14 septembre 2020 - La Via Francigena de Laon à l'Abbaye de Vauclair

Voilà, mon périple sur la Via Francigena se poursuit cette semaine, avec cinq étapes de Laon à Condé-sur-Marne. C'est une région que je n'ai jamais fait que traverser et donc que je ne connais pas du tout. J'ai hâte de découvrir ce qu'elle a à me proposer.

Si j'avais parcouru les quatre premières étapes de la Via Francigena en territoire français avec le deuxième de mes fils, je suis cette fois accompagné de Kévin, mon fils cadet. Un challenge en quelque sorte car c'est un jeune fougueux qui fonctionne souvent en mode warrior. Va falloir canaliser son énergie !

Ce lundi, l'itinéraire nous emmène de Laon à l'Abbaye de Vauclair sur une distance prévue de 24,8 km. Je n'ai aucune idée des paysages que nous allons traverser mais il est par contre certain, qu'avec Laon et l'Abbaye de Vauclair, le patrimoine local va nous éblouir.

En parlant d'être ébloui, les conditions météorologiques s'annoncent brillantes toute la semaine. Avec 36° C annoncés pour mercredi, les semelles vont chauffer et les organismes vont trinquer !

Le 10 juillet dernier, j'avais terminé l'étape à la gare de Laon. C'est donc naturellement de là que nous démarrons aujourd'hui !

Devant la gare, trône un ancien tramway à crémaillère qui desservait la ville-haute. Mis en service en 1899, il fut retiré du service en 1971, par mesure de sécurité.

De la gare, nous partons en droite ligne vers la Montagne Couronnée, nom donné à la ville-haute de Laon. Nous passons à côté de l'église Saint-Marcel pour nous attaquer à l'escalier municipal. Nous n'avons pas compté le nombre de marches mais il y en a en tout cas bien assez pour s'échauffer !

Enfin, après avoir longé les rails de l'ancien funiculaire automatique qui fonctionna de 1989 à 2016, nous arrivons sur la place de la mairie d'où la vue sur la plaine au nord de la ville est magnifique.

Mais ce qui impressionne tout de suite, c'est la superbe cathédrale Notre-Dame ! Construite entre 1155 et 1235, elle est parmi les premiers édifices gothiques après l'abbatiale de Saint-Denis et les cathédrales de Noyon et de Sens. Contrairement à Notre-Dame de Paris qui lui est contemporaine, celle-ci comporte cependant encore des tribunes.

Ces tribunes sont accessibles à la visite, obligatoirement accompagné d'un guide. Par la même occasion, vous aurez l'opportunité de monter dans la tour sud-ouest d'où on a une vue imprenable sur la ville et les environs. Mais aussi, et c'est le plus surprenant, sur des statues de bœufs grandeur nature installées dans les tours !

Elles évoquent une légende expliquant qu'alors qu'un attelage chargé de pierres destinées à la construction de la cathédrale était bloqué dans la montée vers la ville, un bœuf blanc est descendu du ciel dans un halo de lumière pour l'aider.

Parmi les œuvres présentes dans la cathédrale, on peut admirer une icône de la Sainte Face datant du XIIè-XIIIè siècle. Achetée en Serbie, elle fut offerte par le pape Urbain IV, né à Troyes, et entre autres archidiacre de Laon de 1238 à 1241.

Il y a évidemment énormément à dire au sujet de ce monument remarquable et je ne peux que vous inciter à venir le visiter. Je terminerai simplement en disant qu'il a traversé miraculeusement les deux guerres mondiales, et même la guerre de 1870, sans le moindre dégât !

Notez que, dans la traversée de la Montagne Couronnée, nous ne suivons pas exactement l'itinéraire de la Via Francigena. En effet, celui-ci ne nous aurait même pas fait passer par la cathédrale !

Certes, en 987, Sigeric n'aurait pas pu voir la cathédrale telle que nous la connaissons aujourd'hui. Et il n'est pas sûr non plus que la cathédrale carolingienne consacrée le 6 septembre 800 par Charlemagne était encore debout et se trouvait à cet endroit. Mais peut-on imaginer un chemin de pèlerinage ignorant un monument majeur de la chrétienté alors qu'il passe à proximité ?

Cette mise au point faite, nous continuons notre périple en suivant la rue Chatelaine et ses jolis parapluies. Au passage, nous jetons un œil sur la ruelle des Neufliers, joliment décorée, et nous repassons devant la mairie, le temps d'une photo.

Nous passons alors sous la Porte des Chenizelles, qui défendait un des accès sud à la cité médiévale.

En rejoignant la rue Thibesard, qui court sur le rempart, nous jetons un autre regard sur la cathédrale. Mais c'est pourtant bien vers l'église abbatiale Saint-Martin que nous nous dirigeons.

Ceux qui suivent les récits de mes randonnées savent déjà que j'ai un faible pour les petites églises massives telles qu'on en croise dans le Ternois, par exemple. Si je ne peux nier la grâce et la superbe beauté de la cathédrale de Laon, j'ai quand même une préférence pour l'église abbatiale Saint-Martin.

Bien que construite à la même époque que la cathédrale, l'église Saint-Martin est plus massive. Plus virile, même, je dirais. Elle dégage une certaine force alors que Notre-Dame est plus dans la légèreté. Mais voilà, c'est juste mon ressenti...

Nous quittons la Montagne Couronnée par la Porte de Soissons, qui protégeait l'accès ouest à la cité. Avec la Porte des Chenizelles et la Porte d'Ardon, elle est une des trois portes qui subsistent, sur les dix-huit que comptait la cité à l'origine.

Elles faisaient partie des remparts qui furent édifiés autour de la ville entre le IXè et le XIIIè siècle.

Nous descendons alors par la rue de la Vieille Montagne qui n'est qu'un chemin dans sa moitié la plus élevée, avant de rejoindre les premières maisons de Sémilly sous Laon.

S'en suivent alors plus de trois kilomètres dans la banlieue sud de Laon, à marcher sur les trottoirs des cités dortoirs de Sémilly sous Laon et d'Ardon sous Laon. Avec pour seule satisfaction, celle d'observer encore, pour la dernière fois pensons-nous, la cathédrale Notre-Dame perchée sur sa montagne.

À la sortie d'Ardon sous Laon, direction le lac d'Ailette, nous nous engageons pour la première fois dans la campagne laonnoise en suivant le Ru de Polton, à l'est de la D967. Il est aux alentours de 13 heures et le soleil cogne dur en rase campagne !

Nous ne subissons d'ailleurs pas que les attaques du soleil puisque nous sommes littéralement assaillis par une vilaine bande de coccinelles asiatiques ! Autant je savais qu'elles exterminaient nos braves coccinelles mais je n'avais jamais pensé qu'elles pouvaient s'attaquer à l'homme ! Je n'ai d'ailleurs trouvé aucune référence scientifique à ce sujet mais pourtant je vous assure que nous n'avons pas été victimes d'hallucinations ! Heureusement, Kévin, en bon baroudeur, disposait de répulsif anti-insectes !

Et alors que nous pensions ne plus voir Notre-Dame de Laon, la ville nous apparaît encore, perchée tout là-haut sur sa montagne !

Avant d'arriver à Bruyères-et-Montbérault, nous traversons le Bois de la Lézarde et le Bois Brûlé qui, malgré le nom de ce dernier, nous apportent un peu de fraîcheur. Néanmoins, il n'est pas question d'y lézarder car nous subissons une nouvelle attaque ! Attaque de... glands, cette fois !

Bien que Kévin ait été touché en pleine tête par un gland mieux ciblé que les autres, c'est toutefois sains et saufs que nous arrivons à Bruyères-et-Montbérault.

Cette petite ville d'un peu plus de 1.500 habitants eut une histoire particulièrement troublée. Au XIVè siècle, la cité, bien que fortifiée, tombe pourtant à trois reprises aux mains des Anglais. Au XVIè, ce sont les Huguenots allemands, des protestants, qui s'en emparent, mettant le feu à l'église qui s'effondre sur son curé. Avant d'être reprise par les catholiques de la Ligue à la fin du siècle. Milieu du XVIIè, ce sont alors les Espagnols qui se l'approprient. Enfin, à la fin de la première guerre mondiale, la ville est considérée comme entièrement détruite !

Aujourd'hui, le calme est revenu sur l'église Notre-Dame, sur la mairie et même sur les remparts où nous décidons de faire une pause bien méritée. Non sans avoir d'abord dissuadé mon aventurier de fils de nous rendre au Fort de Bruyères car bien qu'étant un ouvrage militaire remarquable, le détour de quatre kilomètres qu'il nous aurait occasionné ne me paraissait pas judicieux. Néanmoins, si vous êtes intéressés par la visite de ce fort, je vous en mets le lien ci-dessous.

Désaltérés et rassasiés, nous reprenons notre route. Si nous évitons l'ascension du Mont Pigeon en passant à l'est, nous ne pouvons éviter celle du Mont Saint-Pierre où nous sommes de nouveau exposés au soleil brûlant de cet après-midi mais d'où nous pouvons encore apercevoir la Montagne Couronnée de Laon pourtant à 14 km d'ici ! Mais, promis, cette fois sera la dernière !

Après un peu plus de quinze kilomètres de randonnée, nous arrivons à Martigny-Courpierre où la mairie et l'église Saint-Martin ne peuvent laisser indifférents.

Victime de bombardements incessants en 1917 et 1918, l'église romane subit le même sort funeste que le village et 300 autres églises dans le département de l'Aisne, le plus touché par les affres de la guerre. Après celle-ci, pour accélérer la reconstruction, on utilisa ici la technique du béton armé. C'est ainsi que débutée en 1929, l'érection de la nouvelle église, dans le style Art Déco, ne dura que quelques années.

La clef de l'église est détenue par une dame qui tient un gîte sur la commune mais nous n'avons pas pu obtenir son nom et donc visiter l'édifice.

La position à mi pente de l'église Saint-Martin nous offre un beau panorama sur la vallée de la Bièvre.

Nous retournons alors dans la campagne pour rejoindre le lac d'Ailette.

Le lac d'Ailette, ou lac de l'Ailette, nous offre de nouvelles perspectives. Pas celles d'aller se reposer au Center Parcs que le lac accueille depuis 2007, mais bien en terme de paysages, de faune et de flore.

Malgré que sa création ait fait disparaître 20 hectares de marais dont on connaît l'importance pour la biodiversité, le lac a toutefois attiré de nombreuses espèces d'oiseaux. En 2007, on en dénombrait 177 contre 107 vingt ans plus tôt. L'endroit est donc logiquement considéré comme une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique.

Ceci dit, il apparaît évident qu'il souffre lui aussi énormément des dérèglements climatiques.

Délaissant donc le Center Parcs, nous poursuivons alors en direction de Neuville-sur-Ailette en empruntant dans un premier temps la voie verte qui longe la D19. Mais un kilomètre avant le village, nous bifurquons subitement pour grimper sur la crête, nous offrant ainsi de beaux panoramas sur la région.

A l'instar de 300 églises dans le département de l'Aisne, l'église Saint-Julien de Neuville-sur-Ailette fut entièrement détruite durant la première guerre mondiale. Une première église avait été construite au XIIè siècle à l'intérieur du château aujourd'hui disparu. Mais des travaux de restauration actuellement en cours en révèle encore quelques pans de murs.

À l'arrière de l'église, un sympathique petit jardin vous accueillera pour un moment de quiétude.

Et la randonnée se poursuit par la voie verte sur la rive nord du lac de l'Ailette, le long de laquelle quelques postes d'observation ont été aménagés pour contempler la faune locale.

Et c'est par le chemin du Roi que nous rejoignons l'étang des Moines, à proximité immédiate de l'Abbaye de Vauclair, où nous décidons de mettre un terme à la randonnée du jour.

En effet, il est passé 18 heures. Nous sommes fatigués de notre périple sous un soleil de plomb et nous jugeons plus raisonnable de remettre à demain matin la visite de l'abbaye.

Ainsi se termine la première étape de cette semaine de randonnée sur la Via Francigena. Alors, qu'en dire ?

Hormis les premiers kilomètres parcourus dans la banlieue de Laon, dans des cités dortoirs sans charme ni âme, le reste du parcours ne comportait pas trop de passages sur route asphaltées. Avec un certain équilibre entre bois et champs, nous avons pu apprécier la variété des paysages et goûter au calme de la nature. Et nous avons aimé les quelques beaux dénivelés positifs qui nous ont offert d'intéressants panoramas. Bien sûr, la chaleur aura été parfois difficilement supportable mais qu'aurions-nous dit s'il avait plu ?

Par ailleurs, l'étape propose un magnifique aperçu du patrimoine architectural et historique de la région que nous ne connaissions pas, ou mal. Laon vaut à coup sûr plus qu'une incursion de quelques heures lors d'une randonnée, ce que nous n'avons pas manqué de faire en y passant le week-end précédant notre périple. Mais les villages environnants ne sont pas en reste et ont, eux aussi, de belles choses à proposer.

Au bilan, ce fut donc une belle journée enrichissante.