Parce que randonner c'est la santé...
9 Avril 2024
Temps de lecture : 20 minutes
Voilà, c'est reparti pour notre dernier périple sur la Via Francigena. En effet, si tout se passe selon le plan, nous devrions arriver à Rome le 25 avril prochain. Quand je dis "nous", il s'agit de mon fils Kévin - qui cela pourrait-il être d'autre ? - et moi.
Fidèles à nos habitudes, nous avons établi nos quartiers là où il nous sera possible de rejoindre plusieurs étapes en transports en commun avant de déménager. Et pour celle-ci, de San Gimignano à Monteriggioni, c'est à Siena (Sienne) que nous avons posé nos valises.
Nous n'avons pas choisi la facilité en commençant par un parcours d'une trentaine de kilomètres avec un dénivelé positif toutefois raisonnable de 422 mètres. Nous verrons tout de suite si nos organismes sont au point malgré l'habituelle pause hivernale.
Lorsque nous arrivons à San Gimignano un peu avant 8 heures du matin, la Via San Matteo est vide de monde. Quel contraste par rapport à mon arrivée ici le 30 septembre dernier ! Mais qui s'en plaindra ? Pas moi, en tout cas.
C'est donc d'une Piazza del Duomo (quasi) vide elle aussi que nous prenons le départ à 8 heures pétantes !
Corollaire à un départ aussi tôt, tous les monuments sont fermés. Mais vous pouvez toujours en visiter virtuellement à la fin de mon récit du 30 septembre 2023.
La Piazza della Cisterna, contiguë, offre la même ambiance.
L'origine de son nom vient de la citerne souterraine construite en 1287, qui se trouve au centre de la place. Cette citerne est surmontée d'un puits octogonal en travertin, ajouté en 1346.
Malheureusement caché par les camions, l'existence du puits nous échappera...
À la sortie de la place, nous quittons déjà l'itinéraire de la Via Francigena pour aller admirer le paysage depuis le point de vue de la Via degli Innocenti. Et ce petit détour vaut vraiment la peine, non ?
Nous retrouvons la Via San Giovanni que nous empruntons vers le sud et c'est (presque) en toute logique que nous quittons la vieille ville par la porte éponyme.
La Porta San Giovanni, construite en 1262, est l'une des portes les plus impressionnantes et emblématiques de San Gimignano. Elle servait d'accès pour ceux qui arrivaient de Sienne en suivant la variante de la Via Francigena qui passait par San Gimignano. Super, nous sommes sur la bonne voie !
De l'angle de la Piazzale Martiri di Montemaggio proche de la Porta San Giovanni, nous bénéficions encore d'une superbe vue sur la campagne environnante ! Une superbe vue qu'un ciel de plomb magnifie !
En prenant un peu de recul, sur la Piazzale Martiri di Montemaggio, nous pouvons mieux apprécier le mur d'enceinte de la vieille ville, avec la Porta San Giovanni à droite et le Bastione San Francesco à gauche.
Jusqu'au début du XXè siècle s'élevait ici le couvent San Francesco. Aujourd'hui, la place honore la mémoire des hommes tombés au combat depuis la Première Guerre Mondiale.
Nous quittons San Gimignano, perchée à 324 mètres d'altitude, vers le sud-est par la Strada Comunale di Santa Lucia. Nous continuons à en prendre plein les yeux ! Quel émerveillement !
Dans ces conditions, marcher sur une petite route asphaltée n'est pas du tout un problème...
À un kilomètre de San Gimignano, sur la droite de la route communale menant à Santa Lucia, se trouve le Monastère de Santa Maria Assunta.
Fondé en 1340, ce monastère a subi plusieurs agrandissements et modifications au fil du temps. C'est ainsi que son cloître date du XVè siècle.
Peu avant Santa Lucia, un hameau de San Gimignano, nous quittons la petite route pour emprunter un chemin descendant vers le Botro degli Imbotroni, botro se traduisant par ravin en français.
Notre périple enchanteur se poursuit.
Les Imbotroni sont peut-être les propriétaires de cette villa perdue au milieu de tout, à proximité du cours d'eau, non ?
Par de magnifiques chemins, nous avançons dans la campagne toscane. De temps à autre, des traces de civilisation apparaissent.
Un cours d'eau plus important, le Torrente Foci, délimite San Gimignano de Colle di Val d'Elsa.
Un peu plus loin, après Molino Aiano, un parcours alternatif nous est proposé. Celui-là passe par l'Abbazia di Santa Maria Assunta a Coneo.
Fondée autour de l'an 1000, bel exemple d'architecture romane, l'abbaye a connu une période de grande prospérité jusqu'à la fin du XIIIè siècle. Puis elle a décliné entre le XVè et le XVIè siècle. Aujourd'hui, elle est souvent fermée et difficilement visitable.
Alors, à vous de voir mais suivre cette alternative vous ferait en tout cas manquer... l'immanquable. Nous en reparlerons le moment venu.
En tout cas, nous, nous prenons la direction de Colle di Val d'Elsa. Juste avant la Casa Prodeggia, le chemin s'élève, nous offrant un magnifique panorama avec San Gimignano sur la crête à l'horizon !
De la Casa Prodeggia, c'est une petite route asphaltée qui nous emmène à Le Grazie.
Quelques centaines de mètres après le cimitero della Misericordia, nous découvrons une petite église, Via Volterrana, à l'entrée du hameau. Il s'agit en réalité du sanctuaire Santa Maria delle Grazie.
Au XIVè siècle, il y avait probablement ici un édifice qui fut transformé en oratoire un siècle plus tard. Celui-ci est agrandi en 1501 pour devenir un couvent. Il fut dégradé en église paroissiale en 1783. Il resterait un cloître que nous n'avons pas eu l'occasion de visiter.
La Via Volterrana nous conduit directement jusqu'aux remparts de Colle di Val d'Elsa, à la Porta Nova.
La ville a de tous temps occupé une position stratégique et a donc été impliquée dans tous les conflits qui ont marqué la région.
C'est ainsi que la Porta Nova, construite en 1479, remplace la Porta Selva détruite lors d'un siège de la ville. C'est un superbe exemple d'architecture militaire de la Renaissance.
Et c'est en la traversant que nous entamons la visite de la ville.
La Porta Nova franchie, nous nous retrouvons dans la plus ancienne partie de la ville, appelée "le château". Mais couramment les habitants l'appellent plutôt Colle alta, ou Colle haut en français.
Jusqu'au Ponte del Campana, qui divise cette ville haute en deux, nous empruntons un long moment la Via Dietro le Mura (rue Derrière les Murs) qui comme son nom l'indique longe l'ancien rempart. On y a une belle vue sur la vallée au nord de la ville.
Peu avant le pont, parmi les nombreux palais qui bordent la Via Francesco Campana, le Palazzo Comunale affiche sa façade simple mais imposante.
Surplombant le pont, le Palazzo Campana a été construit en 1536 mais est inachevé. Nous le traversons pour rejoindre le Duomo.
Une chapelle existait déjà ici au début du XIIè siècle. Devenue entre-temps église paroissiale, elle connut de nombreux travaux et agrandissements. Jusqu'à ce qu'en 1602, elle devienne cathédrale.
C'est alors que les autorités collequoises décidèrent de la démolir pour reconstruire au même emplacement un édifice à la hauteur de son nouveau statut. Les travaux débutèrent en 1603 mais le clocher ne fut reconstruit qu'en 1623 et la façade ne fut terminée qu'en 1833 !
Depuis 1986, elle est co-cathédrale de l'archidiocèse de Sienne-Colle di Val d'Elsa-Montalcino.
L'intérieur est d'une grande simplicité.
Un peu plus loin sur la Via del Castello, nous visitons la chiesa di Santa Maria in Canonica. Existant au moins depuis 1183, cette église romane est constituée d'une seule nef couverte d'un toit en bois.
Piazza Canonica, à proximité de l'église, trône une statue d'Arnolfo di Cambio. Né ici au XIIIè siècle, ce sculpteur et architecte est célèbre pour ses œuvres dans la cathédrale de Florence, entre autres.
Au bout de la Via del Castello, nous débouchons sur Il Baluardo d'où nous bénéficions d'un panorama imprenable sur la ville basse, Colle bassa. De ce bastion du IVè siècle, nous profitons aussi d'une belle vue sur l'ancien rempart de la ville.
Nous aurions pu descendre du château par l'ascenseur s'il n'avait été en panne. Construit avec la collaboration de l'architecte français Jean Nouvel, il débouche au pied de la colline dans un ancien abri antiaérien de la seconde guerre mondiale.
Mais n'est-ce pas plus joli d'emprunter la Via Pozzo Tondo ?
Dans la ville basse, la chiesa di Sant'Agostino présente plusieurs époques. Si l'édifice date du XIVè siècle, il fut toutefois transformé au XVIè alors que son clocher ne date que du XXè siècle.
L'intérieur de l'église, lui, a conservé l'aspect qui lui a été donné au XVIè siècle. Simple, mais jolie et intéressante pour toutes les œuvres qu'elle abrite.
Nous prenons ensuite la direction de la très belle Piazza Arnolfo di Cambio. En chemin, nous passons devant le Museo del Cristallo. Saviez-vous que Colle di Val d'Elsa est surnommée "La cité du cristal" ?
Si vous connaissez probablement le verre de Murano, qui sait que 95% du cristal produit en Italie provient d'ici ? Et que jusqu'à ces dernières années, les verreries de Colle di Val d'Elsa fournissaient 15% de la production mondiale de cristal ?
Puis, nous gagnons le Parco Fluviale dell'Alta Val d'Elsa pour un parcours de 2,5 kilomètres sur le Sentierelsa, le long de la Fiume Elsa. Ici, tous les superlatifs de la langue française ne suffiraient pas pour décrire cette expérience ! Alors je vous laisse regarder/admirer les nombreuses photos ci-dessous...
La rivière doit sa couleur turquoise à la présence de minéraux dissous dans l'eau, notamment du sulfate et du calcaire.
Nous quittons la rivière au Ponte di San Marziale. Une centaine de mètres plus loin se dresse la chiesa di San Marziale. L'église d'origine avait été construite au IXè siècle sur la tombe d'Austriclinianus. Comment ? Vous ne le connaissez pas ?
Bon, je ne le connaissais pas non plus avant d'écrire ces lignes. Il était le compagnon de Saint-Martial de Limoges et mourut ici au IIIè siècle. On ne sait pas très bien de quoi il est mort mais il aurait été ressuscité par Saint-Martial après que celui-ci eut déposé sur lui la crosse de Saint-Pierre qu'il avait ramenée de Rome.
Saint-Martial de Limoges est devenu le saint patron de Colle di Val d'Elsa. Quant à l'église, elle fut détruite au XIIè siècle par les Siennois. Elle fut très tôt reconstruite.
De l'église, nous partons plein sud à travers Gracciano dell'Elsa.
C'est un peu avant le parc que la variante dont nous parlions tout à l'heure rejoint l'itinéraire principal de la Via Francigena. Alors, quelle alternative auriez-vous choisie ? Une abbaye rarement visitable ou une superbe ville ancienne couplée à un parcours extraordinaire le long de la Fiume Elsa ?
À Pieve a Elsa, nous bifurquons plein est pour atteindre les anciens bains de Le Caldane.
Ces bains thermaux sont un véritable trésor historique et naturel. Déjà exploités par les Étrusques et les Romains, ils sont connus pour leurs propriétés thérapeutiques. L'eau, riche en sels de calcium, émerge à une température d'environ 20° C.
Détruits par les Siennois en 1260, ils ont été restaurés par les Colligiani en 1440.
Bon, je ne sais pas vous, mais moi je ne suis pas trop tenté de m'y baigner...
Nous continuons notre périple vers l'est à travers la campagne toscane. Trois kilomètres nous séparent du Borgo San Luigi, un hôtel 4 étoiles installé dans un palais du XVIIè siècle, sur le territoire de Monteriggioni.
Il dispose d'une piscine olympique, de courts de tennis et d'un terrain de football ! Et je ne vous parle pas de l'aménagement des chambres ! Une petite nuit ici vous tente ? 😎
Hola ! On arrête de rêver, il reste encore une dizaine de kilomètres à parcourir !
Depuis que nous avons quitté Colle di Val d'Elsa, le relief s'est adouci. Une autre caractéristique apparaît à l'approche de Strove, un hameau de Monteriggioni : la terre prend une couleur brun rougeâtre provenant de l'oxyde fer présent dans le sol.
C'est la fameuse terre de Sienne utilisée en peinture ou pour les finitions des céramiques. On peut la trouver aussi en cosmétique, dans les produits de maquillage.
Érigé peu après le VIè siècle, d'origine lombarde, Strove était initialement un château. On peut encore en deviner les murailles.
Son église, elle, est dédiée à Saint Martin, évêque de Tours, et date du Xè siècle.
Si les kilomètres défilent, la beauté de cette étape semble ne jamais devoir finir !
Castel Petraia - Castel Pietraio selon les sources - est un château médiéval construit autour de l'an 1000 pour défendre la Via Francigena. Le château prit toutefois son allure actuelle entre le XIVè et le XVIè siècle.
Aujourd'hui, il accueille les touristes dans son cadre historique, entouré de vignobles.
Après un parcours varié mêlant forêts et vignobles, l'oratorio della Madonna delle Nevi annonce l'arrivée à l'Abbazia dei Santi Salvatore e Cirino.
Connaissez-vous le miracle attribué à la Madonna delle Nevi (Vierge des Neiges) ? Non ? Alors, le voici :
Au IVe siècle, un riche couple romain ne pouvant avoir d'enfant nomma la Vierge Marie comme héritière de leurs richesses. Celle-ci leur apparut le 4 août et leur demanda de construire une basilique sur le Mont Esquilin, à Rome. La zone serait marquée par une chute de neige en plein été. Le 5 août, la neige est apparue sur le Mont Esquilin, et le Pape Libère, arrivé rapidement sur les lieux, délimita dans la neige l'emplacement de la future basilique Sainte-Marie-Majeure.
Tout à coup, détournant notre regard de l'oratoire, Monteriggioni nous apparaît dans toute sa splendeur, perchée sur sa colline, ceinte de ses remparts majestueux, et nous restons un instant sans voix, éblouis par cette vision hors du temps !
Monteriggioni, ce ne sera cependant que pour demain puisque nous nous arrêterons ce soir à ses pieds. Mais, en attendant, il nous reste encore un édifice à visiter, l'Abbazia dei Santi Salvatore e Cirino.
Construite vers le milieu du XIIè siècle, cette abbaye cistercienne de style roman est un lieu chargé d'histoire et d'art.
De l'abbaye, il nous reste trois kilomètres à parcourir à travers la plaine pour atteindre l'arrivée de l'étape à la Colonna Leopoldina di Monteriggioni.
Une tour s'élève au milieu de la plaine. Celle-ci était autrefois un marécage et les moines de l'abbaye avaient construit un tunnel de drainage. La tour servait à sa ventilation et en permettait l'accès pour son entretien. Aujourd'hui, si le tunnel existe toujours, il n'est plus accessible, encombré par des débris.
Pendant ce trajet final, c'est cependant Monteriggioni qui attire notre regard, comme un aimant. Nous avons hâte d'être demain !
La Colonna Leopoldina, quant à elle, est une colonne historique érigée sous le règne (1765-1790) de Léopold II de Lorraine. Elle servait à marquer les limites des propriétés. En 2014, il en restait 18 en Toscane.
C'est donc ici que se termine cette fabuleuse étape de la Via Francigena !
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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? (Désolé si le GPS a parfois perdu le nord !) C'est ici :
Appréciation du parcours :
San Gimignano - Monteriggioni : une étape d’exception sur la Via Francigena
Entre San Gimignano et Monteriggioni, la Via Francigena offre une étape remarquable, alliant patrimoine, nature et diversité des paysages.
Dès le départ, San Gimignano impressionne avec ses célèbres tours médiévales et son atmosphère hors du temps. Plus loin, Colle di Val d’Elsa séduit par son centre historique et son charme préservé. Mais cette portion du chemin ne se résume pas à ces joyaux architecturaux : les sentiers traversent une campagne toscane superbe, alternant collines, vignobles et forêts.
L’un des temps forts du parcours est le passage le long de la Fiume Elsa, dans le Parco Fluviale dell'Alta Val d'Elsa. Ce tronçon longe une rivière aux eaux limpides, offrant une parenthèse rafraîchissante au milieu d’une nature préservée.
Avec ses paysages variés et son riche patrimoine, cette étape se distingue comme l’une des plus belles que j’ai parcourues depuis mon départ de Calais. Une véritable pépite sur la Via Francigena !
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Comment rejoindre cette étape ?
À moins que vous n'y logiez déjà, et dans ce cas vous n'êtes pas concernés, San Gimignano, est bien desservie en bus au départ de la gare de Poggibonsi-San Gimignano. Rejoindre le départ de cette étape depuis Siena est donc un jeu d'enfant puisqu'il y a des trains régulièrement entre ces deux gares.
Pour le retour, si vous allez jusqu'au bout de cette étape, des bus assurent régulièrement la liaison entre l'arrêt La Colonna Monteriggioni et Siena.
Si vous choisissez de vous arrêter à mi-parcours à Colle di Val d'Elsa, c'est pareil, une liaison par bus régulière est assurée en direction de Siena. Ils sont cependant moins fréquents en direction de San Gimignano ou Poggibonsi.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que nous l'avons suivi :