Parce que randonner c'est la santé...
10 Avril 2024
Temps de lecture : 12 minutes
Après une étape sous un soleil de plomb hier, c’est la pluie qui nous attend au départ de celle-ci, entre Monteriggioni et Siena (Sienne). Pour ne rien arranger, un vent froid renforce la sensation de fraîcheur ! J’avais pourtant choisi avril pour ce périple printanier, un mois d’ordinaire idéal pour randonner en Toscane. Mais avec le changement climatique, plus rien n’est garanti !
Heureusement le parcours du jour compte presque deux fois moins de kilomètres qu'hier, une longueur bienvenue après la chaleur éprouvante de la veille.
Nous entamons la journée au pied de Monteriggioni, là où nous nous étions arrêtés hier. Dès les premiers mètres, le spectacle est au rendez-vous ! Avant même de franchir les remparts, la montée au milieu des vignes de Chianti nous offre déjà un panorama superbe.
Nous entrons par la Porta Fiorentina, percée dans le mur ouest des imposants remparts édifiés entre 1214 et 1219 par la République de Sienne.
À l’époque, cette forteresse constituait un avant-poste clé pour protéger la ville de sa rivale historique, Florence. Son système défensif, aujourd’hui en partie disparu, incluait des douves remplies de charbon de bois, que l’on embrasait à l’approche de l’ennemi.
Nous faisons un tour du village.
Aujourd'hui paisible, la place centrale de Monteriggioni invite à imaginer son effervescence d'autrefois : des soldats en armure la traversant, des paysans revenant des champs, leurs outils sur l'épaule, des chiens aboyant et des cochons circulant librement, tout cela formant le cœur vibrant d'une vie médiévale aujourd'hui remplacée par un silence presque intemporel.
Une visite à la chiesa di Santa Maria Assunta s'impose.
À l'image du village, construite dans la même période, nous la trouvons dans son état d'origine même si elle a forcément été restaurée depuis.
Anecdote singulière, c'est entre ses murs que furent signés en 1235 des accords de paix entre les villes de Sienne et de Poggibonsi.
Nous complétons la visite par celle du Museo Monteriggioni in Arme jouxtant l'église et partageant le même bâtiment que l'auberge pour pèlerins.
Il est dédié à l'histoire médiévale et expose une collection d'armes et d'armures, offrant un aperçu fascinant de la vie à l'époque.
Pour ceux qui l'ignoraient, comme moi, et pour peu qu'on ait un quelconque intérêt pour les jeux vidéo, c'est aussi l'occasion de découvrir que Monteriggioni est représentée comme le quartier général de la famille Auditore dans Assassin's Creed II et Assassin's Creed : Brotherhood. Le village sert ainsi de base d'opérations pour la Confrérie des Assassins.
Mais Monteriggioni ne s'apprécie pas sans avoir parcouru ses remparts.
Aujourd'hui, sous un ciel de plomb si bas qu'il semble nous envelopper, le village dégage une atmosphère dramatique et fascinante, comme en attente d'une bataille imminente.
Rien à voir avec l'éclat chaleureux et ensoleillé de Monteriggioni tel qu'il est présenté dans Assassin's Creed, où le village brille comme un sanctuaire paisible au cœur de la Toscane. Ce décalage entre le réel et le virtuel rend la découverte d'autant plus mémorable.
Au bout de près d'une heure de visite, nous quittons Monteriggioni par la Porta Franca, aussi appelée Porta Romea.
Autrefois, c’était l’entrée principale, ce qui semble logique : elle se trouvait à l’opposé du village par rapport à l’ennemi siennois !
Nous nous dirigeons plein sud. Avant de pénétrer dans le bois qui couvre la colline voisine, nous jetons un dernier regard sur Monteriggioni. Quel fabuleux départ de randonnée !
Ah... Ben non... Ce n'était pas le dernier regard ! Des coupes effectuées dans le bois nous offrent une seconde chance. Encore bien plus belle !
Le chemin sillonne joliment dans le bois pendant trois kilomètres. Le bonheur total ! D'abord jusque Casella...
Puis, dans sa seconde moitié, par Uccellatoio, une de ces nombreuses fermes isolées qui parsèment la campagne...
Au bout de ces trois kilomètres, nous quittons la forêt pour traverser la vallée en direction de Cerbaia, une autre ferme...
De Cerbaia à Casavecchia, le chemin suit l’orée du bois. Tout va bien, jusqu’à ce que notre progression ralentisse. La scène a tout d’une comédie dramatique. La végétation ? La météo ? Non, le coupable est ailleurs.
Nous découvrons la terre de Sienne mouillée. Elle colle aux semelles, s’accumule en blocs compacts, alourdit chaque pas. Nos chaussures deviennent des poids morts, et avancer demande un effort constant. Il faut lever haut les genoux pour éviter de rester plantés là, scotchés au sol.
Résultat : il nous faudra un bon quart d’heure pour parcourir à peine 600 mètres. La situation est tellement absurde qu’on finit par éclater de rire. Impossible de se prendre au sérieux en pataugeant ainsi, lestés comme des échassiers malhabiles !
Heureusement, à partir de Casavecchia, nous récupérons un chemin normal. Le temps de perdre nos amas de boues collés aux semelles et nous récupérons notre rythme habituel.
En chemin pour La Villa, nous passons à hauteur de la Chiocciola, un château médiéval du XIVè siècle célèbre pour sa tour cylindrique abritant un escalier en colimaçon. Il en tire son nom, "chiocciola" signifiant "escargot" en italien.
Il a joué un rôle stratégique important pendant les guerres entre Sienne et Florence au XIVè siècle.
C'est aussi d'ici que nous bénéficions de la plus belle vue sur le Castello di Villa, un autre château médiéval, identifiable par sa grosse tour carrée. Même si la date de sa construction n'est pas connue avec précision, il fut probablement érigé à la même époque que la Chiocciola, comme en attestent des fresques encore visibles dans la tour.
L'arrivée à La Villa est festive ! Visiblement, le pèlerin est ici attendu. Merci !
Nous aurions bien marqué une pause chez Marcello mais il n'est pas encore midi et la météo ne nous incite pas à arrêter, même pour un court moment.
Nous traversons le hameau, séduits par son charme médiéval et sa nature exubérante.
Nous descendons la colline pour une expérience hors du commun : marcher au fond d'un lac ! Sur cinq kilomètres, nous allons traverser un paysage dont on ne soupçonnerait jamais l’histoire si je ne vous la racontais pas.
La plaine qui s’étend devant nous, le Pian del Lago, était autrefois le lago Verano.
Rien à voir avec le réchauffement climatique : ce lac a été asséché au XVIIIe siècle pour transformer ces terres en champs de céréales.
Le soleil a fait son apparition, l'atmosphère se réchauffe et il est 12h45. Nous nous arrêtons pour casser la croûte au moment de quitter la Strada Provinciale di Montemaggio.
Après une courte halte, nous continuons sur la Via dell'Osteriaccia, un beau chemin carrossable traversant la campagne. Au bout de quelques centaines de mètres, sur notre droite, dans la lisière du bois, nous apercevons l'Eremo di San Leonardo al Lago.
Il s'agit d'un ancien ermitage datant du XIIè siècle mêlant styles roman et gothique.
Il a été fortifié en 1366 pour protéger les populations locales en temps de guerre. On peut y voir des fresques remarquables datant des XIVè et XVè siècles. À visiter si vous en avez l'occasion.
Lorsque nous regagnons le bois, le chemin se fait plus étroit et suit la limite entre les territoires de Monteriggioni et de Siena.
Puis nous découvrons le responsable de l'assèchement du Lago Verano ! Un tunnel de 2.130 mètres de long construit au XVIIIè siècle et achevé sous le règne du Grand-Duc Léopold. D'où son nom de Canale del Granduca.
Comme il a plu aujourd'hui, il est envahi par quelques centimètres d'eau. Sinon, la plupart du temps, il est sec et on peut le parcourir sans problème sur toute sa longueur. À condition d'avoir au moins de quoi s'éclairer et de ne pas être claustrophobe !
À l'intérieur, on peut observer des formations calcaires, des stalactites et des jeux de lumière créés par les gouttelettes d'eau.
Une stèle se dresse à proximité de l'entrée du tunnel. "La Piramide", érigée par le Grand-Duc Léopold, commémore les travaux de drainage du lac et témoigne des efforts humains déployés pour contrôler la nature.
De la Piramide au Cimitero dei Renai, le sentier traverse les collines boisées sur un peu plus de deux kilomètres.
En chemin, nous rattrapons Jean-Christophe et son épouse, un couple lyonnais qui suit la Via Francigena entre San Gimignano et Sienne. Leur aventure approche de son terme.
Du cimetière, nous traversons la vallée du Torrente Pietrina que nous suivrons ensuite sur les hauteurs, au nord. Nous approchons de Sienne mais le paysage reste toujours aussi magnifique !
Le Lago de Le Coste marque le début de la fin. Et quelle fin ! Digne d'une arrivée au sommet lors d'une étape alpestre du Tour de France. Plutôt du Tour d'Italie, dirons-nous...
L'arrivée à Petriccio, un quartier de Siena, n'est pas très belle. On se console en se disant que c'est le lot de toutes les arrivées dans une grande ville.
Et pourtant, à hauteur de la Villa Petrucci, Strada di Marciano, nous bénéficions encore d'une superbe vue sur la vallée et, en arrière-plan, sur la ville historique de Sienne !
La Villa Petrucci correspond peu ou prou au sommet de cette étape. De là, il ne reste plus qu'à se laisser descendre pendant 500 mètres jusqu'à l'arrivée à la Chiesa di Sant'Ansano a Marciano. Pourquoi avoir fixé l'arrivée à cette église, me demanderez vous ? Bah, tout simplement parce que nous logeons à deux pas de là.
Notez, pour votre culture générale, que la villa fait partie d'un campus dédié aux vaccins. GSK y a son centre de recherche, Novartis y possède aussi des installations et on y trouve encore le Siena Vaccine Science Centre.
Quant à l'église, elle fut construite de 1960 à 1969 pour faire face à la croissance de la population dans le quartier. Elle est dédiée à Sant'Ansano (Saint-Ansanus).
Connu sous le nom de "Apôtre de Sienne" ou "le Baptiste", il est un martyr chrétien né en 284 à Rome d'une famille noble. Baptisé en secret, il fut torturé pour sa foi et survécut à un bain d'huile bouillante. Finalement, il fut décapité en 304. Il est un des saints patrons de Sienne.
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :
Appréciation du parcours :
Monteriggioni à Sienne : une aventure sur la Via Francigena entre histoire et paysages toscans
Cette étape de la Via Francigena, reliant Monteriggioni à Sienne, mêle histoire médiévale, paysages époustouflants et anecdotes uniques.
Elle commence par l'exploration du charmant village fortifié de Monteriggioni, ses remparts, son église historique et son musée médiéval, avant de plonger dans la campagne toscane. Chemins boisés, vignobles et hameaux pittoresques se succèdent, avec des arrêts mémorables comme la traversée du Pian del Lago, une plaine autrefois occupée par le lago Verano, et le mystérieux Canale del Granduca.
L'étape se termine avec des vues saisissantes sur Sienne, récompensant les efforts des randonneurs. Une journée riche en découvertes et en émotions !
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Comment rejoindre cette étape ?
L'idéal pour cette étape est de loger à Sienne. Cela permet de rejoindre facilement l'arrêt Colonna di Monteriggioni en bus.
Je n'ai pas exploré d'autres solutions mais il est clair que si vous la jouez en mode pèlerin, la question ne se pose pas.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que nous l'avons suivi :