21 Septembre 2023
Après trois jours et deux nuits passés dans la montagne, j'ai retrouvé hier mon pied-à-terre chez Anna, à côté d'Aulla, pour une bonne nuit de repos. Il faudra en effet être en pleine forme pour parcourir les 30 kilomètres au programme du jour entre Pontremoli et Aulla.
A priori l'étape ne semble pas présenter de réelles difficultés, si ce n'est la distance. L'itinéraire longe de près ou de loin la rivière Magra sur la rive gauche, nous offrant quand même une longue incursion dans la montagne.
Le jour se lève à peine quand je m'élance de Pontremoli à 7 heures du matin. Je dis bien "le jour" car il y a peu de chance de voir le soleil aujourd'hui.
La vallée se resserre à la sortie sud de la ville. Entre deux quartiers, nous n'avons d'autre choix que d'emprunter la Strada Statale 62 della Cisa sur quelques centaines de mètres.
Depuis la Via Santissima Annunziata, nous apercevons, obstruant la rue, la Chiesa della Santissima Annunziata. Nous ne nous y rendrons pas.
En effet, la Via Francigena bifurque à gauche pour emprunter une ruelle qui se faufile entre l'église et la montagne. C'est par ce sentier obscur que l'on accédait au couvent des Augustins, érigé en 1474, dont les deux cloîtres sont encore visibles aujourd'hui.
Le couvent fut édifié pour abriter une fresque de l'Annonciation logée dans un petit édicule. En 1470, le site était devenu un lieu de pèlerinage suite, selon la légende, à plusieurs apparitions de la Vierge à une jeune bergère qui faisait paître ses moutons non loin de là.
A l'arrière de l'ancien couvent aujourd'hui occupé par les Archives de l'Etat, nous débouchons dans un petit vignoble. L'endroit est ravissant !
Le chemin longe ensuite en surplomb la Strada Statale 62 della Cisa avant de faire une boucle dans le Fosso d'Angelo. Nous retrouvons la végétation exubérante rencontrée lors de l'étape d'hier. Un régal !
Puis, comme pour nous rappeler qu'on ne peut tout avoir dans la vie, nous voilà obligés d'emprunter la Strada Statale 62 della Cisa pendant 1.300 mètres. Bon, pas tout à fait puisque nous la quittons un moment pour passer par l'intérieur de Santa Giustina.
Ce n'est pas très fun mais, allez, il est vrai que nous n'y sommes pas confrontés au trafic...
Puis nous quittons la route principale vers l'est par une petite route tranquille et sympathique en direction de Scorcetoli-Monteluscio, un hameau de Filattiera.
Nous continuons à nous éloigner de la rivière Magra vers l'est.
Sur la colline à gauche, nous pouvons observer une maison-tour. Erigées au Moyen-Âge à partir du Xè siècle, elles avaient une fonction à la fois résidentielle et défensive. Il en subsiste plusieurs ici, dans la vallée du Caprio, un affluent de la Magra.
Nous atteignons Ponticello. Ce hameau de Filattiera a su préserver son caractère médiéval qui fait tout son charme.
Ce sont ensuite deux superbes kilomètres à travers bois qui nous conduisent au hameau de Migliarina.
Nous retrouvons ainsi la ligne de chemin de fer Parma - La Spezia sous laquelle nous sommes déjà passés plusieurs fois. Mais ici, elle emprunte un impressionnant viaduc ferroviaire !
Nous traversons la Strada Statale 62 della Cisa pour aller faire une incursion sur la plaine alluviale crée par la rivière Magra. Une plaine ? Voilà qui nous change des derniers jours passés dans la montagne !
De retour vers la route nationale, à Sorano di Filattiera, nous découvrons un petit bijou de l'art roman, la pieve di Santo Stefano.
Bien que Sigeric ait mentionné Santo Stefano di Sorano à la suite de son passage ici à la fin du Xè siècle, l'église ne fut construite qu'entre le XIè et le XIIè siècle.
Elle connut son apogée au XIVè siècle puis devint progressivement une chapelle de cimetière. Elle fut complètement rénovée en 2000. Sa construction est plutôt particulière puisque ses murs sont constitués de galets de rivière liés avec du mortier.
A l'intérieur, dans un coin de la façade, on remarquera une statue stèle datant de l'âge du fer. Elle fait partie des deux statues découvertes lors de travaux de restauration en 1925. Cinq autres statues stèles similaires ont été découvertes aux abords de l'église.
A l'arrière de celle-ci se trouve un loueur de vélos chez qui il est possible de faire tamponner sa crédenciale.
De l'église, nous gagnons la partie haute de la ville, la plus ancienne. D'abord en empruntant la route, ensuite par un escalier gravissant le flanc de la colline. Nous bénéficions alors d'une belle vue sur la vallée de la Magra. Ah, si le ciel avait été dégagé !
L'occupation de la colline où se trouve actuellement la ville haute commence à l'époque byzantine, vers 540. La région est en effet occupée à ce moment par les Byzantins. La ville est entourée d'un système défensif qui doit bloquer la progression des Goths vers Rome.
Face à la mairie, se trouve l'église Santa Maria qui prit le dessus sur celle de Sorano à partir du XIVè siècle, le bas de la ville se dépeuplant progressivement.
A la lisière sud de la ville, s'élève une autre église, la Chiesa di San Giorgio, remarquable pour la pierre tombale qu'elle abrite.
Cette pierre tombale, qui se trouvait probablement à l'origine dans la Pieve di Santo Stefano, à Sorano, commémore un certain Leodegar ayant vécu ici fin du VIIè - début du VIIIè siècle. On ne sait pas s'il était évêque ou missionnaire, mais ce qui est sûr c'est qu'il combattit les païens occupant la région à l'époque.
Le clocher de la Chiesa di San Giorgio était en réalité une tour défensive faisant partie des murailles de la ville. Elle fut convertie en clocher lors de la construction de l'église au XIIè siècle.
600 mètres plus loin, en direction de Filetto, nous découvrons perdu au milieu de la végétation l'Oratorio di Pizzo Mogano. L'édifice, très simple, date du XVIè siècle.
S'ensuit un superbe parcours de plus de 4 kilomètres à travers bois et campagnes pour rejoindre Filetto.
Et vous savez quoi ? J'ai été médisant, le soleil a fait son apparition !
A mi-parcours de cette étape, nous entrons dans Filetto, un hameau de Villafranca in Lunigiana.
Nous continuons ici notre voyage dans le passé. Comme Filattiera, la construction du village remonte au VIè-VIIè siècle quand la Lunigiana, la région où nous nous trouvons, marquait la frontière entre le territoire des Byzantins et celui des Lombards.
A l'origine, le village était en réalité une petite forteresse quadrangulaire qui correspond aujourd'hui à la Piazza del Pozzo par laquelle je ne suis pas passé. Puis, au fil des siècles, jusqu'au XVIè, le village s'agrandit vers le sud-ouest et l'est.
La Porta Sud, par laquelle nous entrons, est un témoin notable du rôle défensif joué par le village dans le passé.
Nous quittons Filetto vers Virgoletta, un autre hameau situé plus à l'est. Le parcours boisé, de part et d'autre du Torrente Bagnone, est très agréable.
Je vous avoue que je n'ai pas trop fait attention aux variétés d'arbres rencontrées mais Filetto conserve une forêt ancienne de châtaigniers.
Ciao bello !
Installé à 183 mètres d'altitude sur une crête coincée entre le Canale Detto La Piscina et le Canale Visegiola - la distance maximale entre eux à hauteur du village ne dépasse pas 250 mètres -, le hameau de Virgoletta nous propose une architecture spectaculaire avec les murs de ses maisons dépassant les 10 mètres de hauteur !
Vu l'étroitesse des lieux, le village ne dispose que d'une seule rue centrale courant sur la crête.
Au fait, savez-vous que Virgoletta se traduit en français par Guillemets ?
Nous quittons Virgoletta côté cimetière pour emprunter un des plus beaux passages de l'étape.
Pendant plus de 5 kilomètres, jusque Fornoli, un autre hameau, nous traversons la forêt sur un itinéraire alternatif de la Via Francigena existant déjà au Moyen-Âge.
Sans doute était-ce à l'origine une piste empruntée par les moutons, progressivement renforcée au moyen de silex encore visibles à de rares endroits pour supporter le passage des pèlerins et des marchands en toutes saisons.
Fornoli dont nous ne faisons qu'effleurer le quartier sud après avoir traversé le Torrente Carpena...
Puis, pour terminer ce superbe parcours nature, 2,5 kilomètres encore très agréable pour atteindre Terrarossa, un hameau de Licciana Nardi.
C'est malheureusement aussi le moment choisi par la pluie pour faire son apparition !
De Terrarossa, nous ne verrons quasi rien, la Via Francigena se contentant de traverser le hameau pour rejoindre la voie verte Terrarossa-Tresana-Aulla.
C'est en effet sur cette ancienne ligne de chemin de fer reconvertie après 2008 en piste cyclable et piétonne que nous parcourrons les deux derniers kilomètres de cette belle mais longue journée qui nous amène à Aulla.
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :
Appréciation du parcours :
Cette deuxième étape en Lunigiana, région la plus septentrionale de Toscane, est une véritable réussite !
Si les tout premiers kilomètres nous voient emprunter occasionnellement la Strada Statale 62 della Cisa, le reste du parcours est un vrai régal.
Oh, bien sûr, il n'y sans doute pas le côté spectaculaire des étapes de montagne des jours précédents mais il y a ce mélange de patrimoine remarquable et de nature qui constitue, à mon avis tout personnel, l'ADN d'une randonnée réussie.
Bref, on en redemande !
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Comment rejoindre cette étape ?
Pontremoli et Aulla se trouvent toutes deux sur la ligne de chemin de fer Parma - La Spezia. Cette étape est donc facilement accessible en train.
Avec un bémol toutefois. La gare d'Aulla est complètement excentrée de la ville, à l'opposé de la Via Francigena. Il faut donc rajouter 7 à 800 mètres au parcours pour rejoindre la gare.
De plus, complètement isolée, il ne fera pas bon laisser sa voiture à la gare d'Aulla pendant la nuit.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :