19 septembre 2023 - La Via Francigena de Cassio au Passo della Cisa

La nuit fut reposante à l'Ostello di Cassio où j'ai partagé une des chambres avec Silvia et Monica, deux romaines qui, avec des étapes tournant autour de 8 kilomètres, font des sauts de puces sur la Via Francigena. Mais chapeau à elles d'autant que, comme tout bon pèlerin, elles portent leur maison sur le dos !

Concernant l'étape, c'est une vingtaine de kilomètres qui nous attend pour rejoindre le Passo della Cisa depuis Cassio. Attention cependant qu'il existe deux parcours à l'approche du col, pas très différents niveau distance, mais la variante passe par le sommet du Monte Valoria.

Le parcours normal, lui, rejoint la Strada Statale 62 della Cisa trois kilomètres avant l'arrivée et fait donc économiser 200 mètres de dénivelé positif. Mais, franchement, comme nous allons le voir, je ne peux que vous encourager à emprunter la variante !

En route ?

Nous quittons Cassio par la Strada Statale 62 della Cisa qui sera en quelque sorte notre fil conducteur toute la journée. Non que nous allons y passer beaucoup de temps mais elle ne sera jamais très loin.

En examinant la carte de près, on constate que notre parcours emprunte souvent la crête du massif séparant la vallée de la Baganza, à l'est, de celle du Taro, à l'ouest.

Voilà qui nous promet de superbes paysages, comme celui dont nous bénéficions déjà à la sortie du village !

Au bout de 500 mètres nous abandonnons déjà la route nationale pour un petit sentier sur la droite. Quand je disais que nous allions marcher sur la crête, il n'y a pas meilleure illustration qu'ici !

Nous profitons du sentier pendant 500 mètres avant de retrouver la grand-route, jusque Cavazzola di Sopra. Ce faisant, nous quittons la commune de Terenzo pour celle de Berceto.

Mais le paysage, lui, reste aussi superbe. Pour notre plus grand plaisir !

A Cavazzola di Sopra, nous laissons la route nationale sur notre droite pour évoluer sur le flanc de la vallée de la Baganza.

Nous arpentons cette fois un beau chemin de montagne. C'est aussi la première difficulté de la journée. Jugez par vous-mêmes.

Cavazzola di Sopra se trouve à 750 mètres d'altitude alors que Castellonchio nous accueille à 910 mètres. 160 mètres de dénivelé sur 1.400 mètres, soit 11,42 % de moyenne sachant que sur 300 mètres nous faisons face à une pente de plus de 15 % !

Bon, c'était ici un petit exercice pour les matheux, mais ce sera une véritable épreuve pour certains sur le terrain...

Castellonchio, un hameau de Berceto, possède une église, ce qui est plutôt exceptionnel pour un village de 35 habitants. Il existe peu d'informations au sujet de la chiesa di San Nazario qui est mentionnée pour la première fois le 2 août 1200.

Si la montée jusqu'ici vous a (déjà) épuisés, une aire de repos est mise à disposition à proximité de l'église.

Le hameau est certes peu peuplé mais les habitants y mettent leur cœur et leur savoir-faire pour le rendre agréable. Bravo !

Nous continuons notre périple vers le sud jusqu'au Monte Marino...

Culminant à 989 mètres, le mont offre sur presque 360° un superbe panorama sur la région.

Notez que, contrairement à hier, je n'ai pas encore utilisé une seule fois le terme "enchanteur". En fait, c'est parce que je n'ai pas trouvé de superlatif plus élogieux. Mais depuis le départ, cette étape de la Via Francigena est un véritable régal !

Ensuite, pendant près de deux kilomètres, nous évoluons sur un plateau autour de 940 mètres d'altitude. Le sentier joue à l'élastique avec la route nationale, s'en éloignant pour mieux s'en rapprocher, mais sans jamais se confondre.

Ce petit jeu de l'élastique se poursuit jusque dans la descente vers Berceto. Le paysage est somptueux !

De l'aire de repos qui domine le cimetière de Berceto, un chemin empierré nous amène au Castello di Berceto.

Le château dont la construction initiale remonte à 1221 connut un sort funeste. Comme de nombreux châteaux de la région, il fut à travers les siècles l'objet d'âpres disputes. Détruit, reconstruit, et ainsi de suite, le coup fatal lui fut probablement porté après 1805 quand les habitants se servirent de ses pierres pour construire leurs maisons.

Même les bâtiments qui un temps servirent de prison furent rasés pour y ériger un cimetière avant d'en faire un terrain de football et une aire de jeux !

Néanmoins, depuis 2004, des fouilles ont été entreprises et des travaux menés pour en faire un parc archéologique.

Plus loin dans la ville, nous découvrons le Duomo di San Moderrano. Une première église avait été construite ici en 719 et faisait partie d'un monastère aujourd'hui disparu.

La cathédrale d'aujourd'hui n'a plus rien à voir non plus avec cette église puisqu'elle fut entièrement reconstruite au XIIè siècle puis encore modifiée à diverses reprises.

Nous entrons ?

L'intérieur simple et dépouillé me plaît beaucoup.

La cathédrale est dédiée à Saint Moderanno, évêque de Rennes en 718 lorsqu'il entreprend un pèlerinage à Rome. La légende raconte qu'en cours de route, il achète à Reims quelques reliques de Saint-Rémi.

Arrivé près du col de la Cisa, il s'arrête pour se reposer, accroche ses reliques à la branche d'un arbre. Reparti, il se rend compte qu'il les a oubliées ! Revenu sur place, il peine à trouver l'arbre au pied duquel il s'est reposé. En fait, l'arbre a tellement grandi qu'il ne peut atteindre la branche à laquelle les reliques sont accrochées !

L'arbre ne daigna se courber qu'après avoir reçu la promesse de Moderanno de laisser les reliques à Berceto ! En 719, Liutprand, roi des Lombards, fonde ici un monastère dédié à Saint-Rémi et nomme Moderanno comme prieur.

Exceptionnellement, je choisis de déjeuner au restaurant, à proximité du Duomo. Puis je me remets en route vers le Santuario della Beata Vergine delle Grazie, découvrant en Berceto une petite ville bien agréable.

A l'origine, au XVè siècle, le sanctuaire n'est qu'un petit oratoire jouxtant un hospice pour pèlerins. Il prend de l'importance quand dans la seconde moitié du siècle, on y transfère l'icône de Notre-Dame des Grâces.

L'édifice connaît ensuite de nombreuses modifications tant extérieures qu'intérieures, comme la construction d'un clocher en 1886-1887. Le 9 septembre 1890, l'église est élevée au rang de sanctuaire par l'évêque de Parme.

Le plus remarquable est l'imposant maître-autel baroque en marbre polychrome du XVIIIè siècle au milieu duquel est incrustée l'icône de Notre-Dame des Grâces. Je vous raconterai en route son histoire.

De retour à l'extérieur, le grand bâtiment à droite de l'église abrite aujourd'hui une auberge diocésaine.

Quittant Berceto, nous retrouvons un beau chemin de montagne qui nous conduit au bout de deux kilomètres à Casa Cappelletti, un hameau.

Mais revenons donc à cette icône en terre cuite dorée de Notre-Dame des Grâces. Comment est-elle arrivée à Berceto ?

La tradition raconte qu'elle serait apparue au XVè siècle dans un bois de hêtres proche du col de la Cisa et découverte simultanément par des fermiers de Pontremoli et de Berceto.

Ne pouvant se mettre d'accord sur qui la possèderait, ils attelèrent ensemble un bœuf de Pontremoli et un de Berceto, et décidèrent qu'un sanctuaire serait construit à l'endroit où, une fois libérés, ils s'arrêteraient. La suite, vous la devinez.

A Casa Cappelletti, nous traversons la Strada Statale 62 della Cisa pour emprunter une petite route asphaltée qui grimpe sur le flanc du Monte Cavallo jusqu'au hameau de Felgara.

De retour sur un chemin de montagne, c'est cette fois sur le flanc du Monte Conca que nous avançons. Et là, quelle surprise que de rencontrer des chevaux en liberté !

Ne connaissant pas leurs réactions envers un étranger, je n'ai pas tenté de m'approcher des chevaux. Eux ne se sont pas intéressés à moi non plus, d'ailleurs.

Continuons notre progression sur le flanc du Monte Conca qui culmine à 1183 mètres. Nous éviterons toutefois son sommet.

Bientôt la végétation s'éclaircit...

C'est dans la première clairière qu'il faudra choisir d'emprunter la variante vers le Monte Valoria, ou pas. En ce qui me concerne, vous le savez déjà, ce sera la variante, sans hésitation. Mais c'était peut-être une fausse bonne idée. Je vous explique ça en fin d'article...

Nous passons sur le flanc ouest du Monte Formigare (1.212 mètres) pour rejoindre le Monte Valoria dont le sommet apparaît au bout d'un kilomètre.

Le cairn que nous voyons de loin, en arrivant au Monte Valoria, n'est en fait pas le sommet. Il s'agit d'un monument en l'honneur des pèlerins qui passent par ici.

La première borne (photo 2 ci-dessous) qui attire notre attention ne l'est pas non plus. Il s'agit de la limite administrative entre la province de Parme dans laquelle nous évoluons depuis quelques jours et la province de Massa-Carrara. Et donc, entre l'Emilie-Romagne et la Toscane !

C'est une autre borne (photo 4 ci-dessous), située entre le cairn et les tables de pique-nique, qui matérialise le sommet, à 1229 mètres d'altitude.

Le Monte Valoria ne marque pas seulement la limite entre deux provinces mais aussi entre deux régimes climatiques différents. Au nord, le climat est continental, au sud il est méditerranéen.

Nous devrions donc constater progressivement quelques changements au niveau de la végétation lors des prochaines étapes.

Dois-je vous dire que d'ici la vue est absolument magnifique ?

Du sommet du Monte Valoria, nous partons plein ouest en direction du Passo della Cisa. Situé à 1041 mètres d'altitude, nous perdrons donc près de 200 mètres sur les deux kilomètres restants. Deux kilomètres pendant lesquels le sentier longe la limite administrative entre l'Emilie-Romagne et la Toscane.

Au début, le sentier suit la crête et ne présente aucune difficulté hormis le vent fort qui souffle aujourd'hui du sud. Par endroits, nous aurons quand même à affronter des pentes de -15 %, ce qui met les genoux à rude épreuve.

Sur le flanc de la montagne, des chevaux paissent en toute liberté.

Plus loin, je croise quatre autres chevaux. Ceux-là m'ont l'air moins farouches, je m'aventure à caresser le blanc qui a plutôt l'air d'apprécier.

Je reprends ma progression, les chevaux me suivent. Je feins de les ignorer, quand un des quatre, un brun, vient soulever ma main droite avec son museau, réclamant visiblement son câlin !

Quel merveilleux cadeau de la nature !

Dans la descente à travers le bois, une barrière empêche les chevaux d'aller s'aventurer sur la Strada Statale 62 della Cisa qui n'est plus très éloignée. Mais c'est bien le seul endroit sur notre parcours où leur liberté est entravée.

Nous arrivons ensuite au col. Je choisis le santuario della Madonna della Guardia, situé au-delà de la route, comme point d'arrivée de cette étape.

Construite entre 1919 et 1922 à la demande d'un couple génois, l'église est élevée au rang de sanctuaire mineur en 1930. Elle est dédiée à la Madonna della Guardia, proclamée sainte patronne des sportifs du monde entier en 1965.

L'église possède une nef unique mais celle-ci est entourée d'un déambulatoire. Il était malheureusement inaccessible lors de mon passage et c'est bien dommage car cette partie semble être la plus intéressante à visiter avec notamment la statue en bronze de la Madonna della Guardia.

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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :

Appréciation du parcours :

Cette étape est sans aucun doute une des plus belles de la Via Francigena ! 

Avec un itinéraire parcourant une grande majorité de sentiers et de chemins de montagne, agrémentés de paysages somptueux, c'est du pain béni pour le randonneur.

Ajoutez-y un zeste de patrimoine digne d'intérêt et nous ne sommes vraiment pas loin du paradis sur terre !

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Comment rejoindre cette étape ?

Je vous l'expliquais hier, il est difficilement concevable de loger ailleurs que sur place à l'arrivée de l'étape tant les transports en commun sont extrêmement rares dans le coin.

La nuit dernière, j'ai donc logé à l'Ostello di Cassio, un petit établissement extrêmement bien tenu. Les chambres sont propres, la literie confortable et c'est toujours un chouette moment de partager ses anecdotes et ses expériences vécues sur la Via Francigena avec de parfaits inconnus.

Cette nuit, je loge à l'Ostello della Cisa. C'est plus vétuste et moins "luxueux" mais ça reste correct et l'accueil est sympathique.

Il y a quand même un hic, que je peux vous faire éviter !

L'ostello ne se trouve pas au col mais deux kilomètres en amont, vers Berceto donc. Ce que j'ignorais. Du col, j'ai dès lors dû faire demi-tour sur l'itinéraire officiel de la Via Francigena qui emprunte la Strada Statale 62 della Cisa. Vous vous rappelez ?

Quand je disais tout à l'heure que c'était peut-être une fausse bonne idée d'emprunter la variante par le Monte Valoria, c'est parce que si vous logez à l'Ostello della Cisa, il est peut-être mieux d'y terminer l'étape. Puis, le lendemain, de monter au Monte Valoria.

Je vous explique ça sur un petit plan ci-dessous, ce sera plus clair.

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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :