27 Septembre 2023
Avez-vous vu le profil de cette étape de la Via Francigena entre Lucca à Altopascio ? Je pense qu'il faut remonter aux étapes de la plaine du Pô pour en trouver un qui ressemble autant à un électrocardiogramme plat !
Et à voir toutes les agglomérations traversées, il ne faut pas s'attendre aujourd'hui à un miracle. Même si les lieux de prière ne manquent pourtant pas ici !
Heureusement, affichant moins de 20 kilomètres, le parcours ne devrait pas être un calvaire.
Bien sûr, je reprends mon cheminement sur la Via Francigena depuis la superbe Chiesa di San Michele in Foro mais, arrivé en train à Lucca, je ne peux résister à l'envie de vous partager quelques photos prises en chemin, de la gare à l'église.
Lucca est vraiment une superbe ville d'une richesse extraordinaire au point que je ne comprendrai jamais pourquoi, étant venu à plusieurs reprises dans la région, je n'ai jamais pris le temps de la visiter !
Et ce n'est hélas pas encore cette fois-ci que j'aurai le temps d'en faire le tour...
De retour donc à la Chiesa di San Michele in Foro, encore plus belle qu'hier dans la lumière du soleil levant.
Oh, je ne suis pas très matinal aujourd'hui, mon intention étant d'être à l'ouverture de la cathédrale à 9 heures 30, avant l'arrivée des hordes de touristes.
En chemin, j'ai ainsi l'occasion d'aller jeter un œil à la Chiesa di San Giusto située exactement à mi-distance de la cathédrale. L'église actuelle date de la moitié du XIIè siècle, quand elle fut construite à l'emplacement d'une autre église.
L'intérieur baroque date, lui, du XVIIè et ne doit sa sauvegarde que grâce à l'intervention du Ministère de la Culture. En effet, des travaux de rénovation entrepris dans la première moitié du XXè siècle avaient pour intention de rendre à l'église son intérieur roman.
Avant d'arriver à la cathédrale, Piazza San Giovanni, nous découvrons une autre église. La Chiesa dei Santi Giovanni e Reparata. Quand je vous disais que les lieux de prière ne manquaient pas. Et nous n'avons encore fait que 300 mètres depuis le départ !
C'est au Vè siècle qu'une première église fut construite ici et il était déjà écrit à l'époque qu'elle ne connaîtrait pas un destin commun. Ainsi, dès le VIè siècle, elle sert de cimetière.
Au VIIIè siècle, elle fonctionne de nouveau comme église. Jusqu'au XIIè siècle, elle subit de nombreuses transformations, dont l'ajout d'une crypte, au IXè.
Au XIIè siècle, une nouvelle basilique la remplace. Au début du XIXè siècle, l'administration napoléonienne la transforme en centre d'archives. Mais l'humidité qui y règne rend le bâtiment inadapté à cet usage et elle redevient lieu de culte en 1828.
Bon, je vous ai assez occupés. Il est bientôt 9h30, nous pouvons passer à la cathédrale !
Bon à savoir, l'entrée de la cathédrale est gratuite si vous êtes en possession de la crédenciale de la Via Francigena.
Le premier édifice fut construit au VIè siècle et c'est au VIIIè qu'il reçoit le titre de cathédrale. Il sera ensuite reconstruit en 1060 puis modifié entre les XIIè et XIVè siècles. De style roman à l'extérieur, son intérieur est gothique.
La cathédrale abrite un petit temple octogonal (deux dernières photos ci-dessous) qui héberge la Sainte Face, un crucifix en bois qui aurait été fabriqué par le pharisien Nicodème à l'image de Jésus.
Le crucifix est au centre des célébrations du 14 septembre, jour de la Sainte Croix.
Moins de 400 mètres plus loin, nous rencontrons une autre église remarquable. La Chiesa di Santa Maria Forisportam, de style roman pisan, date du XIIè siècle.
Elle porte le nom de Forisportam parce qu'à l'époque où elle a été construite, elle se trouvait en-dehors des murs de la ville.
Incroyable, mais à nouveau 400 mètres plus loin, nous découvrons cette fois la Chiesa di San Ponziano !
Cette église romane du IXè siècle a d'abord appartenu aux Bénédictins avant d'être attribuée à partir du XIVè aux Olivétains. Olivétains ? Jamais entendu parler ! Il s'agit en fait d'une congrégation monastique de l'Ordre de Saint-Benoît.
Comme les Bénédictins alors !? Oui oui, mais l'ordre des Bénédictins regroupe différentes congrégations monastiques comme les Chartreux, les Célestins, et les Olivétains, entre autres. Le 12 juillet 1893 sera d'ailleurs formée la Confédération bénédictine.
Bon, tout cela pour dire que cette église est désacralisée depuis 2006 et abrite désormais la bibliothèque et le centre de recherche pour les doctorants et professeurs de l'IMT Graduate School for Advanced Studies Lucca.
Nous quittons la vieille ville de Lucca par la Porta Elisa. Elisa pour Elisa Baciocchi Bonaparte, princesse française, sœur cadette de l'empereur Napoléon Bonaparte.
Cette porte, dont la construction dura deux ans, de 1809 à 1811, est la seule réalisation achevée voulue par la princesse dans son désir de transformer Lucca qui ne lui plaisait pas du tout, la trouvant désespérément démodée.
Mais pourquoi n'y avait-il pas de porte avant cela dans le mur est de Lucca ? Là, c'est aisé à expliquer. Tout simplement parce qu'avant l'occupation napoléonienne, la principale menace venait de Florence. Et tout stratège sait qu'on ne met pas une porte du côté de l'ennemi, n'est-ce pas ?
Bon, maintenant que nous avons mangé la cerise, aurons-nous le gâteau ?
400 mètres après la porte - mais 600 mètres après la Chiesa di San Pionzano - nous avons droit à un nouvel édifice religieux, le Monastero-santuario di Santa Gemma Galgani ! Nouvelle au sens propre comme au figuré puisqu'elle fut terminée en 1965.
Ses travaux avaient commencé en 1935 mais ils furent interrompus par la Seconde Guerre Mondiale.
Nous devons ce sanctuaire à Gemma Galgani, une mystique et voyante italienne liée à l'Ordre des Passionnistes. En 1771, dans l'une de ses extases, elle eut la vision du Christ lui demandant avec insistance l'érection d'un nouveau monastère !
Nous traversons la banlieue est de Lucca dans un premier temps par la Via Romana avant de la quitter au bout de 1,5 kilomètres pour emprunter une voie parallèle, la Via dei Paladini.
Même si parfois on a un petit air de campagne, c'est de la ville, rien que de la ville.
La Chiesa di San Michele Archangelo est la dernière église de Lucca sur notre itinéraire. Nous avons parcouru 5 kilomètres exactement depuis le départ.
Construite au XIIè siècle, modifiée au XVIè, son clocher de style baroque tardif, lui, date du XVIIIè siècle.
450 mètres après l'église, le canale Ozzeretto marque la limite entre Lucca et Capannori...
Nous évoluons à la lisière sud de Capannori, sur la Via dell'Immagine Farnocchia, entre campagne et agglomération. C'est du bitume, mais ce n'est pas fréquenté.
À la Via di Ghello, nous bifurquons à gauche pour nous enfoncer en ville.
Via Carlo Piaggia, la statue représente l'explorateur italien qui a donné son nom à cette rue. Il est né le 4 janvier 1827 dans un hameau de Capannori.
Après avoir perdu sa mère, trois frères et deux sœurs à cause du choléra, il décide en 1851 de partir travailler à Tunis et Alexandrie. A l'âge de 29 ans, il se lance dans l'exploration du cours du Nil au départ de Khartoum.
Il passe l'essentiel de sa vie à découvrir l'Éthiopie et le Soudan, où il décède le 17 janvier 1882.
Sur la place principale de la ville, la Pieve dei Santi Quirico e Giulitta nous ouvre ses portes.
Érigée au XIIè siècle, elle ne conserve de l'édifice déjà mentionné en 786 que la façade de la nef centrale. Elle subit ainsi de nombreuses modifications de 1642 à 1897.
Cinq kilomètres séparent le centre de Capannori de celui de Porcari par le chemin des écoliers. Enfin... un chemin de bitume qui nous voit même traverser une zone industrielle...
Bon, on a déjà vu pire. Du côté de Piacenza, par exemple.
En 1913, Porcari obtint son autonomie de la commune de Capannori.
La Chiesa di San Giusto ne se trouve pas à proprement parler sur l'itinéraire de la Via Francigena mais je décide d'y monter, ne fut-ce que pour le point de vue qu'on doit y avoir.
Il y avait d'ailleurs un château sur cette colline, mais il n'en reste plus qu'un mur. Quant à l'église, difficile de remonter jusqu'à son origine, les documents étant contradictoires. L'un parle d'une église dans le château, l'autre d'une église à proximité.
Toujours est-il que celle-ci subit de nombreuses et très importantes transformations au cours des siècles, du XVè au XIXè. Le clocher, lui en tout cas, fut construit entre 1864 et 1870.
Je n'aurai pas pu la visiter mais j'aurai au moins profité du point de vue.
Redescendu de la colline, nous continuons vers l'est par la Via Romana Est pendant 1.800 mètres. Toujours rien de bien enthousiasmant...
Là, nous la quittons vers la droite pour emprunter une petite route qui nous emmène le long d'une zone commerciale...
Détail amusant au moment de quitter la route principale : si vous êtes sur le trottoir de gauche, vous êtes à Turchetto, hameau de Montecarlo. Si vous êtes sur celui de droite, vous vous trouvez alors à Badia Pozzeveri, hameau d'Altopascio.
À la fin de la zone commerciale, ô miracle, nous nous voyons enfin offrir un premier véritable sentier ! Voilà plus de 15 kilomètres que j'attends ce moment ! Alléluia !
Quelques mètres après le début du sentier, la présence d'un mémorial dédié à Cor Vanlaer, un anversois décédé le 4 juin 2015 interpelle. Est-il décédé ici alors qu'il parcourait la Via Francigena ? Avait-il un lien particulier avec l'endroit ? Je n'ai trouvé aucune information à ce sujet...
Le sentier nous emmène à la Badia di San Pietro de Badia Pozzeveri.
La petite église faisait partie d'une abbaye bénédictine dont l'existence remonte au moins jusqu'en 1086.
Les 22 et 23 septembre 1325, l'endroit est le théâtre de la célèbre bataille d'Altopascio entre les Florentins et les troupes de Castruccio Castracani. Celui-ci l'emporta et fut alors nommé Duc de Lucques en récompense par l'empereur Louis IV, dit le Bavarois.
Mais de nombreux raids armés se déroulant dans la région, celle-ci se dépeuple et la communauté monastique abandonne les lieux. L'abbaye est réduite en ruines, à l'exception de l'église.
Quand une nouvelle église est construite dans le centre de Badia Pozzeveri, la Badia di San Pietro est définitivement abandonnée, son mobilier étant transféré dans le nouvel édifice.
Adossé à l'église, on trouve encore aujourd'hui une auberge pour les pèlerins de la Via Francigena, l'Ostello Donativo.
Y faisant une halte, j'ai l'honneur de rencontrer Francesco Lastrucci. Ce photographe de Florence est occupé à faire un reportage sur la Via Francigena pour le Smithsonian Magazine, un magazine réputé publié par la Smithsonian Institution basée à Washington D.C.. Francesco travaille aussi pour d'autres magazines ou journaux, comme le New York Times. Vous pouvez voir son travail sur Instagram.
Et voilà qu'il s'intéresse à mon blog, oui, celui que vous êtes en train de lire. Il me demande alors de lui raconter mon histoire, les raisons de mon périple, et cetera. Une interview, quoi ! Il prend même des photos de moi !
Avant de nous quitter, il me dit qu'il va parler de moi à son rédacteur en chef et que j'aurai peut-être droit à un article dans le magazine ! Waow ! Peut-être même je vais avoir droit au prix Pulitzer ? Ou être en couverture de Time Magazine !?
Et c'est grisé par le succès naissant, par ma future notoriété, ébloui par le crépitement des flashs des appareils photos que je rejoins l'arrivée à proximité de la gare d'Altopascio, 2,5 kilomètres plus loin.
Au diable ce bitume avalé pendant 18 kilomètres pourvu qu'on ait l'ivresse ! (*)
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(*) Dix mois plus tard, au moment d'écrire cet article, je n'ai pas (encore) été contacté par Francesco. Il doit sûrement être très occupé...
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :
Appréciation du parcours :
Cette fois nous aurons eu la cerise, mais pas le gâteau !
Cette étape se distingue principalement par la découverte de Lucca et de son incroyable patrimoine. Cependant, les petites routes empruntées n'ont pas suscité l'ennui que j'ai pu ressentir lors de l'étape Massa - Camaiore, par exemple. Serait-ce dû à un état d'esprit différent aujourd'hui ?
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Comment rejoindre cette étape ?
Lucca et Altopascio sont toutes deux desservies par le réseau ferroviaire, ce qui fait du train le moyen de transport idéal pour arriver ou partir de ces localités.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :