20 Avril 2023
Changement radical de météo, ce jeudi matin ! Le ciel est à la pluie et un vent froid s'est levé sur la plaine du Pô.
Une longue étape de près de 30 kilomètres entre Santhià et Vercelli nous attend. Mais regardez la courbe de dénivellation, pour autant qu'on puisse appeler cela une courbe ! Aussi plate, je ne pense pas que nous ayons déjà connu sur la Via Francigena.
Les seuls dénivelés que nous connaîtrons sont les passages au-dessus de la ligne de chemin de fer Santhià - Vercelli.
Et justement, c'est tout de suite après le départ que nous devons franchir pour la première fois le chemin de fer, à proximité de la gare de Santhià.
Nous quittons Santhià par le Corso Vercelli, jouxtant un canal d'irrigation, le Naviglio di Ivrea.
Long de 77 kilomètres, ce canal capte l'eau de la Doire Baltée au cœur même d'Ivrea pour la restituer (du moins ce qu'il en reste) dans la Sesia, à Vercelli.
Il faut toutefois noter qu'à sa construction, en 1468 (!), il avait aussi été conçu, en plus de son rôle d'irrigation, pour relier Ivrea à Vercelli par voie navigable.
En bout de rue, nous découvrons la petite et impersonnelle église San Rocco...
1.100 mètres après le départ, nous passons une deuxième fois au-dessus du chemin de fer. L'occasion de nous faire une idée de ce qui nous attend.
Waterloo est loin, mais la morne plaine est là, toute proche, semble-t-il !
3,7 kilomètres et quatre fermes après le pont de chemin de fer, nous arrivons à l'imposant - tout est relatif - canale Cavour.
Nous nous surprenons à aimer ce chemin de campagne agréable sous nos pas. Nous regardons avec attention ces fermes qui souvent ne paient pas de mine, à la limite même du délabrement parfois.
Avec cette question lancinante depuis que nous sommes entrés dans la plaine du Pô : si toutes ces fermes sont toujours en activité, de quoi ces gens vivent-ils ?
Inauguré le 12 avril 1866, le canale Cavour est le deuxième plus long canal d'Italie après le canale Villoresi. Il mesure 82 kilomètres entre le Pô, à Chivasso, et le Tessin, à Galliate.
Il a la particularité de croiser tous les cours d'eau principaux qui traversent la plaine du Pô, passant sous quatre d'entre eux par des ponts-siphons et au-dessus des quatre autres, dont la Doire Baltée, par des ponts-canaux.
Il doit son nom à Camillo Cavour, Président du Conseil du Royaume de Sardaigne, important acteur de l'unité de l'Italie au même titre que Garibaldi et Victor-Emmanuel II, pour ne citer que les plus connus.
Sur le pont surplombant le canal, nous faisons la connaissance de Maayan et Ram, un charmant couple d'Israéliens parcourant quelques étapes de la Via Francigena - de Châtillon à Vercelli, pour être précis - avant de repartir sillonner l'Europe avec leur camping-car.
Ne marchant pas au même rythme, chaque binôme repart de son côté mais nous aurons l'occasion de nous recroiser aujourd'hui à différentes occasions.
Les deux kilomètres entre le Canale Cavour et San Germano Vercellese n'apportent rien de nouveau.
Nous entrons dans San Germano Vercellese par le quartier de la gare et, le moins que l'on puisse dire, c'est que le village est bien triste avec toutes ses maisons et bâtiments aux murs décrépis.
Et on ne peut pas dire que l'église San Germano y mette de la couleur. Construite de 1754 à 1760, consacrée en 1764, l'édifice à l'intérieur sombre remplace une église dont on retrouve la première trace au XIè siècle.
Le campanile, à gauche, est un vestige de l'ancien château.
Elle abrite depuis 1813 la dépouille du bienheureux Antonio della Chiesa, prêtre natif de la commune et ardent défenseur de l'unité de l'Église.
La Via Francigena traverse le village du nord au sud pour rejoindre le Naviglio di Ivrea.
Après San Germano Vercellese, la Via Francigena s'écarte de la Strada Provinciale 11 vers le sud pour traverser les premiers champs inondés, rizières en devenir.
C'est magnifique, impressionnant tant les étendues sont vastes, mais c'est ici aussi que réside une des raisons de l'assèchement du Pô, critique depuis quelques années.
Car tant l'eau prélevée dans les cours d'eau que l'eau pluviale pénètrent rapidement et profondément dans un sol essentiellement composé de sable et de graviers. Quand elle ne s'évapore pas sous l'action de la chaleur.
Un spectacle qu'il ne faut pas tarder à venir voir car les fermiers, contraints par des raisons économiques, commencent à se réorienter vers des cultures moins exigeantes en eau.
La culture du riz est pourtant ici une longue tradition. Saviez-vous que l'agencement des rizières avait été dessiné par Léonard de Vinci au XVè siècle ?
Appréciant les marécages, il n'est pas étonnant d'observer des Ibis sacrés.
Cet oiseau vit cependant normalement essentiellement en Afrique subsaharienne mais il a été introduit accidentellement dans plusieurs pays d'Europe où il est maintenant considéré comme espèce envahissante.
Un petit tronçon de deux cents mètres entre Naviglio di Ivrea et SP11 nous permet de revenir au nord de cette dernière.
La Via Francigena nous ramène à travers la plaine - le fléchage est parfois surprenant - vers la ligne de chemin de fer où nous profitons de l'abri d'un pont pour casser la croûte. Il n'a pas encore plu depuis le départ mais le vent froid est toujours bien présent !
Nos amis Maayan et Ram en profitent pour nous redépasser...
Puis nous quittons la ligne de chemin de fer pour nous diriger vers Castellone.
Castellone est, en italien, une "tenuta", c'est-à-dire une grande ferme. Alors là, pour être grande, c'est sûr qu'elle l'est ! J'aurais même dit gigantesque !
C'est là que nous retrouvons pour la dernière fois Maayan et Ram. Bon voyage à vous deux !
Le trajet entre Castellone et la chiesa di Santa Maria del Caminno, à Cascine Strà nous fait encore passer à travers des rizières. C'est sans doute difficile à croire mais, en ce qui nous concerne, nous sommes sous le charme.
À hauteur de la petite église, un panneau nous apprend que deux chemins sont possibles pour gagner Vercelli par la Via Francigena.
Soit traverser Cascine Strà et nous diriger "directement" vers Vercelli, soit éviter Cascine Strà par le sud et traverser Montonero avant de rejoindre Vercelli.
La seconde option est plus longue d'un kilomètre mais permet de voir le château de Montonero. C'est ce que nous avions décidé de faire au départ et nous ne changeons pas d'avis.
Il y a effectivement un château à Montonero, mais plutôt une ferme-château. Et nous n'en apprendrons pas plus...
De Montonero, il reste cinq kilomètres à travers la plaine pour atteindre Vercelli...
Nous ne rejoindrons pas l'arrivée sans échapper à la pluie, malheureusement ! Damned ! Nous n'avions pourtant plus que cinq kilomètres avant d'atteindre l'arrivée...
N'ayant de toute façon aucun endroit pour nous abriter, nous n'avons d'autre choix que de continuer à avancer. Puis bon, ce ne sont pas quelques gouttes de pluie qui vont arrêter deux hommes courageux et volontaires ! Surtout moi...
Tiens... Un Décathlon à l'entrée de Vercelli... Je pense qu'il va bientôt recevoir notre visite...
Ah, petite précision. Normalement, nous aurions dû rejoindre la route principale SP11 avant le Décathlon mais nous avons préféré continuer sur cet axe secondaire pour éviter le bruit de la circulation automobile.
La traversée de Vercelli, pour gagner la Piazza Camillo Benso Conte di Cavour, arrivée de notre étape, est longue, très longue. 2,6 kilomètres !
Heureusement, Vercelli est une belle ville, chargée d'histoire, au riche patrimoine. Je vous en parlerai plus en détails en fin de récit de l'étape de demain.
Sur le parcours de la Via Francigena, on notera la petite église Regina Pacis, la Piazza Pietro Pajetta avec son monument à Vittorio Emanuele II, la chiesa di San Giuseppe et sur la belle place d'arrivée, la statue de Camillo Cavour mais aussi la Torre dell'Angelo, un des symboles de la ville.
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? Ça se passe ci-dessous :
Appréciation du parcours :
Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous avons réellement apprécié cette étape qui se déroule majoritairement sur de très beaux chemins.
Évidemment, sur un parcours totalement dénué de couvert, notre appréciation serait probablement différente si nous avions dû le faire sous un soleil de plomb. Disons alors que, pour une fois, le mauvais temps aura été notre allié.
Sinon, quel contraste entre les petits villages tristounets et la resplendissante Vercelli !
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Comment rejoindre cette étape ?
Capitale de la province éponyme, Vercelli est bien desservie tant par la route que par les transports en commun.
Elle est ainsi proche des autoroutes A26 et A26/A4 et est le carrefour de plusieurs routes nationales et provinciales.
Elle est aussi directement reliée par voie ferrée à Milan, Turin, Pavie et Biella. Un réseau de bus urbains et de banlieue ainsi qu'un service de vélos en libre-service complètent le dispositif.
Pour cette étape, nous avions laissé la voiture à Santhià où un grand parking gratuit est disponible devant le cimetière, Via Piave, non loin de la gare. En fin d'étape, nous sommes revenus de Vercelli en train.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi.