18 avril 2023 - La Via Francigena d'Ivrea à Viverone

Nous continuons notre découverte du Piémont sur la Via Francigena. Je peux dire "nous" parce que Kévin étant arrivé hier à Montestrutto, nous avons tous les deux mis le pied dans cette région du nord-ouest de l'Italie. L'objectif de pouvoir marcher ensemble à partir de demain semble réalisable.

Pour ma part, je démarre donc d'Ivrea pour rejoindre Viverone en fin d'étape, soit une vingtaine de kilomètres. Même si les Alpes sont maintenant derrière nous, nous connaîtrons encore un peu de relief aujourd'hui.

Départ de la Via Circonvallazione, là exactement où je m'étais arrêté hier, pratiquement au pied du château.

Par la Via Quatro Martiri, nous gagnons rapidement le château. Logiquement installé sur les hauteurs de la ville, on y a un bel aperçu de celle-ci.

Construit de 1358 à 1395, le château d'Ivrea est aussi appelé le "château des tours rouges". Dois-je vous expliquer pourquoi ? Erigé initialement comme ouvrage défensif, il devient résidence des Savoie quand le calme revient sur la région dans la seconde moitié du XVè siècle.

Du XVIè au XVIIè siècle, les luttes entre Français et Espagnols lui rendent son rôle militaire. De 1700 à 1970, il devient prison, avant d'être laissé à l'abandon.

Maintenant propriété de la ville d'Ivrea, il subit d'importants travaux de restauration afin d'être rouvert au public.

A deux pas du château, en empruntant la Via delle Tori, nous découvrons la cathédrale Sainte-Marie de l'Assomption (Duomo di Ivrea).

Sa façade du XIXè siècle ne le laisse pas deviner mais visitez sa crypte et vous découvrirez - peut-être (il faut quand même être un peu expert en la matière) - des vestiges de ce qui devait être un temple romain au premier siècle avant JC.

Vers le début du Vè siècle, à la création du diocèse d'Ivrea, le temple est transformé en église chrétienne. Sous l'impulsion de l'évêque Warmundo, entre 969 et 1005, la cathédrale est agrandie et embellie. De nombreuses parties de l'époque subsistent toujours, comme les deux clochers.

En 1117, un tremblement de terre détruit la cathédrale. Malgré de nombreux travaux d'aménagement, son plan actuel est très proche de ce qu'il devait être à sa reconstruction. Elle a toutefois été allongée au XIXè siècle pour pouvoir accueillir un nombre croissant de fidèles.

À l'intérieur, son style baroque tardif datant de la fin du XVIIIè siècle ne fait pas l'unanimité mais moi j'adore !

Dans la crypte, on découvre un sarcophage romain qui accueillit pendant plusieurs siècles les reliques de San Besso, saint patron d'Ivrea.

On peut aussi y admirer plusieurs fresques ou fragments de fresques datant du XIIIè au XVè siècle.

Un monument incontournable à visiter lors d'un séjour dans la région !

Nous descendons ensuite par la Via della Cattedrale jusqu'à la Via Palestro, l'artère principale, piétonne, du centre-ville d'Ivrea.

Au passage, on jettera un coup d'œil à la Piazza Ferrucio Nazionale au fond de laquelle se trouve l'Hôtel de Ville. Le bâtiment date de 1761.

Dans la Via Palestro, vous pouvez jeter un œil à la chiesa del Santissimo Salvatore. Derrière sa façade anonyme récemment restaurée, vous trouverez un autre exemple de style baroque. Mais c'est moins lumineux qu'à la cathédrale.

L'église daterait du XVè siècle mais il y a très peu d'informations disponibles à son sujet.

Un peu plus loin, la Piazza Carlo Alberto Ottinetti nous accueille, entourée d'un bâtiment du XVIIIè siècle abritant la bibliothèque et l'Office de Tourisme, entre autres.

Tiens, ça tombe bien, l'Office de Tourisme, pour y faire estampiller ma credencial ! Bon, l'accueil n'est pas des plus chaleureux... Trop tôt le matin, peut-être ?

Pour la credencial, il vaut mieux aller au kiosque/point d'information de la Via Francigena sur le Corso Botta. C'est à quelques dizaines de mètres à droite, à la sortie de la Via Palestro.

Là, l'accueil est royal ! C'est vraiment avec beaucoup d'enthousiasme et de plaisir que le personnel s'intéresse à votre parcours. Bon, vous ne couperez pas au formulaire statistiques à remplir mais puisque c'est pour la bonne cause.

D'ailleurs, pour tout vous dire, au moment de rédiger cet article je me rends compte que je ne dispose pas de photo du kiosque ! Hop, un petit mail envoyé à Lorella qui m'avait accueilli et le lendemain j'avais des photos !

Même une photo de moi, et ça c'est collector parce que vous n'en trouverez pas 50.000 !

Nous reprenons la route vers l'est par le Corso Massimo d'Azeglio, quittant ainsi le centre-ville historique.

À noter que la ville s'est agrandie avec l'installation de l'usine de machines à écrire Olivetti en 1908 et encore plus après la seconde guerre mondiale avec l'expansion de la marque dont Ivrea héberge toujours le siège social.

Fin des années quatre-vingt-dix, la situation économique à Ivrea se dégrada à la suite du déclin de l'empire Olivetti mais ça c'est une autre histoire...

Au moment de quitter le Corso Massimo d'Azeglio pour emprunter la Via Cascinette, on admirera la belle façade de la chiesa di San Lorenzo.

De l'église, il nous reste à marcher un kilomètre en agglomération avant de déboucher dans les campagnes sur une petite route asphaltée.

Au bout de trois kilomètres de randonnée, Cascinette d'Ivrea est en vue. Mais le plus remarquable est certainement cette haute colline rectiligne en arrière-plan.

C'est la Serra di Ivrea, une formation morainique. Ici, une petite leçon d'Histoire et de géologie s'impose.

Au Pliocène, soit voici 5,332 millions d'années, la mer arrivait jusqu'à la vallée d'Aoste qui était occupée par un glacier.

Au Pléistocène, la Terre connut un refroidissement climatique et le glacier de la vallée d'Aoste se mit à croître et à s'étendre vers la mer, entraînant des roches et des sédiments avec lui. Freinés par les eaux de la mer, ceux-ci se sont ainsi accumulés en arc de cercle autour du glacier, la Serra di Ivrea en constituant la partie nord. Là, nous étions entre 2,58 millions d'années et 11.700 ans.

Aujourd'hui, le glacier a disparu mais les sédiments sont restés. La Serra di Ivrea mesure 20 kilomètres de long et atteint une hauteur maximale de 600 mètres par rapport à la plaine. Elle est la plus grande formation géologique de ce type en Europe.

La Via Francigena rejoint le Lago di Campagna, qu'elle longe par le sud. Il s'agit d'un lac glaciaire, comme tous les lacs situés autour d'Ivrea. Cela signifie qu'il occupe une zone d'érosion laissée par le glacier.

Je ne serai pas seul à découvrir ce lac car, sortant du bois tel un bandit de grand chemin, une jeune femme m'interpelle en anglais avec un accent hollandais caractéristique !

Effectivement, Lotte, c'est son prénom, est une jeune aventurière hollandaise de Harlem, dans les environs d'Amsterdam. Elle est venue parcourir deux ou trois étapes sur la Via Francigena avant de partir randonner en Tchéquie !

Nous ferons un petit bout de l'étape ensemble, le temps pour moi de rafraîchir quelque peu mon néerlandais, puis elle disparaîtra aussi soudainement qu'elle est apparue !

Du lac nous rejoignons le pied de la Serra di Ivrea à Burolo, d'abord par un beau chemin traversant de récentes plantations d'arbres se prêtant particulièrement bien au jeu des perspectives...

... puis par une petite route asphaltée, la Via Maresco, et enfin par la Strada Provinziale 76 pour gagner Burolo où je retrouve Lotte pour casser la croûte ensemble !

Burolo est divisé en deux parties, une sur le flanc de la Serra, l'autre dans la plaine.

La Via Francigena s'infiltre entre les deux en passant à hauteur de la chiesa San Rocco e San Sebastiano construite au XVIIIè siècle pour protéger les habitants de la peste. Puis le long du cimetière et son monument aux morts.

Ensuite, presque sans transition, nous traversons la petite ville de Bollengo et sa chapelle... San Rocco !

À part ça et quelques maisons colorées qui mettent un peu de chaleur dans un gris dominant, il n'y a pas grand-chose à relever.

Nous sortons de Bollengo par la plaine au pied de la Serra d'Ivrea. Pivotant sur nous-mêmes, le regard est attiré par les Alpes et la Serra. C'est vraiment très beau, surtout quand on reprend de la hauteur, même si les Alpes se font maintenant petites sur l'horizon.

Et puis, il y a cette église accrochée au flanc de la Serra qui interpelle. Chance, la Via Francigena nous y conduit !

Trônant sur le flanc de la Serra, l'église des Saints Pierre et Paul fut construite autour de l'an 1.000 dans le village de Pessano. Mais, rapidement dépeuplé, le village disparut, ne laissant que l'église appartenant désormais à la municipalité de Bollengo.

À l'intérieur, subsistent des fragments de fresques du XVè siècle.

En route vers Palazzo Canavese, nous continuons à prendre de la hauteur sur la Serra.

Cela nous permet d'apercevoir, sur l'horizon, la partie sud de l'arc morainique qui, moins régulier, ne porte pas de nom.

Au bout d'un kilomètre et demi à arpenter le flanc de la Serra, et à avoir apprécié le paysage, nous redescendons dans la plaine.

Via Bollengo, à l'entrée de Palazzo Canavese, un certain Diulio a aménagé un petit espace de repos pour les pèlerins et les voyageurs. Charmante attention !

Je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer mais je lui ai volontiers laissé un petit mot, tout est prévu pour ça. Et pour estampiller votre credencial aussi...

Palazzo Canavese est une jolie petite bourgade.

Son église San Genesio date du XVIIIè siècle, à l'exception de son campanile qui appartenait à l'église précédente détruite pour laisser place à la nouvelle.

Elle abriterait une partie des reliques de Saint-Genès de Rome (en français), mime et comédien converti au christianisme au IIIè siècle et martyr romain.

Son histoire, étonnante, vous intéresse ? Lisez l'article ci-dessous :

Deux kilomètres de route nous attendent ensuite pour rejoindre Piverone.

C'est la partie la plus difficile de l'étape du jour, celle où nous rencontrons les plus forts pourcentages de pente. Pas la plus agréable, aussi.

L'ancienne chapelle San Genesio fut probablement érigée vers 1600 sur les ruines d'une précédente chapelle. A l'époque, on se trouvait ici à Mediavilla mais le village connut le même destin funeste que Pessano et disparut complètement.

Traversant Piverone par la Via Giovanni Flecchia, il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer la superbe tour-horloge du XIIIè siècle.

A cette époque, le territoire est donné aux consuls de Vercelli qui fortifient la ville en prévision d'une expansion vers Ivrea. La tour-horloge est, avec deux autres tours moins bien conservées, un vestige de ces fortifications.

Au bout de la rue, nous découvrons l'église des Saints-Pierre-et-Laurent.

À l'origine de style roman, au XIIIè siècle, l'église subit diverses modifications à travers les siècles pour adopter finalement un style baroque-rococo.

Elle serait riche en œuvres d'art mais, fermée, j'ai dû me contenter d'aller exercer ma curiosité sur le puits se trouvant à son pied.

S'il faudra encore se satisfaire d'un kilomètre sur asphalte, c'est avec un immense plaisir que nous retrouvons enfin un véritable chemin de randonnée !

Conduisant vers le Gesiùn à travers les vignes, il offre aussi de belles vues sur la plaine, et le lac de Viverone, signe d'une arrivée proche.

L'endroit est tellement beau que le viticulteur du coin y a aménagé un petit espace de repos pour le voyageur ! Alors, même si l'arrivée n'est plus qu'à 4 kilomètres, je ne vais pas me gêner pour en profiter !

Regardez la vue que nous avons d'ici !

"Mais qu'est le Gesiùn ?", devez-vous vous dire depuis tout à l'heure. Patience, nous y arrivons.

C'est tout simplement le nom piémontais donné à une petite église romane en ruines, à Torrone, un hameau en limite de Piverone. Elle aurait été construite entre la fin du Xè et le milieu du XIè siècle. Même si certains archéologues pensent qu'elle pourrait être encore plus ancienne.

Son architecture particulière ne se retrouverait que dans l'église de Santa Maria di Mili, en Sicile. Elle aurait été l'église Saint-Pierre du village de Livione, aujourd'hui disparu.

Le voyage enchanteur se poursuit vers Viverone même si nous finissons par retrouver une route asphaltée. Le paysage est magnifique et on ne boude pas son plaisir, n'est-ce pas ?

C'est peu avant le village qu'on obtient les plus belles vues sur le lac. Mesurant plus ou moins 3,5 kilomètres sur 2,5, il est le troisième plus grand lac du Piémont.

Toutefois, en arrivant à Viverone, nous changeons de province. Alors que nous étions jusqu'ici dans celle de Turin, là nous sommes dans la province de Biella.

Comme la plupart des lacs de la région, le lac de Viverone est d'origine glaciaire. C'est dans un chalet sur sa rive, dans ce cadre superbe, que Kévin et moi avons établi nos quartiers pour quatre nuits.

L'étape du jour se termine à l'angle de la Via Umberto I et de la Via Roma.

Dans la Via Umberto I, une minuscule église du XVIIè siècle est dédiée à San Defendente, un soldat thébain qui aurait refusé de renier le christianisme pour se vouer à l'empereur romain Maximien.

Il aurait été tué à Saint-Maurice lors du massacre de la légion thébaine. Vous vous rappelez ? J'en ai parlé lors de mon étape du 31 août 2022 !

Un peu plus loin, face à la mairie, se trouve une autre église. Celle des Saints Fabiano et Sebastiano. Elle aurait été construite au XVIè siècle pour protéger les habitants d'une épidémie de peste. Particularité : il s'agit d'une église privée appartenant à la famille Tarello !

Voilà, c'est fini pour aujourd'hui ! Ce soir, Kévin sera aussi arrivé à Viverone, nous pourrons continuer notre périple ensemble dès demain.

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Si vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D, c'est ci-dessous que ça se passe :

Appréciation du parcours :

Voilà une étape riche pour le randonneur intéressé par le milieu qui l'entoure.

Riche en termes de patrimoine à Ivrea, riche sur le plan géologique ensuite, riche par la beauté des paysages même si, bien sûr, ça n'a plus rien à voir avec les Alpes !

Trop de routes asphaltées empruntées, aussi, mais peut-on faire autrement ? Ceci n'est pas une plainte, mais c'est juste pour que vous sachiez à quoi vous attendre.

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Comment rejoindre cette étape ?

De 1882 à 1933, une ligne de tramway reliait Ivrea à Santhià en passant par tous les villages traversés aujourd'hui sur la Via Francigena. Elle avait été conçue par un ingénieur bruxellois !

Malheureusement, après la Première Guerre Mondiale, la situation économique se dégrade, la ligne n'est plus rentable. Puis, surtout, le tramway souffre de la concurrence du bus qui met 45 minutes au lieu de 2 heures pour relier les deux villes.

Aujourd'hui, il ne reste donc plus que le bus comme transport public pour rejoindre Ivrea au départ de Viverone, ou inversement.

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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi.