19 Avril 2023
Cette fois, ça y est ! Ça y est quoi ? Nous allons faire le chemin ensemble, Kévin et moi. Et puis, nous y arrivons enfin, dans cette plaine du Pô tant décriée.
Cette étape de Viverone à Santhià, de 18 kilomètres, se déroule en deux temps.
Jusque Cavaglià, soit 4,5 kilomètres, nous traverserons le relief de l'arc morainique d'Ivrea (AMI) dont je vous parlais hier de sa partie nord, la Serra di Ivrea. Ensuite, nous entamerons la traversée de la plaine du Pô qui nous occupera plusieurs jours.
Nous retrouvons la Via Francigena là où nous l'avions laissée hier, c'est-à-dire à l'angle de la Via Roma et de la Via Umberto I.
Viverone se trouve au carrefour de trois provinces : celle de Biella dont elle fait partie, la ville métropolitaine de Turin (anciennement province de Turin), et la province de Vercelli. Raison pour laquelle, de tous temps la ville fut au centre des rivalités entre les dirigeants de ces trois territoires.
L'importance du site est encore soulignée par la découverte, dans les années soixante-dix, des vestiges d'un village lacustre de l'âge du bronze enfouis à une profondeur de deux-trois mètres sous les eaux du lac. Le site est classé au patrimoine de l'UNESCO.
Mais pour l'heure, c'est l'église San Rocco, de style baroque piémontais, édifiée entre 1710 et 1720, que nous découvrons.
Un peu plus loin, juste avant de passer sur le territoire de Roppolo, le cimetière de Viverone interpelle !
Contrairement à nos cimetières français ou belges - en tout cas, je n'y connais pas d'exemple similaire -, les dépouilles ne sont pas enterrées mais placées dans des tombes étagées sur plusieurs niveaux, appelées "loculi (loculo au singulier)" ! C'est impressionnant car cette disposition donne une idée plus parlante du nombre de pensionnaires.
Cette pratique est courante dans les régions, en Espagne et au Portugal aussi, où le sol est difficile à creuser et elle permet également une économie de place.
Avec tout ça, on en oublierait presque la petite église Santa Maria della Cura érigée au bout du cimetière.
Une très courte incursion dans les campagnes entre Viverone et Roppolo nous permet de voir nettement les sommets encore enneigés des Alpes.
Roppolo est une agréable petite cité occupée au moins depuis le IIIè siècle avant JC. Elle est aussi installée à l'extrémité de la Serra di Ivrea.
La viticulture est ici une des activités principales.
L'existence de l'église dédiée à la Vierge du Rosaire est déjà attestée en 1190. Le campanile, lui, a été reconstruit entre 1830 et 1850.
Dominant le village, le château occupe un promontoire sur la Serra di Ivrea. L'emplacement, stratégique, était déjà occupé par les Romains.
C'est toutefois au IXè siècle qu'est construit le château tel que nous le voyons aujourd'hui. Le donjon, non visible du centre du village, date en revanche du Xè siècle.
Puis, au cours des siècles, d'autres bâtiments lui furent adjoints. Bien que propriété privée, le château est ouvert à la visite.
Fort opportunément, la Via Francigena emprunte la Via al Castello qui nous offrira d'autres perspectives sur le château.
Nous pouvons ainsi voir le donjon mais aussi la petite église San Michele Arcangelo édifiée à proximité au XVIè siècle. Elle fut longtemps l'église paroissiale du village.
Via al Castello, nous croisons le monument aux morts puis, un peu plus loin, la petite église San Rocco construite également au XVIè siècle pour protéger les habitants de la peste. Si vous avez lu mes récits précédents, vous commencez à le savoir...
Nous quittons Roppolo par la Via Petiva, une charmante petite route qui sillonne sur le sommet de la Serra.
C'est d'ailleurs ici, peu avant la maison d'Ugo - chuuut ! ne pas déranger ! - que nous passerons par le point le plus haut de l'étape.
En quittant la Via Petiva, nous entrons dans le pays des elfes. Et ils ont bien de la chance de vivre ici, le chemin est magnifique ! Pendant un kilomètre et demi, nous sommes sous le charme !
Tiens, plus que 880 kilomètres avant d'atteindre Rome !
Nous débouchons, à Cavaglià, sur la Via Roma. À l'extrémité sud de la rue, nous apercevons l'oratoire San Rocco.
Il ne doit pas avoir grand intérêt vu qu'il n'est pas référencé. Et, de toute façon, nous quittons la Via Roma avant d'y arriver !
Ce sera beaucoup plus intéressant de visiter l'église paroissiale Saint-Michel Archange, Piazza Parrocchiale !
Construite entre 1779 et 1786, elle est de style baroque tandis que le chœur est rococo. J'adore !
Pour les connaisseurs, l'orgue du XIXè siècle fut réalisé par la famille Serassi, de Bergame. Cette célèbre famille de facteurs d'orgues fut active pendant six générations, de 1720 à 1895.
Continuant notre périple à travers Cavaglià, nous découvrons son château, construit au XVIIIè siècle par la famille Rondolino.
Son style néo-médiéval (du château, pas de la famille) date, lui, de la fin du XIXè quand Ferdinando Rondolino, avocat et historien le fit rénover.
En quittant Cavaglià, nous mettons le pied dans la plaine du Pô. De sa silhouette imposante, l'église Notre-Dame de Babylone semble nous regarder avec compassion. Si si, regardez bien sa lanterne !
Située à proximité du cimetière, cette église de style renaissance repose sur des fondations du XVIIè siècle.
Dans la profondeur, les Alpes nous paraissent déjà bien éloignées de nous.
"Ciao gatto !"
De Cavaglià au canale della Mandria, soit pendant quatre kilomètres, le terrain est encore bosselé.
La Via Francigena traverse la campagne, parsemée de nombreuses fermes : cascina maggiore, cascina cascinetta, cascina Argentina... La liste est longue ! Sur quatre kilomètres, on en compte dix-sept ! Une question se pose alors : de quoi vivent-elles ?
Le canale della Mandria est un canal d'irrigation dont le nom n'a rien à voir avec le parc naturel la Mandria situé au nord de Turin. Son nom vient plutôt de la ferme éponyme, une des plus anciennes - construite en 1741 - et plus fameuses située sur la commune de Santhià.
Le canal franchi, le seul dénivelé rencontré jusque Santhià sera le franchissement de l'autoroute A4 Serenissima reliant Turin à Milan. Nous faisons aussi notre entrée dans la province de Vercelli, toujours dans le Piémont.
Ici, les ingénieurs des Ponts et Chaussées se sont défoulés. Pour descendre du pont, ce n'est rien moins qu'une double boucle de 700 mètres qu'il faut emprunter !!!
La ligne de chemin de fer à grande vitesse Milan - Turin n'est pas, elle, un obstacle puisque nous passons dessous.
Inaugurée le 10 février 2006 après quatre années de travaux, le record de vitesse sur le réseau italien y était battu le 17 mai par un train ETR-500-Y2 RFI à la vitesse de 352 km/hr.
3,5 kilomètres après le canale della Mandria, nous en croisons un autre, le canale Depretis.
Ce canal de 32 kilomètres de long est plus important que le précédent. Collectant les eaux dans la Doirée Baltée, au sud-ouest, il remonte vers le nord-est jusqu'à se jeter dans la rivière Elvo.
Sa construction se termina en 1785. Il fut ensuite élargi à partir de 1859 et c'est en 1958 que furent construits des canaux secondaires destinés à irriguer la plaine de Vercelli.
De ce que nous voyons, jusqu'à présent, la région ne semble pas manquer d'eau...
Un peu plus de deux kilomètres d'un agréable chemin - ce que rendent peut-être mal les photos - nous séparent encore des premières habitations de Santhià.
À l'entrée de Santhià, à l'angle de la Via Monginevro et de la Strada vecchia di Biella, se trouve un petit oratoire contenant une vierge noire.
Il s'agit de la vierge noire d'Oropa à laquelle est consacré un sanctuaire construit au IVè siècle à proximité de Biella par Eusèbe, évêque de Vercelli.
Eusèbe était à l'époque venu convertir les habitants de la région, pour la plupart païens. Il remplaça le culte des divinités féminines païennes par le culte de la Vierge.
Au centre-ville, la collégiale Sant'Agata avoisine la Mairie, sur la Piazza Roma. De l'église romane du XIIè siècle, seuls subsistent la crypte et le clocher.
Santhià étant un carrefour stratégique important, notamment disputé par les Français et les Espagnols à la Renaissance, l'église subit de nombreuses destructions et reconstructions. L'édifice actuel date ainsi de 1836.
Nous mettons un terme à l'étape du jour au carrefour entre le Corso Nuovo Italia et la Via Pietro Mascagni, à deux pas de la gare.
**************
Si vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D, c'est ci-dessous que ça se passe :
Appréciation du parcours :
Comme prévu, cette étape offre un double visage avec la sortie de l'arc morainique d'Ivrea et l'entrée dans la plaine du Pô.
Si la première partie propose logiquement de beaux paysages, et la sublime traversée du pays des elfes, on passe quand même beaucoup de temps sur de petites routes asphaltées. Rien de rédhibitoire toutefois.
Les premiers kilomètres dans la plaine du Pô constituent, eux, une belle surprise. C'est beaucoup plus verdoyant et boisé que ce que nous imaginions. Mais rappelons-le, nous ne sommes que mi-avril. Raison qui explique aussi sans doute la présence d'eau en quantité.
Bref, une belle et agréable étape.
**************
Comment rejoindre cette étape ?
De 1882 à 1933, une ligne de tramway reliait Ivrea à Santhià en passant par tous les villages traversés aujourd'hui sur la Via Francigena. Elle avait été conçue par un ingénieur bruxellois !
Malheureusement, après la Première Guerre Mondiale, la situation économique se dégrade, la ligne n'est plus rentable. Puis, surtout, le tramway souffre de la concurrence du bus qui met 45 minutes au lieu de 2 heures pour relier les deux villes.
Aujourd'hui, il ne reste donc plus que le bus comme transport public pour rejoindre Viverone au départ de Santhià, ou inversement. Il y a toutefois une correspondance obligatoire à Cavaglià.
Dans l'espoir de gagner du temps, nous décidons cependant de prendre le train de Santhià à Salussola, à 5 kilomètres à vol d'oiseau au nord-est de Viverone.
Nous sommes confiants de pouvoir faire cette distance en auto-stop. Trop confiants sans doute puisqu'il nous faudra attendre plus d'une heure en bord de route avant qu'une jeune et gentille infirmière nous prenne en charge jusqu'à notre logement ! Pas facile pour deux mecs de faire du stop dans la région !
**************
Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi.