29 Septembre 2023
Après la formidable étape d'hier, la seule question qui se pose est : allons-nous connaître aussi bien aujourd'hui entre San Miniato et Gambassi Terme sur la Via Francigena ?
Une chose est toutefois d'ores et déjà sûre ; Avec son profil en dents de scie, le parcours, long de 24 kilomètres, suscite déjà la curiosité !
Alors allons-y sans plus attendre...
Une autre chose est sûre, il va y avoir du monde sur le chemin. À la gare de Fucecchio - San Miniato, j'ai rencontré un groupe de neuf jeunes universitaires originaires de Bologne et une maman suisse et son fils arrivés en train pour parcourir cette étape. Nous n'avons pas pu monter dans le même bus pour rejoindre San Miniato mais je ne doute pas que nous allons nous retrouver.
Il y a aussi une autre évidence. Même si nous sommes fin septembre, il va faire très chaud !
Avant de prendre le départ, je choisis de visiter la Chiesa di San Domenico, Via Ser Ridolto. Cette église construite en 1330, dont la façade n'a jamais été achevée, ne possède qu'une seule nef.
Elle comportait des chapelles latérales mais celles-ci furent fermées au XVIIIè siècle, à l'exception de celles du presbytère.
Je ne sais pas si c'est à cause de son plan simple ou de sa toiture dépouillée à la charpente apparente mais, personnellement, je considère cette église comme un véritable bijou !
Bon, cette fois, c'est le vrai départ, depuis la Piazza della Repubblica. Tout le petit monde rencontré à la gare m'a déjà rejoint.
Un peu plus loin, la muraille franchie, Via Vittime del Duomo, une terrasse offre un beau point de vue sur les collines au sud de San Miniato. Personne n'y prête attention, me voilà déjà seul !
Encore un peu plus loin, l'imposante silhouette de la Chiesa del Santissimo Crocifisso nous domine. Elle a été construite au début du XVIIIè siècle pour abriter un crucifix du XIIIè considéré comme miraculeux. D'où son nom.
Au bas de la pente, nous aboutissons Piazza Buonaparte. L'occasion de vous dire, si vous ne le savez déjà, que la famille de Napoléon Bonaparte est originaire d'ici.
Napoléon est d'ailleurs venu deux fois à San Miniato. La première, alors qu'il était jeune, pour obtenir un certificat de noblesse nécessaire à son entrée à l'Académie militaire française. La deuxième fois, c'était pendant la campagne d'Italie, en 1796-97, lorsqu'il vint rendre visite au chanoine Filippo Buonaparte, dernier survivant de la branche toscane de la famille.
À la sortie de la place, sur la gauche, se trouve l'Oratorio dei Santi Sebastiano e Rocco, construit en 1524 probablement pour conjurer la peste. Ambiance particulière...
En face se trouve le Palazzo Buonaparte où se déroula la rencontre entre Napoléon et son aïeul.
Le périple à travers San Miniato se poursuit vers l'est.
Attiré par la Chiesa di Santa Caterina, Piazza Venti Settembre, je ne vois pas que la Via Francigena a bifurqué à droite un peu plus tôt. Ce n'est pas grave, on peut toujours rattraper le coup au carrefour suivant.
À sa construction au XIIIè siècle, l'église, qui appartenait à l'ordre des Augustins, était une église-hôpital. Aujourd'hui, elle est toujours adjacente à l'hôpital de la ville.
L'erreur de parcours que j'ai faite ne porte aucunement à conséquence puisque c'est de toute façon la route principale qui sort de San Miniato que nous retrouvons plus loin.
La Via Calenzano est ce qu'on peut appeler une route panoramique. Elle court sur la crête séparant la vallée du Fiume Elsa, à l'est, de celle formée par différents Rios, à l'ouest. En attendant, cette situation nous offre de beaux panoramas !
C'est dans ces vallées, le long des ruisseaux ou sur les coteaux orientés au nord, qu'on récolte la truffe blanche de Toscane qui fait la réputation de San Miniato.
D'abord 5,5 kilomètres d'une petite route asphaltée...
... avant de bifurquer à droite sur un chemin sablonneux, la Via Elsa.
Mais pourquoi un sol sablonneux ici ? Parce qu'il y a trois millions d'années, nous étions ici sur le fond marin. Puis, un lent mouvement de la plaque tectonique continentale a fait émerger les terres que nous voyons aujourd'hui.
C'est ainsi qu'ici, en 1989, le squelette fossilisé d'une baleine, de dix mètres de long, a été découvert et emmené au Musée d'Histoire Naturelle de l'Université de Florence.
Les scientifiques ont même pu établir que la baleine était morte à la suite d'une attaque de requins !
Au bout de 8 kilomètres, Via Cimitero, je rattrape les Suisses occupés à déjeuner à l'ombre. Il fait 35° C, une pause s'impose ! Nous en profitons pour faire connaissance.
Anna, la maman, et Lucas, le fiston, sont venus de la région de Zürich, en Suisse, pour parcourir la Via Francigena de San Miniato à Siena.
Nous papotons une petite demi-heure avant de nous remettre en route...
À Campriano, un hameau aux confins sud de San Miniato, nous trouvons enfin de la vie...
Oups ! Attention ! On regarde avant de traverser !
Au bout de 10 kilomètres, de la Via di Meleto à Castelfiorentino, nous pouvons encore apercevoir San Miniato se découper sur l'horizon.
Entre-temps, nous avons rattrapé un couple d'Américains originaires du Minnesota... pas très bavards...
Nous continuons notre périple Via della Poggiarella sous une chaleur accablante. Rares sont les occasions de pouvoir profiter d'un peu d'ombre.
Au bout de 12 kilomètres, nous quittons le chemin face à la Pieve dei Santi Pietro e Paolo, à Coiano, un hameau de Castelfiorentino.
Sigeric fait référence à l'endroit lors de son voyage retour vers Canterbury mais l'existence de l'église, de style roman Pisan-Volterra, n'est attestée avec certitude qu'en 1029.
On peut observer que, si le bas de l'édifice est en grès, le haut est en briques rouges. C'est le résultat de la reconstruction après l'effondrement des structures supérieures de l'édifice au XIIè siècle.
À l'arrière de l'église, un point d'eau et une aire de pique-nique sont à la disposition des pèlerins. Vu la chaleur, j'y fais une halte pour me ravitailler en eau et y casser la croûte. Les deux autres couples choisissent de poursuivre leur chemin.
Je retrouve au point d'eau les jeunes universitaires bolonais et fais la connaissance de Paul et Heather, un couple de Californiens très sympathique.
Les étudiants marchent au rythme d'une sono tonitruante, comportement que je ne supporte pas. J'estime qu'il y a un temps pour tout et, là, nous ne sommes pas en discothèque !
Je garde donc mes distances et profite des paysages sauvages que nous traversons depuis le départ, même si de temps en temps une habitation en ressort.
Juste avant Il Castellare, une ferme en ruines perdue au milieu de nulle part, un panneau indique un panorama. Les jeunes se sont pour une fois arrêtés pour y prendre des photos. L'endroit n'a pourtant rien d'exceptionnel mais puisque c'est indiqué "Panorama", ma foi...
Je les laisse s'éloigner...
Et alors que je profite du paysage, je vois deux chevreuils grimper le flanc de la vallée ! Je reste immobile au milieu du chemin... Et voilà qu'ils se dirigent vers moi ! Prenez ça comme vous le voulez, mais moi je vois ça comme un cadeau de la nature.
Les jeunes ont pris suffisamment d'avance, je reprends ma progression.
Après Il Castellare, le paysage prend un aspect très particulier ! S'il n'y avait les chaumes, ces tiges végétales qui subsistent après la moisson des céréales, nous nous croirions en plein désert ! Plus du côté est du chemin qu'à l'ouest où la végétation est plus présente, il est vrai.
Quel spectacle étonnant !
Après la Strada Provinciale 46 di Rimorti o di Val d'Orio, nous montons dans les vignes. Le paysage va-t-il perdre son aspect désertique ? Que nenni !
Au détour du chemin, après la ferme de Maremmana Secondo, un panneau "Big bench" attire forcément notre attention. Un grand banc ? Voilà qui est étrange ?
Un étroit sentier nous conduit au sommet de la colline à travers la végétation desséchée, pour nous emmener devant un gigantesque banc... monopolisé par les jeunes Bolonais ! On se croirait dans le film "Chérie, j'ai rétréci les gosses." !
Sans leur faire le moindre reproche, je leur montre les photos des chevreuils qui sont apparus après leur départ. Ça aura suffit pour leur faire comprendre que leur sono n'était pas appropriée. De braves jeunes !
De là-haut on profite d'un superbe panorama.
Du "Big bench", nous descendons jusqu'au Rio Pietroso, après avoir traversé la Strada Provinciale 26. Nous sommes maintenant à Gambassi Terme, l'arrivée approche.
Mais nous avons marché dans une telle fournaise que je suis obligé de frapper à la porte d'une habitation voisine de la rivière pour remplir à nouveau ma poche à eau ! Jamais je n'aurai consommé autant d'eau lors d'une randonnée et visiblement je ne suis pas le seul parce que, d'après l'occupant des lieux, c'est fréquemment qu'on vient le solliciter.
À partir d'ici, le paysage change. Les collines sont couvertes de vignes. Le Chianti fait partie des vins les plus connus produits dans la commune.
Au cas où, deux kilomètres après le Rio Pietroso, en cas d'absence du propriétaire, il existe un point d'eau potable juste avant le carrefour avec la Strada Provinciale 4 Volterrana.
Route provinciale que nous suivons vers le sud, pendant deux autres kilomètres, en direction du village de Gambassi Terme.
J'ai entretemps récupéré tous les jeunes. Nous nous arrêtons au panneau Gambassi Terme, à hauteur de la Pieve di Santa Maria a Chianni. C'est là que nous passerons la nuit prochaine. Pas dans mais derrière l'église, plus précisément à l'Ostello Sigerico.
Nous y retrouvons tous les marcheurs rencontrés ce jour, mais aussi trois Nantais et un Belge qui ne parcourent pas la Via Francigena, mais le Cammino d'Assisi. Je les avais aperçus ce matin à San Miniato lors de la visite de la Chiesa di San Domenico.
Parlant de visite, l'accès à l'église paroissiale est proposé à tous les hôtes de l'auberge. Je ne manque donc pas de découvrir cet édifice roman. Lors de son voyage retour vers Canterbury, en 994, Sigeric fait référence à l'église de Chianni, le hameau où nous nous trouvons, mais il n'est pas sûr que ce soit bien celle-ci.
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :
Appréciation du parcours :
Voilà une étape absolument incroyable ! 24 kilomètres en pleine nature dont les 20 premiers à marcher sur une crête dans des paysages surprenants !
Mais attention à la chaleur car il y a peu d'ombre sur le parcours et la nature du sol, mélange de galets et de sable, l'amplifie. Pendant un long moment, nous ne sommes pas loin d'évoluer dans le désert !
Superbe étape mais physiquement exigeante !
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Comment rejoindre cette étape ?
Il est tout à fait possible de rejoindre San Miniato en bus depuis la gare de San Miniato-Fucecchio mais je n'ai pas trouvé de transport en commun permettant de revenir de Gambassi Terme à San Miniato.
Il faudra donc réserver un hébergement pour la nuit à Gambassi Terme et l'Ostello Sigerico est une proposition intéressante. Surtout qu'on y retrouve l'ambiance sympathique des soirées entre randonneurs où chacun partage ses expériences.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :