9 Septembre 2022
Cette étape entre Montjovet et Pont-Saint-Martin est une dernière à plusieurs titres.
C'est la dernière de la semaine, la dernière de cette série estivale de dix étapes, et la dernière parcourue entièrement dans la Vallée d'Aoste. En effet, la prochaine étape me verra arriver dans le Piémont. Mais ça, ce sera pour le printemps 2023, si tout se déroule selon le plan !
Aujourd'hui, il me reste donc 22 kilomètres à parcourir avant de pouvoir rentrer à la maison. Une étape au profil un peu particulier puisque tout l'effort se porte sur le premier quart du parcours. Après, il ne restera plus qu'à gérer la distance.
De retour à Montjovet, donc, pour le départ de cette étape. Du creux de la vallée, nous ne pouvons manquer d'apercevoir l'église de la Nativité de la Vierge perchée sur un éperon rocheux. C'est d'ailleurs là que nous retrouvons la Via Francigena.
L'église, consacrée en 1830, est remarquable par son campanile séparé.
Nous n'avons pas le temps de nous échauffer.
Le superbe chemin de montagne propose rapidement une déclivité moyenne de 10 à 15% pendant les neuf cents premiers mètres. C'est physique, mais quel environnement !
Puis, nous récupérons une petite route asphaltée pendant 500 mètres pour passer au-dessus du hameau de Creston.
Nous continuons à prendre de la hauteur pour un panorama encore plus impressionnant.
Nous quittons la route pour rejoindre le sommet de la randonnée à 555 mètres d'altitude par un véritable mur. Jugez plutôt. Sur une distance de 160 mètres, nous grimpons de 42 mètres, soit une pente à 26,25% ! Ouch !
Le sommet se trouve à quelques encablures de Reclou, un hameau de Montjovet. Un véritable havre de paix dans la montagne comme il y en a des dizaines en Vallée d'Aoste.
Le hameau dépassé, ce sont 2,5 kilomètres d'un parcours absolument magnifique qui nous attendent. Jusqu'au-dessus de Torille, cette fois sur la commune de Verrès, le chemin serpente en pleine nature.
Certes, on se "paie" la deuxième difficulté de la journée mais c'est tellement beau et varié qu'on n'y prête aucune attention. Pour moi, c'est le paradis !
En revanche, la descente vers Torille... 500 mètres à plus de 15%... ouille... ouille... ouille... Celle-là, vous la sentirez passer ! Surtout dans sa partie pavée où il faut se retenir pour ne pas glisser. Et là, bonjour les genoux et les quadriceps...
Après avoir contourné le hameau de Torille par le nord, nous arrivons à Verrès en longeant la route nationale 26, en contrebas de l'autoroute A5.
Ce n'est pas le plus fun mais le trottoir est séparé de la chaussée par une haie. On s'y sent donc en sécurité. Et vu la présence de bancs, c'est d'ailleurs le moment que je choisis pour casser la croûte.
On traverse ensuite Verrès par la Via Caduti per la Libertà - soit la Rue des Morts pour la Liberté, en français - jusqu'après l'Évançon, un affluent de la Doire Baltée.
Sur le parcours, on peut en premier lieu apercevoir la Prévôté de Saint-Gilles, à gauche, en hauteur. Les bâtiments, élevés entre le XIè et le XVIIIè siècle, abritent un couvent des chanoines réguliers de Saint-Gilles.
Le couvent tient son nom de prévôté du fait que, jusqu'au début du XIXè siècle, il était dirigé par un Prévôt.
Verrès est une jolie petite ville, chaleureuse, aux murs colorés et parfois ornés de peintures. Sans doute distrait par ces merveilles, je n'ai pas remarqué qu'il fallait prendre à droite après la petite chapelle San Rocco !
C'est donc par le chemin des écoliers et non par la Via Francigena que j'atteins la rive gauche de la Doire Baltée...
N.B. : Il existe une variante au départ de Verrès qui aboutit au même endroit sur la Doire Baltée mais en empruntant la rive droite par Issogne. Se référer à l'application Via Francigena.
Du pont qui mène à Issogne, nous longeons la Doire Baltée sur la rive gauche. C'est la première fois, si mes souvenirs sont bons, que nous la côtoyons de si près.
Au bout de 1,5 kilomètre, nous retraversons la plaine alluviale pour retrouver le pied du flanc de la vallée.
Dans le hameau du Clos de Barme, un énorme pressoir à vin datant vraisemblablement de 1804 nous donne une bonne indication de l'activité pratiquée dans cette partie de la vallée depuis des siècles.
Ici, le vin et le fromage étaient conservés dans des cavités naturelles fermées par des ouvrages en maçonnerie. Ainsi, l'origine du nom "Barme" vient de balma qui signifie "abri sous roche".
À Arnad-le-Vieux, j'espère que vous aurez plus de chance que moi et que vous pourrez visiter l'église paroissiale Saint-Martin. Lors de mon passage, des funérailles s'y déroulaient. Ce n'était pas le bon moment pour y entrer.
La construction de l'église remonte au XIè-XIIè siècle et, malgré les nombreuses transformations subies, en particulier au XVè, elle reste un excellent exemple de l'architecture romane dans la Vallée d'Aoste.
Elle possède des fresques exceptionnelles, dont "Saint-Georges terrassant le dragon", qui ne sont hélas pas visibles par le public pour des raisons de sécurité.
Après Arnad, nous retournons sur les bords de la Doire Baltée...
... pour y admirer le pont antique d'Echallod.
A l'époque médiévale, il existait déjà un pont à cet emplacement mais sa structure était en bois. C'est seulement en 1758 qu'on mentionne la construction d'un pont en pierres après que le pont précédent fut endommagé lors d'une catastrophe naturelle survenue en 1755.
Il subit régulièrement des dégâts dus à diverses crues et les réparations ne sont pas toujours des plus heureuses. Ainsi, lorsqu'il est fortement endommagé lors d'une crue en octobre 2000, certaines parties sont déjà en béton.
Aujourd'hui, rénové dans les règles de l'art, il affiche toute sa beauté originelle grâce à un financement du Conseil Général de la Haute-Savoie.
Pour la première fois, et là j'en suis sûr, nous franchissons la Doire Baltée pour évoluer sur sa rive droite. Bon, ce n'est pas le passage le plus fun de cette étape.
Ça commence par un kilomètre sur une route asphaltée sans charme avant de longer l'autoroute A5 pendant 1,5 kilomètre. Une ligne droite qui paraît très longue avec pour seule distraction la chapelle Saint-Crat.
Une chapelle bâtie entre 1722 et 1733 dont l'existence fut souvent contrariée, notamment par les nombreuses inondations qu'elle eut à subir. Laissée des décennies à l'abandon, elle fut récemment restaurée.
Mais, néanmoins, tout au bout de la ligne droite, quelque-chose suscite la curiosité et invite à presser le pas. Qu'est-ce donc sur cette formation rocheuse qui barre la vallée ?
Avant de découvrir ce qui barre l'accès de la vallée, Hône nous dévoile sa si particulière église paroissiale dédiée à Saint-Georges.
Il existait déjà ici une église en 1176 mais les archives parlent d'une reconstruction au début du XVIIIè siècle. Le passage sous l'église date-t-il de cette période où fut-il aménagé à l'occasion d'autres transformations qui intervinrent plus tard ? En 1833 peut-être ? Mystère... mystère...
Continuant notre chemin à travers Hône, les choses se précisent. Un fort couronnerait donc ce promontoire rocheux aperçu de loin !
En sortant d'Hône, nous buttons sur le torrent Ayasse. Mais c'est surtout le fort de Bard qui attire l'attention. Comme je lui réserve un article après le récit de cette étape, je n'en parlerai pas ici.
Hône et Bard sont séparés l'un de l'autre par la Doire Baltée que nous franchissons sur un pont probablement d'origine romaine bien qu'il ne soit mentionné pour la première fois qu'en 1272.
À noter qu'il fut appelé tour à tour Pont de Bard ou Pont de Hône. En tout cas, quel que soit son nom, on y bénéficie d'une vue superbe sur le fort et la vallée !
Le village de Bard est construit dans l'anfractuosité entre le fort et la montagne. On le remonte jusqu'à la Piazza Cavour en suivant l'ancienne chaussée romaine.
Tout semble avoir ici été figé dans le temps. Vingt-cinq maisons des XVè-XVIè siècles sont d'ailleurs classées monuments historiques.
L'église paroissiale Notre-Dame de l'Assomption, sur la Piazza Cavour, existe depuis le XIIè siècle mais son plan actuel à nef unique remonte au milieu du XIXè siècle. L'intérieur est richement décoré.
D'une superficie de 3 hectares, Bard est la plus petite commune de la Vallée d'Aoste. On a donc tôt fait de la quitter.
Là, en l'occurrence, nous nous dirigeons vers Donnas. Redescendue au niveau de la rivière, la Via Francigena longe pendant un moment le canal d'adduction d'eau de la centrale électrique, avant de revenir plus loin sur l'ancienne voie romaine restée ici dans son jus.
En effet, sur deux cents mètres, nous progressons sur l'ancienne Route des Gaules reliant Rome à Aoste et taillée dans la roche, comme l'immense arche de quatre mètres de haut ! Imaginez le travail que cela a dû être voici plus de 2.000 ans...
Nous entrons dans Donnas par le vieux bourg médiéval, en commençant par la chapelle Saint-Ours. Nous en sortons à l'est par la vieille porte, vestige de la muraille qui protégeait la ville autrefois.
Sortis du vieux bourg, nous franchissons le torrent Bellet et là se pose un dilemme. Si l'application Via Francigena, et donc mon GPS, m'indique de continuer tout droit, le fléchage m'envoie vers la gauche à l'assaut de la montagne.
En examinant la carte et le paysage, on imagine sans peine que ce serait plus joli et sans doute spectaculaire de prendre à gauche comme le fléchage le suggère. Mais voilà, je suis fatigué et je n'ai aucune envie de m'aventurer sur un chemin que je n'ai pas préparé. Je continuerai donc tout droit.
Bon, disons-le tout de suite, ce n'est pas la partie la plus emballante de l'étape. Trois kilomètres en ligne droite sur un trottoir le long d'une route passante, ce n'est pas ma conception de la randonnée. Mais voilà, il faut bien que j'assume mon choix.
Au passage, on pourra toujours admirer l'église de Saint-Pierre-aux-Liens, une petite chapelle, et puis les ouvertures vers la montagne, avec le vignoble, sont jolies, aussi.
Et puis, enfin, après 22 kilomètres, il est là, le fameux Pont Romain de Pont-Saint-Martin. En réalité, ce pont construit au Ier siècle avant JC porte le nom de Saint-Martin, d'où le nom de la ville qui l'abrite.
D'une longueur comprise entre 31 et 36 mètres selon les sources, il est un des plus grands ponts de ce type au monde. Il relie les deux rives du torrent Lys sans interruption depuis plus de 2.000 ans ! Quel pont moderne pourra en dire autant ?
En tout cas, voilà un beau point final pour cette session estivale sur la Via Francigena. Rendez-vous au printemps 2023 ?
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Si vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D, c'est ci-dessous que ça se passe :
Appréciation du parcours :
Cette dernière étape exclusivement en Vallée d'Aoste commence de magnifique manière. La Via Francigena trace sa voie sur le flanc de la montagne dans une nature sauvage proposant de superbes paysages. Un parcours exigeant mais ce n'est que du bonheur !
Puis, ça se calme. On descend au creux de la vallée et on découvre de charmants hameaux ainsi que la très chaleureuse ville de Verrès. C'est le patrimoine ici qui fait l'attrait, comme le pont antique d'Echallod.
Ensuite, que dire du village de Bard et de son fort !? Un fascinant retour vers le passé qui se continue avec le vieux bourg de Donnas pour se terminer par le pont Saint-Martin !
Oubliée, déjà, la longue ligne droite entre Donnas et Pont-Saint-Martin.
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Le fort de Bard
Ce 29 avril 2023, sur la route du retour de la région de Pavie où je viens de terminer mes dix étapes printanières sur la Via Francigena (à paraître prochainement) cette fois accompagné de mon fils cadet, je ne peux manquer de faire une halte au fort de Bard.
Je n'ai pas la chance de bénéficier de la luminosité que j'ai très souvent en randonnée, mais soit, il faut bien faire avec la météo. D'ailleurs, ça n'a pas découragé les touristes à venir, le parking du fort est complet, m'obligeant à me garer au loin !
Au moins, ainsi, j'aurai une belle photo du fort dans son contexte.
Ainsi que du pont...
Notez que l'accès aux extérieurs du fort est gratuit. Il est donc possible de monter au sommet sans bourse délier. Les ascenseurs semblent toutefois réservés aux visiteurs munis de tickets mais il règne ici une certaine confusion.
D'ailleurs, bien que nous ayons pris chacun un billet à 8 euros qui ne devrait nous donner accès qu'à une exposition, nous pourrons quand même en voir deux. Ne cherchons pas à comprendre...
Construit au XIXè siècle, le fort de Bard défend l'accès au Piémont depuis la Vallée d'Aoste. Initiative de Charles-Félix de Savoie en 1827, il est une des plus imposantes forteresses des Alpes.
Cela dit, le promontoire sur lequel il est bâti était déjà occupé depuis longtemps. On trouve ainsi trace d'une garnison ostrogothe au VIè siècle.
La construction de l'époque subit de nombreux renforcements et modifications au cours des siècles jusqu'à ce que Napoléon passe par ici en 1800. En effet, le 19 mai 1800, son armée de réserve est bloquée pendant deux semaines devant le fort avant que celui-ci rende les armes. Courroucé par la résistance qui lui avait été opposée, il ordonne la destruction du fort.
Depuis le fort, on se rend vite compte de l'importance stratégique de l'emplacement.
On peut cependant le classer dans la longue liste des travaux inutiles puisque ses imposants murs ne servirent au mieux qu'à abriter une poudrière de l'armée italienne de la fin du XIXè siècle à 1975.
Après sept années de restauration, entre 1999 et 2006, le fort offre désormais différents espaces d'exposition et éducatifs à destination des écoles.
L'unique possibilité d'en visiter l'intérieur est d'acheter un billet comprenant l'accès à au moins une exposition. Pour notre part, nous avons trouvé très intéressants les prisons et le musée des frontières que nous avons pu arpenter.
Comme je l'écrivais en tout début d'article, voilà une visite à ne pas manquer si vous êtes de passage dans la région.
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Comment rejoindre cette étape ?
Le bus reste le meilleur moyen collectif et bon marché de circuler dans la Vallée d'Aoste. Il ne faut pas compter sur sa ponctualité mais il y en a régulièrement.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi.
!!! Attention, nous sommes en montagne et le GPS peut perdre en précision. C'est pourquoi vous constaterez sans doute que la trace GPX ne correspond pas toujours avec le tracé des chemins sur la carte.
Soyez prudents si vous effectuez le parcours. Ne vous aventurez pas là où vous auriez un doute et suivez toujours le balisage du sentier !!!