18 Septembre 2023
Après un jour de repos bienvenu, me voici de retour sur la Via Francigena. A voir ci-dessous le profil de cette étape, de Fornovo di Taro à Cassio, nous pouvons encore espérer de beaux moments !
Continuons la découverte de l'Emilie-Romagne sans plus attendre mais cette fois ce sera à la manière du vrai pèlerin, avec ma petite maison sur le dos. En effet, je logerai les deux prochaines nuits en auberges pour pèlerins. Je vous raconte pourquoi en fin d'article.
Je vous expliquais avant-hier, que je m'étais fourvoyé à l'arrivée à Fornovo di Taro en suivant une voie alternative.
Pour corriger mon erreur, plutôt que de redémarrer de la pieve di Santa Maria Assunta, je le fais depuis la Piazza Giacomo Matteotti, quelques centaines de mètres en amont. Je vous offre ainsi une courte visite de cette petite ville aux rues joliment colorées.
L'église paroissiale (pieve) Santa Maria Assunta possède une façade plutôt simple. Reconstruite au XIè siècle, elle est de style roman. Entre 1712 et 1745, son intérieur a été modifié pour lui donner un style baroque. Mais elle retrouva son style roman entre 1927 et 1942.
Fornovo di Taro est surtout réputé pour deux grandes batailles qui se déroulèrent sur son territoire à deux époques différentes.
La première se déroule le 6 juillet 1495 et voit les troupes de la coalition formée à la demande du pape Alexandre VI affronter celles du roi de France, Charles VIII. Si ce dernier se voit contraint, faute d'argent, de quitter l'Italie à l'issue de cette bataille, les Italiens n'y gagnent rien non plus, leur pays perdant son indépendance et devenant champ de batailles pendant des décennies.
La seconde a lieu entre le 24 et le 29 avril 1945 et est la dernière bataille rangée sur le sol italien pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Encerclés dans la poche de Fornovo par les troupes américaines appuyées par la résistance italienne et la Força Expedicionaria Brasileira, seule force militaire brésilienne déployée pendant la Seconde Guerre Mondiale, 15.000 soldats allemands et italiens sont contraints de déposer les armes.
En montant la Via Giuglielmo Marconi, je constate que nous passons à proximité de la maison communale.
Je m'y rends à tout hasard pour demander si je ne peux y faire tamponner ma crédenciale. Ils ne possèdent pas le tampon officiel de la Via Francigena mais un employé très serviable appose celui de la municipalité. Ma foi...
La Via Giuglielmo Marconi monte la colline en une série de lacets pendant un petit kilomètre, offrant des vues imprenables sur la vallée du Taro.
Mais le plus beau panorama sera offert par le belvédère du Monte della Croce auquel on accède par un chemin en graviers depuis un des virages en épingle à cheveux de la Via Giuglielmo Marconi.
Nous sortons de Fornovo di Taro en direction de Caselle, un hameau. La petite route continue de s'élever pour atteindre le premier sommet de la journée, à 315 mètres d'altitude.
De Caselle, nous descendons vers Respiccio, un autre des vingt-huit (!) hameaux de Fornovo di Taro, situé dans la vallée du Torrente Sporzana.
La vue sur la vallée et les montagnes avoisinantes est magnifique !
A Respiccio, nous entamons alors un long parcours de plus de 4 kilomètres dans la vallée du Torrente Sporzana. C'est certes une route, la Strada Val Sporzana, qui nous emmène jusque Sivizzano mais elle est peu fréquentée et le paysage vaut le déplacement.
Dans la vallée de Vallezza, latérale à celle du Torrente Sporzana, les habitants ont utilisé pendant des siècles ce qu'ils appelaient une huile de pierre. Elle coulait naturellement du grès et ils s'en servaient comme combustible, mais aussi comme médicament.
C'était en réalité du pétrole ! En 1868, les premières concessions sont attribuées mais il faut attendre 1905 pour que les extractions donnent enfin satisfaction.
Au fur et à mesure des améliorations technologiques, la production s'accélère. En 1933, elle atteint 80% de la production nationale italienne. Les Allemands occupent le site en 1944 et le surexploite. Toutefois, les Alliés le bombardent à 22 reprises, finissant par le détruire totalement.
En 1946, de nombreux puits sont déjà taris. Commence alors un long déclin qui verra le site fermer définitivement en 1994. Depuis 2011, un espace muséal retrace l'histoire de ce lieu unique en Italie. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de vous en partager le lien vers le site :
museodelpetrolio - Museo del Petrolio
Sito istituzionale del Parco Museo del Petrolio di Vallezza, Fornovo di Taro, Parma, Italia
http://www.museodelpetrolio.it/index.php?option=com_content&view=featured&Itemid=464
A Sivizzano, je quitte brièvement l'itinéraire pour aller jeter un œil sur la chiesa di Santa Margherita.
L'église construite en 1098 était à l'époque une chapelle attenante à un hôpital pour les pèlerins de la Via Francigena et l'ensemble faisait partie d'un monastère cistercien construit par des frères de l'abbaye de la Chaise-Dieu, en Haute-Loire.
L'hôpital est détruit en 1492 tandis que l'église est reconstruite en style néoclassique à la fin du XVIIIè siècle. L'ancien monastère, en pierre, est encore visible derrière l'église.
Au retour sur la Strada Val Sporzana, je fais une rencontre inattendue. Un jeune pèlerin en sandalettes !
Marco, Italien, la trentaine, est parti de Canterbury le 4 août, me dit-il. Non seulement il marche en sandalettes mais il porte un sac moitié moins volumineux que les autres pèlerins rencontrés plus avant. En voilà un qui se contente de peu !
Je n'ai à ce stade aucune raison de mettre en doute sa parole et je suis même admiratif. Rendez-vous compte... Il aura fait en 45 étapes ce que j'aurai fait en 65. Sacrée performance !
Mais, je l'apprendrai plus tard de la bouche d'autres pèlerins, mon ami Marco prend le bus ou le train pour passer les étapes qui ne l'intéressent pas, et fait même du stop quand il en a marre de marcher !
Nous ferons un tout petit bout de chemin ensemble. A la sortie de Sivizzano, la Via Francigena quitte la route principale. Enfin, après un peu plus de huit kilomètres, nous abandonnons l'asphalte pour la terre ! Au premier embranchement, Mario me quitte pour aller boire un café... Je ne le verrai plus jamais...
J'en profite pour faire une pause dans le sous-bois. Je suis à ce moment assailli par des moustiques-tigres ! Pas de panique, je m'enduis de répulsif, et le tour est joué ! Mais, miracle, le produit est aussi efficace contre les mouches ! Et dire que je me promène avec dans mon sac depuis le début de mon périple et que j'ignorais qu'il me protègerait aussi des mouches !
Nous profitons du chemin de terre sur 1.300 mètres avant de revenir sur la route principale. Mais en traversant le torrent, nous avions quitté Fornovo di Taro pour Terenzo.
Rapidement, nous bifurquons à droite vers Bardone, un hameau de Terenzo. Comme nous laissons le creux de la vallée derrière nous, ça monte plus sérieusement, nous offrant du même coup une autre perspective sur les environs.
A l'époque lombarde (IIè - VIè siècle), Bardone se trouvait sur la seule voie d'accès entre la plaine du Pô et la Toscane. Au Moyen-Âge, la route qui traverse ce hameau de Terenzo, la Via di Monte Bardone, était le principal axe emprunté par les pèlerins se rendant à Rome depuis l'Europe du Nord.
La petite église Santa Maria Assunta a probablement été construite à l'origine dès le VIè siècle, ce que semblent montrer des fouilles réalisées en 2000. Agrandie au IXè siècle, c'est pourtant seulement en 1004 qu'un document atteste de son existence.
Ayant subi de nombreuses transformations au cours des siècles, l'église n'a plus grand chose à voir avec l'édifice d'origine. Elle renferme aussi des sculptures d'une valeur inestimable. Malheureusement, elle n'était pas ouverte à la visite lors de mon passage...
Nous continuons ensuite en direction de Terenzo dans la vallée du... ça ne s'invente pas... Rio Grande !
Au centre de Terenzo s'élève la chiesa di Santo Stefano. Un premier édifice cultuel avait déjà été construit avant le XIIè siècle mais, en 1294, un glissement de terrain détruisit quasi complètement le village, dont le temple.
En 1355, Charles, empereur du Saint-Empire romain germanique, se souvenant d'un rêve prémonitoire qu'il avait fait ici même une vingtaine d'années auparavant, ordonna la construction d'une chapelle dédiée à Santa Maria degli Angeli.
En 1494, la chiesa di Santo Stefano est construite à côté de la chapelle. Alors que la chapelle est détruite au XVIIè siècle, l'église tombe dans un profond délabrement.
Reconstruite en 1789, elle ne conserve aujourd'hui que le clocher d'origine.
Nous quittons Terenzo, côté mairie...
Nous nous engageons maintenant sur un chemin de montagne. 2,5 kilomètres de bonheur total jusque Castello di Casola ! Je signerais à deux mains pour que tous les chemins de randonnée du monde ressemblent à ça !
Bon, il y a les mêmes ailleurs, hein, sans doute mieux aussi, mais ça faisait si longtemps sur la Via Francigena !
De château, nous n'en verrons point. Il y en avait bien un, construit au Moyen-Âge pour défendre la vallée de la Baganza. Mais il n'est plus que ruines, redécouvertes à la fin du XXè siècle à l'occasion de la réouverture de la Via Francigena.
Il faut toutefois s'écarter de l'itinéraire de quelques centaines de mètres, ce que je ne ferai pas...
La petite église de Sant'Appolinare, elle, est toujours bien debout. Construite entre 1568 et 1577, son clocher date toutefois de 1930...
Le voyage enchanteur continue vers Villa di Casola, un des quatre quartiers de Casola. Situé à proximité de la route stratégique du col de la Cisa, le village fut la cible de nombreux raids aériens alliés durant la Seconde Guerre Mondiale.
A la lisière sud-ouest du hameau, je vous recommande une halte à la fontaine. L'eau y est potable, l'endroit enchanteur (ah, zut, je me répète), un petit coin de paradis pour une pause à coup sûr appréciée.
En direction de Cassio, nous montons majoritairement à travers des pinèdes sur un chemin toujours aussi ench... magnifique !
Normalement, nous aurions dû suivre ce chemin jusque Cassio. Mais au bout de 1,5 kilomètres, pour une raison que j'ignore (éboulement ? chute d'arbres ?), nous sommes contraints d'emprunter sur une courte distance la Strada della Cisa.
C'est là que nous passerons par le point culminant de cette étape, à 900 mètres d'altitude.
Quelques dizaines de mètres après avoir quitté la route, nous bénéficions d'un formidable point de vue sur la vallée de la Baganza !
D'ici, nous apercevons très bien les "Sauts du diable" (Salti del Diavolo), une formation sédimentaire datant de 80 millions d'années, du Crétacé donc. C'est le résultat d'un glissement de terrain sous-marin de galets et de sable dans une zone de plus ou moins 200 kilomètres s'étendant du Monferrato (au nord de Gênes) aux Apennins de Modène. Mais c'est ici que l'affleurement est le plus spectaculaire.
Mais pourquoi ce nom ? La légende raconte que le diable aurait tenté un moine, retiré ici pour prier. Il lui aurait proposé nourriture, richesse, et une jeune fille ! Tentant, non ? Le moine repoussa pourtant le diable en lui montrant le crucifix, qui dans sa fuite (le diable, pas le crucifix) aurait laissé ses empreintes dans le sol !
On peut accéder au site depuis Cassio par un sentier d'environ 1,5 kilomètre. Jusqu'en 1950, il était emprunté par les tailleurs de pierre qui allaient y extraire des pierres pour la décoration des édifices de la région.
Un peu plus loin, je rattrape un jeune couple d'Italiens venu passer le week-end à Cassio pour un mariage. Ils restent quelques jours sur place pour randonner dans cette magnifique région, et ils ont bien raison !
Pas très bavards - lui est muet comme une carpe - je n'en saurai pas plus. Mais il est vrai que leur vie ne me regarde pas...
Et bientôt Cassio apparaît...
Nous entrons dans Cassio, cet autre hameau de Terenzo, par un passage sous les maisons de la Strada Romea, juste à côté de la chiesa dell'Assunzione di Maria Vergine.
L'édifice originel est construit au XIIè siècle mais, tombé en ruines, il est reconstruit fin du XVIè - début du XVIIè. En 1944, la région, proche du col stratégique de la Cisa, est régulièrement bombardée par les Alliés. L'église est presque entièrement détruite.
Reconstruite entre la fin de la guerre et 1950, elle dut subir des travaux de stabilisation par suite du tremblement de terre du 23 décembre 2008. Malgré toutes ces péripéties, on peut encore observer à l'intérieur une fresque des Saint Jean-Baptiste et Saint Benoît peinte entre 1425 et 1430.
Je laisse mes amis italiens à l'église puis je descends la Via Romea, comme l'ont fait des milliers de pèlerins à travers les siècles, en direction de l'Ostello di Cassio où je resterai pour la nuit.
La structure du village reste celle du Moyen-Âge, les maisons en pierre datant pour la plupart des XIVè-XVè siècles. Et si vous ne savez que faire de vos vieilles cafetières...
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :
Appréciation du parcours :
Vous connaissez mon aversion pour l'asphalte mais quand c'est dans un cadre enchanteur comme celui dans lequel nous évoluons lors de cette étape, je veux bien être magnanime.
Car voilà une très très belle étape, surtout dans son dernier tiers ! Je recommande sans hésitation !
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Comment rejoindre cette étape ?
Comme je l'expliquais samedi, j'ai pris mes quartiers à côté d'Aulla Lunigiana. Si vous venez de Parme, ou d'ailleurs, ça ne change pas grand-chose à ce que je vais vous expliquer.
De Fornovo di Taro à Pontremoli, ces trois étapes de la Via Francigena sont difficilement accessibles en transports en commun. Tout juste y a-t-il un bus dans un sens le matin, et un autre en sens inverse l'après-midi. Il n'y a pas d'autre choix donc que de loger sur place à l'arrivée de chaque étape.
En ce qui me concerne, j'aurais pu laisser ma voiture à la gare d'Aulla Lunigiana pour en disposer à l'arrivée (j'en ai besoin pour rejoindre mon logement). Mais cette gare est à l'écart de tout et je ne me sentais pas d'y laisser ma voiture trois jours et deux nuits.
Je l'ai donc laissée à la gare de Pontremoli, qui n'est pas isolée, pour y prendre le train jusque Fornovo di Taro.
Bien sûr, si vous en avez la possibilité, vous pouvez aussi rejoindre Fornovo di Taro en train et repartir de Pontremoli de la même manière. Les trains ne manquent pas sur cette ligne reliant Parme à La Spezia.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :