20 septembre 2023 - La Via Francigena du Passo della Cisa à Pontremoli

La nuit à l'Ostello della Cisa fut calme. Et pour cause, j'étais le seul occupant des lieux ! Un calme relatif, toutefois, car l'orage a grondé toute la nuit au point que je me suis à un moment demandé si je pourrais reprendre mon périple ce mercredi !

Mais en jetant un œil au réveil par la fenêtre de ma chambre, je suis vite rassuré, la menace semble écartée !

Au moment du départ, le cuisinier, revenu exprès pour me préparer le petit-déjeuner, me recommande cependant la plus grande prudence. Avec toute cette pluie tombée la nuit, les chemins risquent en effet d'être glissants.

C'est encore plus à prendre au sérieux que nous sommes quand même en montagne et que la première moitié de l'étape est toute en descente, avec des pentes supérieures à 15% !

Donc, même si l'étape est relativement courte - 20 kilomètres environ - il ne faudra pas en négliger la difficulté.

Les 20 kilomètres cités plus haut, c'est sans compter les deux kilomètres qu'il faut à nouveau parcourir pour rejoindre le Passo della Cisa depuis l'auberge. Un petit échauffement avant le grand départ, quoi...

Cette mise en jambe permet en tout cas d'admirer une dernière fois le paysage émilien-romagnol mais aussi de découvrir la "Spirale de la vie", un monument élevé en l'honneur de Marco Simoncelli, un pilote de moto de vitesse né à Rimini, en Emilie-Romagne donc, et décédé à 24 ans lors du Grand Prix de Malaisie le 23 octobre 2011.

Devenu une légende, nombreux sont les motards à s'arrêter ici pour lui rendre hommage, comme j'avais pu le constater hier à mon arrivée.

Et me voici donc de retour au Passo della Cisa pour cette nouvelle étape qui m'emmènera à Pontremoli, en Toscane, dans la province de Massa-Carrara plus précisément. L'occasion de découvrir qu'il existe aussi une Via Francigena pour les pèlerins modernes, ceux qui privilégient la voiture !

Le Santuario della Madonna della Guardia matérialise le point de départ de l'étape. Je vous invite à aller voir le récit d'hier pour en avoir une description.

Alors qu'hier en fin de parcours nous n'avions fait que tutoyer la limite administrative avec la Toscane, aujourd'hui c'est sans transition et sans ambiguïté que nous y pénétrons !

Dès le départ, le chemin de montagne est vraiment superbe et la nature est resplendissante ! Je suis emporté par le spectacle !

Tellement emporté que je ne vois pas la bifurcation à gauche 700 mètres après le départ ! Il aura fallu que je parcoure 500 mètres sur le flanc du Tecchio dei Frassi pour me rendre compte de ma bévue !

Pourtant, franchement, les baliseurs n'y sont pas allés de main morte avec les peintures rouge et blanche !

De la bifurcation, nous descendons alors progressivement à flanc de montagne vers le Passo del Righetto. Le chemin ne présente aucune difficulté et continue à sillonner à travers les bois pour nous offrir un parcours enchanteur.

Après un peu plus de 50 minutes de marche, j'ai la surprise de rencontrer Daniela, une Brésilienne ayant vécu de nombreuses années en France où elle exerçait comme styliste de mode. Daniela parle donc très bien le français et c'est heureux ainsi parce que mon portugais est limité à bon dia et obrigado !

Après nous être brièvement présentés, nous poursuivons notre progression sur la Via francigena...

Au bout de quelques minutes, nous récupérons Gil, son mari, lui aussi Brésilien et géologue-gemmologue de profession. Ayant lui aussi vécu en France, nous n'éprouvons aucun problème pour communiquer.

Gil et Daniela sont deux ultra-marathoniens. Ils ont donc l'habitude des longues distances et parcourent ainsi en moyenne 30 kilomètres chaque jour depuis leur départ de Canterbury !

Mais les spécialistes vous le diront, marcher est plus exigeant physiquement que courir et, la fatigue étant là, Daniela éprouve des difficultés à suivre le rythme imposé par son mari...

Du Passo del Righetto au Cucchero, un sommet culminant à 994 mètres d'altitude, le chemin emprunte la crête séparant le bassin versant du Canale della Lonzola de celui du Torrente Civasola.

Le paysage est grandiose ! Près de 400 mètres sous nos pieds passe l'Autostrada della Cisa...

Préférant profiter du paysage, je laisse filer mes deux comparses.

Parlant de contempler le paysage, mon attention est attirée par un nuage semblant sortir de la montagne comme un volute de fumée émis par un volcan ! Quel phénomène étrange est-ce là ? Mystèèère...

Du sommet du Monte Cucchero, le panorama est tout simplement exceptionnel !

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Traduction du texte sur le panneau :

"Un clocher pour neuf villages, qui se veut le signe de l’union de neuf clochers, ceux de La Cisa, Gravagna San Rocco, Gravagna San Bartolomeo, Pracchiola, Casalina, Cavezzana d'Antena, Cargalla, Succisa, Montelungo.

L’ouvrage construit sur le mont Cucchero, trouve en face de lui la chaîne d’Orsaro avec le Val d’Antena à ses pieds, à droite toute la vallée de l’Alta Val Di Magra, à gauche la vallée de la Gravagna et à l'arrière-plan l'incomparable Groppo del Vescovo. La signification de ce clocher sur le Mont Cucchero est le symbole d'un clocher pour toute la vallée qui l'entoure. Chaque année, le premier dimanche d'août, une messe sera célébrée et l’événement s’appellera « la fête des clochers ».

Après la Sainte Messe, il y aura une rencontre conviviale ouverte à toute la population."

La descente du Monte Cucchero vers Groppoli, un hameau de Pontremoli, est probablement la partie la plus difficile de cette étape. Non seulement le pourcentage de pente y est supérieur à 15% pendant plus de trois kilomètres mais le chemin est aussi encombré de cailloux qui glissent sous les pieds.

Connaissant l'état de fatigue de Daniela, il n'est pas étonnant que je rattrape mes amis brésiliens au bout de vingt minutes...

C'est donc ensemble que nous atteignons Cavezzana d'Antena, un autre hameau de Pontremoli. En chemin, nous aurons pu observer de nombreux scarabées, ce qui est plutôt exceptionnel, et avoir une conversation extrêmement intéressante avec Gil sur les changements climatiques.

Nous continuons vers Groppoli à travers des paysages extraordinaires...

Extraordinaires, comme cette colonie de scarabées !

Au bout de huit kilomètres et 3 heures 20 de marche dans un environnement absolument fabuleux, faisant parfois même penser à la forêt amazonienne, nous arrivons enfin à Groppoli !

C'est malheureusement ici, à Groppoli, que nos routes se séparent. Daniela est vraiment très fatiguée et le chemin est difficile. Gil et elle préfèrent rejoindre Pontremoli par la route. Je ne sais pas si je les reverrai un jour mais ils resteront tous deux dans mon cœur.

De mon côté, je décide de faire une pause pour casser la croûte. Puis je reprends la descente jusqu'au Torrente Civasola qu'une passerelle permet de traverser. Cette étape a vraiment le parfum de l'aventure extraordinaire !

Commence alors la remontée vers Previdè, un hameau de Pontremoli, dans une végétation exubérante.

De Previdè, les hameaux s'enchaînent. Alors que nous n'avons pas encore atteint Groppodalosio, nous voyons déjà Casalina émerger de la végétation sur le flanc de la montagne !

Comme tous les hameaux traversés jusqu'ici, le calme absolu règne sur Groppodalosio. Mais la partie traversée, la plus petite, c'est Groppodalosio Inferiore, le hameau étant effectivement divisé en deux.

La Fiume Magra coule au pied du hameau. Un pont roman, et non romain, permet de traverser le cours d'eau. De là, nous bénéficions d'une belle vue sur Groppodalosio Inferiore.

Mais la star du lieu, c'est bien ce pont roman, construit en 1574 et mesurant 16 mètres de long. La rivière, elle, marque la limite administrative entre Groppodalosio et Casalina.

Nous remontons vers Casalina, posé comme un diamant dans un écrin. Ici, c'est typiquement la Toscane profonde, hors des sentiers battus (sauf par les adeptes de la Via Francigena).

De Casalina au Passo della Crocetta, c'est une succession de petits dos d'âne qui nous attend. En effet, le parcours long de quatre kilomètres monte progressivement à travers la montagne tout en franchissant plusieurs petits torrents.

Au Passo della Crocetta commence un chemin de croix, au sens propre comme au sens figuré. Cette dernière descente, abrupte, après 15 kilomètres de marche par monts et par vaux est une véritable torture pour les genoux, les quadriceps, et les pieds !

Car non content de descendre fortement, le chemin empierré est des plus inconfortables ! Certes, il y a bien les bancs pour se reposer mais on n'a pas toute la vie devant soi, non plus ! Si ?

Bon, que ça ne nous empêche pas d'admirer le paysage. Déjà, on aperçoit Pontremilo, final de l'étape. Mais c'est Arzengio qui nous accueille en premier...

Arzengio dépassé, la pente s'adoucit un peu, et nous abandonnons assez rapidement les gros pavés pour l'asphalte. Nous bénéficions toujours de belles vues sur une superbe région.

Nous accédons à Pontremoli par le Ponte del Carmine sur la Fiume Magra. Ce n'est sûrement pas le plus beau quartier de la ville, se dira-t-on.

Le pont doit son nom à sa proximité, à partir de 1617, avec un couvent de carmélites de la Congrégation de Saint-Paul.

Vers la fin de la seconde guerre mondiale, il est endommagé lors du retrait des troupes allemandes. Il sera restauré en 1945, et à nouveau en 2013 grâce aux dispositions du plan opérationnel "Via Francigena 2012-2014".

Au Passo della Cisa, j'avais découvert qu'il existait une Via Francigena pour les automobilistes. Voilà qu'ici je constate qu'il en existe aussi une pour les cavaliers ! Il n'y a vraiment aucune excuse pour ne pas la faire !

Nous pénétrons dans la vieille ville par la Porta Parma, érigée au Moyen-Âge, et nous retrouvons le caractère typique des villes italiennes avec leurs rues étroites et les maisons colorées.

Pontremoli est la commune la plus septentrionale de Toscane mais elle fait aussi partie de la région historique de Lunigiana qui est à cheval sur la Ligurie et la Toscane.

Bénéficiant de sa situation sur la Via Francigena depuis toujours, l'histoire de la ville est extrêmement riche. Trop riche pour être abordée ici sous peine de faire de cet article une encyclopédie.

D'ailleurs nous arrivons à la Piazza del Duomo où s'élève la co-cathédrale de Santa Maria del Popolo...

La construction de l'édifice commence en 1636 pour s'achever en 1687. Reconnue collégiale en 1721, elle est élevée au rang de cathédrale en 1787. C'est finalement en 1988 qu'elle devient co-cathédrale du diocèse de Massa Carrara-Pontremoli.

Bâtie sur un plan à une nef avec des chapelles latérales et un dôme d'une hauteur intérieure de 38 mètres, elle possède une façade construite en 1881 dans le style néo-Renaissance.

Le clocher, séparé de la cathédrale, construit au XVIè siècle, était en réalité une tour de défense faisant partie d'un système défensif répondant au nom de Cortina di Caggiaguerra.

Un peu plus loin, nous débouchons sur la Piazza della Repubblica où se font face l'hôtel de ville et le tribunal.

En ce qui me concerne, je continue la traversée de Pontremoli sur la Via Francigena jusqu'à hauteur de la gare, où j'ai abandonné ma voiture voici trois jours.

C'est l'occasion d'encore découvrir, alors que la pluie a fait son apparition, la Torre di Busticca et l'Oratorio di Nostra Donna, dominant le Ponte del Giubileo.

La Torre di Busticca faisait partie du système défensif de la ville et avait pour fonction de protéger le pont voisin. Construit en 1738, l'oratoire est un des plus beaux exemples d'architecture rococo. Je n'aurai hélas pas l'occasion de le visiter.

Quant au pont, construit à la fin du XIVè siècle et détruit en avril 1945 par les Allemands, il fut reconstruit à l'identique en 2000.

Voilà qui termine une superbe étape et, excellente nouvelle, je retrouve ma voiture dans l'état où je l'avais laissée ! Quel monde merveilleux !

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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :

Appréciation du parcours :

De mon point de vue, le nombre de photos prises au cours d'une randonnée est un bon indicateur de l'intérêt de celle-ci. Avec 306 photos, il est indéniable que celle-ci concoure pour le titre de la plus belle des randonnées que j'aurai faites !

Et pour cause, nous avons avec cette étape de la Via Francigena vingt kilomètres de pur bonheur. De vrais chemins de randonnée et un environnement fabuleux en font un incontestable must pour les amoureux de nature.

Mais attention, le bonheur se mérite et il faudra une excellente condition physique pour affronter les difficultés du jour ! Ça vaut bien un petit "Amor" à la fin, non ?

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Antica Pasticceria degli Svizzeri

Une fois n'est pas coutume, je vous invite à visiter une Pâtisserie remarquable installée à Pontremoli entre la cathédrale et l'hôtel de ville, l'Antica Pasticceria degli Svizzeri.

L'entreprise a été fondée sous le nom "Fratelli Aichta e C" en 1842 par les Suisses Osvaldo et Giorgio Aichta, Giovanni Kaspar et les frères Beelì. C'était alors juste une épicerie vendant des pâtisseries et des liqueurs.

En 1925, ils ont ouvert le café contigu à la boutique. L'ensemble a conservé le remarquable mobilier Art Nouveau du début du XXè siècle. On n'ira pas seulement là pour la fameuse pâtisserie "Amor" dont la recette de la crème est jalousement gardée secrète, mais aussi pour le charme des lieux... et toutes les autres bonnes choses qui m'auraient bien tenté si je n'étais quelqu'un de résolument raisonnable ! Vous le croyez, n'est-ce pas ?

Désolé si mes "Amor" font piètre figure sur la photo ci-dessous mais elles ont fini l'étape dans mon sac à dos ! Je vous rassure toutefois, ça n'en a nullement altéré le goût !

Bonne dégustation !

Comment rejoindre cette étape ?

Comme je l'expliquais les deux jours précédents, il est illusoire voire impossible de rejoindre le Passo della Cisa en transports en commun.

Alors, soit vous prenez le taxi, soit vous avez deux voitures. Mais puisqu'entre Fornovo di Taro et Pontremoli nous avons la chance de bénéficier de trois superbes étapes, pourquoi ne pas en profiter et passer la nuit dans un des ostello ou maison d'hôtes disponibles dans la montagne ?

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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :