8 Septembre 2022
Jeudi. Je continue mon périple sur la Via Francigena dans cette superbe Vallée d'Aoste au départ de Nus. Nus qui signifie "neuf", le chiffre. Ce nom fut donné au village par les Romains parce qu'il se trouve à neuf milles romains d'Aoste.
Ce sont aujourd'hui 25 kilomètres et un dénivelé positif de 645 mètres qui m'attendent pour rejoindre Montjovet. Il ne faut cependant pas négliger le dénivelé négatif de 783 mètres, les descentes faisant souvent plus mal que les montées.
Descendu du bus à proximité de la gare, je dois traverser le village pour rejoindre la Via Francigena. Nus possède le charme des petits villages de la vallée, avec ses rues étroites et ses maisons colorées.
Dans la Via Risorgimento, 150 mètres à l'ouest de l'église (deuxième photo ci-dessous), on peut visiter les vestiges du château Pilate, du nom du procureur romain Ponce Pilate qui, en exil forcé, y aurait logé. En fait, il s'agit d'une légende car cette maison forte n'existait pas à l'époque !
Nous sortons du village par la Via Fossa, une petite rue asphaltée escaladant le flanc de la vallée à travers les vignes. Si l'effort est déjà conséquent, le décor, lui, est toujours grandiose.
Après un court intermède sur un chemin non revêtu, nous atteignons la Via del Sorriso.
Le randonneur s'étonnera sans doute de la présence d'un bobsleigh sur le bord du chemin. C'est simple, Sergio Grange, un bobeur (c'est ainsi qu'on appelle un athlète pratiquant le bobsleigh) probablement seulement connu des passionnés de ce sport habite ici.
La Via del Sorriso nous conduit à travers Plantayes, Perrinaz et Rovarey, autant de hameaux de Nus. A Rovarey, on admirera au passage la belle façade colorée de sa petite église.
Au bout de trois kilomètres, nous retrouvons un beau chemin de montagne en direction de Ronchettes. Un autre des vingt-neuf hameaux de Nus !
À Diemoz, l'église paroissiale Saint-Martin et Sainte-Lucie retiendra l'attention. Non que je la trouve particulièrement jolie mais sa position sur une avancée rocheuse la met bien en évidence.
À noter qu'entre-temps nous sommes passés sur la commune de Verrayes.
Après l'église, une courte descente tente peut-être de nous donner de l'élan pour attaquer la première grosse difficulté de la journée. Une côte d'un kilomètre exactement présentant un pourcentage de pente compris entre 7 et 10 % pour atteindre le domaine viticole de Grangeon, à Crétaz.
Mais le décor fabuleux dans lequel nous évoluons depuis l'entrée en Vallée d'Aoste vaut bien tous les efforts du monde.
Nous quittons le domaine par un sentier descendant à pic qui nous amène sur le territoire de la commune de Chambave.
Au bout de deux cents mètres, nous continuons à descendre mais cette fois sur de petites routes asphaltées en direction de Poyaz et sa chapelle Notre-Dame de La Salette plantée au milieu des vignes.
Vignes qui font d'ailleurs la réputation de Chambave depuis le XVIè siècle. Son muscat, entre autres, semble particulièrement apprécié.
Dans le passé, Chambave était un pôle commercial important. Aujourd'hui, on y vient surtout pour son vin, un des plus appréciés de la Vallée d'Aoste.
L'église Saint-Laurent date du XVIIIè siècle mais elle est bâtie sur des fondations du XIIè. La chapelle Notre-Dame de Pitié fut érigée au XVIIè siècle.
À la sortie de Chambave, la petite route communale s'élève dans un cadre assez spectaculaire en direction du hameau de Chandaniaz.
Après être passé entre des parois rocheuses, la vue s'élargit sur la vallée. Je ne me lasse pas d'admirer le paysage.
À Chandianaz, ne manquez pas de prendre l'étroit chemin s'infiltrant entre les maisons et la paroi de la montagne. C'est qu'il ne faudrait pas louper la maison de Marcello di Rimini et ses multiples tableaux affichés sur les murs.
À première vue, je pensais qu'il s'agissait de peintures d'enfants mais non, pas du tout ! Ils sont tous peints par Marcello à l'intention des pèlerins de la Via Francigena.
Peut-être, comme moi, aurez-vous la chance d'échanger avec lui. Et si vous êtes surpris de percevoir un accent hollandais (même si, fier de ses origines, il refuse de l'admettre), c'est sûrement parce qu'il a vécu plusieurs années aux Pays-Bas.
Du hameau de Chandianaz à celui de Setoret, sur la commune de Châtillon, la Via Francigena nous offre sans doute les deux plus beaux kilomètres de l'étape du jour.
Le petit sentier serpente à flanc de montagne dans un décor sauvage absolument magnifique. Une expérience encore renforcée par les maisons abandonnées de Barma, victime de l'abandon progressif de l'agriculture dans la vallée et de l'exode des populations en découlant.
À Frayant, je fais la connaissance de Clémence, une jeune Française originaire de la région de Langres, en Haute-Marne. Un excellent souvenir me reste d'ailleurs de cette superbe ville traversée par la Via Francigena.
Mais revenons à cette jeune femme juste sortie des études, portant un sac à dos plus grand qu'elle ! Partie de Besançon, elle a pour ambition de rejoindre Rome à pied, seule, alors qu'elle n'a jamais pratiqué la marche auparavant !
Moi je lui tire mon chapeau ! Surtout qu'elle a plusieurs ampoules aux pieds et qu'elle trouve quand même le courage de continuer ! Encore bravo !
Nous marchons ensemble pendant deux kilomètres, jusque Châtillon. Comme la Via Francigena passe devant le logement que j'y occupe, j'ai prévu d'y casser la croûte.
Clémence, elle, poursuit son chemin jusque Saint-Vincent, quatre kilomètres plus loin, où elle fera étape pour la nuit. Nous ne nous reverrons plus.
Châtillon se trouve au confluent du torrent Marmore et de la Doire Baltée, la rivière qui coule dans la vallée d'Aoste. L'endroit est habité depuis la préhistoire.
La ville était aussi un carrefour commercial important grâce à l'accès au Valais par le col de Saint-Théodule, en remontant le Valtourmenche, vallée dans laquelle coule le torrent Marmore. De plus, la présence de mines de fer permit le développement d'une industrie métallurgique qui connut son apogée au XVIIIè siècle.
Venant d'Aoste, on atteint le centre-ville par le pont Neuf, surmontant le gouffre du Marmore. En contrebas, on peut encore apercevoir l'ancien pont romain et les ruines d'une ancienne fonderie.
L'église Saints-Pierre-et-Paul domine la ville. De son parvis, on bénéficie d'une vue imprenable sur la vallée.
De l'église, nous longeons à la fois la vallée du torrent Marmore et le mur d'enceinte du château Passerin d'Entrèves. Déjà mentionné en 1242, il est un des plus anciens châteaux valdôtains.
Un peu plus loin sur la gauche, une autre enceinte délimitait l'ancien cimetière de Châtillon.
De là, nous montons vers le hameau de Conoz.
De Conoz à Saint-Vincent, le chemin court quasi à l'horizontale pendant quatre kilomètres, nous procurant encore et toujours de spectaculaires vues sur la vallée !
La Via Francigena contourne Saint-Vincent par le nord et l'est. À moins d'en quitter le parcours, on ne voit la ville que de façon générale. Tout juste passe-t-on en bordure des termes.
Bénéficiant d'une situation à l'abri des vents froids, Saint-Vincent profite d'un climat doux qui lui vaut le surnom de "Riviera des Alpes".
Sa végétation méditerranéenne constituée de palmiers, oliviers et pins parasols, son casino, et les activités disponibles dans les environs attirent de nombreux touristes.
Au hameau de Cillian, la petite chapelle retiendra sans doute votre attention... "Pense à la valeur des jours d'ici bas...!"
De Cillian au hameau de Chenal, sur la commune de Montjovet, nous avons encore droit à un beau parcours de deux kilomètres. Exigeant car nous descendons de 100 mètres pour les remonter aussitôt.
Sur un sommet, le château de Chenal occupe une position stratégique. Plutôt devrait-on parler de maison forte. C'était au moyen-âge un poste de contrôle militaire.
À Chenal, nous entamons la descente vers Provarey. En arrivant dans cet autre hameau de Montjovet, notre attention sera attirée par la tour Saint-Germain, perchée sur un pic à 636 mètres d'altitude.
Dominant les gorges de Montjovet creusées par la Doire Baltée, en liaison visuelle avec le château de Chenal, elle contrôlait les passages dans la vallée.
Construite entre le XIè et le XIIè siècle, elle fut abandonnée en 1661 sur ordre de Charles-Emmanuel II de Savoie.
La tour Saint-Germain s'observe mieux par son côté sud. A l'heure où je passe - 17h30 - le soleil rasant la met comme sous le feu des projecteurs.
À la sortie des gorges, la centrale hydroélectrique de Montjovet développe une puissance de 50 MW. Construite en 1914, elle fut agrandie et modernisée en 1966.
Du hameau de Balmaz, la fin d'étape ne devrait plus être qu'une formalité. Il reste à peine deux kilomètres avant l'arrivée dont un kilomètre sur du plat, et le final en descente.
Mais alors que je suis engagé depuis deux cents mètres sur le chemin, un panneau m'indique que "la Via Francigena sera vraisemblablement fermée du 29/08 au 29/09/2022". Mais que veut dire "vraisemblablement" ?
Parmi ses synonymes, on trouve "probablement", ou "possiblement". Ce n'est donc pas sûr.
Un rapide coup d'œil à la carte me montre qu'il faudrait que je fasse demi-tour pour descendre au fond de la vallée, puis que je longe la route principale en direction de Montjovet. Inconcevable pour moi.
Je choisis donc de continuer, d'autant que le chemin est très beau. Hélas, au bout de 500 mètres, il n'est pas "vraisemblablement" barré, mais réellement barré !
Me voilà donc mûr pour faire demi-tour, et vite, car mon GPS n'affiche plus que 3% de batterie et je n'ai pas la possibilité de le recharger !
N.B. : le 17 avril 2023, le chemin était à nouveau ouvert.
Après le détour mentionné plus haut, je rejoins la Via Francigena à la sortie de Toffo.
Cette fois, c'est sûr, il ne me reste plus qu'à descendre pour gagner le centre de Montjovet et terminer ainsi cette étape exigeante physiquement mais ô combien spectaculaire !
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Si vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D, c'est ci-dessous. Attention qu'elle reprend toutefois le détour que j'ai dû faire dans le final.
Appréciation du parcours :
Comme dit en préambule et encore ici un peu plus haut, cette étape entre Nus et Montjovet est très exigeante physiquement. Surtout si elle vient après une série d'autres étapes.
Quoiqu'il en soit, on profite en permanence d'un cadre majestueux qui nous fait vite oublier les portions peut-être trop nombreuses mais jamais très fréquentées de routes asphaltées.
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Comment rejoindre cette étape ?
Le bus reste le meilleur moyen collectif et bon marché de circuler dans la Vallée d'Aoste. Il ne faut pas compter sur sa ponctualité mais il y en a régulièrement.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi sauf à l'approche de Montjovet où je n'ai pas mis le détour que j'ai dû faire pour cause de travaux.
!!! Attention, nous sommes en montagne et le GPS peut perdre en précision. C'est pourquoi vous constaterez sans doute que la trace GPX ne correspond pas toujours avec le tracé des chemins sur la carte.
Soyez prudents si vous effectuez le parcours. Ne vous aventurez pas là où vous auriez un doute et suivez toujours le balisage du sentier !!!