.
Le label "Cité de l'énergie®" est attribué à une ville ou une commune qui a fait des efforts supérieurs à la moyenne dans le domaine de sa politique communale en matière d'énergie et de climat - en fonction des possibilités d'action disponibles. Afin de confirmer la qualité et l'engagement continu de la commune, un nouvel audit a lieu tous les quatre ans.
Moi, de mon côté, je rejoins la gare pour y prendre un train pour Lausanne. N'est-ce pas aussi un bel effort pour le climat, ça ?
Appréciation du parcours :
Cette étape ne restera pas dans mes meilleurs souvenirs de la Via Francigena.
Si la première moitié du parcours est intéressante, avec de beaux chemins et de beaux paysages - surtout la vue sur le mont Blanc dès le départ ! -, la deuxième moitié manque de charme. Mais peut-être est-ce dû à l'arrivée de la pluie ?
Quoiqu'il en soit, après la superbe étape d'hier, celle-ci aura beaucoup de difficultés à soutenir la comparaison, soleil ou pas.
Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :