21 Décembre 2021
Je comptais parcourir cette boucle 1 des Tours du Bassin minier Nord - Pas-de-Calais en trois jours consécutifs. Mais voilà, les choses ne se passent pas toujours comme planifiées. C'est ainsi que cinq jours se sont écoulés entre la seconde étape et celle-ci, la dernière.
Entretemps, le soleil est revenu et ça change tout !
Aujourd'hui encore je rejoins le départ de la randonnée en train depuis Don-Sainghin. Mais arrivé à Béthune, au lieu d'utiliser le bus, je prends une correspondance en train jusque l'arrêt SNCF de Vis-à-Marles.
Alors que, de là, j'aurais pu rejoindre en bus la Mairie de Marles-les-Mines, point de départ de l'étape, je choisi d'y aller à pied. Après tout, un gros kilomètre seulement sépare les deux. Et c'est une vraie bonne idée !
En effet, alors que j'approche de la Mairie, rue Louis Pasteur, j'aperçois le chevalement de la Fosse n° 2 de la Compagnie des mines de Marles et, à son pied, le musée retraçant l'histoire minière de la ville ! Alors, tant qu'à faire, ce sera mon point de départ.
Quelle sacrée histoire que celle de cette fosse qui porte aussi le nom de Fosse Saint-Émile en hommage à Émile Rainbeaux, fondateur de la Compagnie des mines de Marles ! Un premier puits est d'abord foncé en 1853 à cinquante mètres d'ici mais il s'effondre en juin 1854 sous la pression de l'eau.
Le n° 2 est construit à partir de septembre 1854 et, malgré les difficultés, commence à produire en 1858 et est tout de suite très productif. Mais du 28 avril au 3 mai 1866, sous la pression d'un véritable torrent d'eau, le cuvelage cède à 56 mètres de profondeur. Un cratère de 35 mètres de diamètre se crée en surface, entraînant dans les entrailles de la fosse une grosse partie des installations. Elle est alors laissée à l'abandon.
Suite à cet incident, 840 hectares de la concession, sur les 2990 qu'elle compte, sont isolés, laissés inexploités par crainte de nouvelles venues d'eau.
Devant la perte économique engendrée, plusieurs initiatives, toutes refusées, proposeront de remettre la fosse en exploitation et ce n'est qu'en 1908, grâce à de nouvelles techniques que le puits sera finalement de nouveau fonctionnel.
Il ne servira toutefois dans un premier temps qu'à l'aérage et il faudra attendre 1946 pour qu'on y reprenne l'extraction. Le 29 mars 1974 marquera la fin définitive de la Fosse n° 2.
Fort heureusement, malgré toutes les péripéties connues par cette fosse, aucune perte humaine ne sera à déplorer !
Nous gagnons ensuite la Mairie de Marles-les-Mines à 300 mètres de là où nous récupérons l'itinéraire du Tour du Bassin minier. Le bâtiment fut inauguré le 5 octobre 1890.
Au sommet du boulevard Léon Gambetta, nous empruntons à droite la rue de Cracovie. Nous longeons ici, sur notre gauche, la cité de Marles.
Construite après la Première Guerre Mondiale par la Compagnie des mines de Marles, elle devait répondre, avec d'autres cités comme celle du Rond-Point, à l'arrivée de nombreux travailleurs. Ainsi, en cinq ans, de 1921 à 1926, la population passe de 4560 à 13755 habitants !
Les premiers travailleurs étrangers sont belges, amenés par Émile Rainbeaux pour la mise en route de la Fosse n° 2. Mais après la Première Guerre Mondiale, ils viennent essentiellement des pays de l'est. Dans certaines cités, les Polonais représentent jusqu'à plus de 90% d'entre eux.
Je vous propose d'ailleurs à ce sujet le très intéressant témoignage d'Edouard Fiba, ancien mineur polonais arrivé en 1925 à Marles-les-Mines à l'âge d'un an et demi. (cliquez sur son nom en-dessous de la citation)
Ici, on aurait dit la Pologne en France.
Au bout de la rue de Cracovie, nous escaladons la colline tout droit par un sentier à travers bois...
... et quand nous arrivons à la rue du Sirocco, tout en haut, nous découvrons sur notre gauche - on les voit mieux en avançant jusqu'à la clôture - le terril n° 14, 5 d'Auchel et le terril n° 23, 3 d'Auchel ancien Ouest. Et de la clôture, on aperçoit aussi, tout proche, le terril n° 13, 3 d'Auchel Est.
De ces trois terrils, seul le n° 14, 5 d'Auchel n'est pas exploité. Et pour cause, considéré comme un des terrils majeurs du Bassin minier, il est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Comme son nom l'indique, le 14, 5 est issu de la Fosse n° 5 - 5 bis - 5 ter de la Compagnie des mines de Marles. L'extraction y débutera en décembre 1876 pour se terminer en 1963 quand la compagnie concentrera ses efforts sur la Fosse n° 2. On en aura extrait 37,47 millions de tonnes d'un charbon d'excellente qualité, soit 1580 tonnes/jour !
Deux événements sont à retenir au sujet de la Fosse n° 5. En 1878, on y détecte du grisou. C'est alors la première fois que cela se produit dans une mine de la Compagnie des mines de Marles.
Beaucoup plus grave est le drame survenu le 17 juin 1964. Alors que la cage descend vingt-sept mineurs, un choc se produit à la profondeur de 400 mètres. Les barrières de sécurité s'ouvrent inopinément et cinq mineurs sont précipités au fond du puits sans que, dans l'obscurité, leurs camarades s'en aperçoivent ! On retrouvera leurs corps mutilés 250 mètres plus bas.
Nous remontons maintenant la rue du Sirocco en passant devant l'EHPAD du Bon Air. Les résidents ont la chance de bénéficier d'ici d'une superbe vue sur Marles-les-Mines et au-delà.
Nous pouvons ainsi voir surgir de la brume les terrils n° 10, 3 de Bruay Ouest et n° 4, 2 bis d'Auchel Est que nous avions découverts sur la fin de la seconde étape !
Après l'EHPAD nous prenons à gauche pour rejoindre un sentier qui court entre la résidence et les Champs Dorés. Au bout de ce sentier, nous atteignons la rue de Tournai que nous remontons vers le nord.
Nous sommes ici en lisière de la cité Sainte-Barbe dont toutes les rues portent un nom de ville belge ! Construite en 1861, elle hébergeait les mineurs travaillant à la Fosse n° 3 d'Auchel.
Quittant la cité Sainte-Barbe, nous faisons une rapide incursion dans Lozinghem avant de prendre la direction d'Allouagne à travers la campagne, par la Longue Raie.
Mais au bout du chemin, c'est toutefois vers Lapugnoy que nous bifurquons...
Au bout de deux kilomètres à travers champs, nous découvrons le cimetière militaire britannique de Lapugnoy.
Les premières tombes furent creusées ici en septembre 1915 mais c'est surtout pendant la bataille d'Arras, en avril 1917, qu'il fut plus intensément utilisé. Puis de nouveau entre mai et août 1918.
On y dénombre 1324 tombes de soldats du Commonwealth tombés pendant la Première Guerre Mondiale, dont 3 non-identifiées, et 11 sépultures de soldats tués en mai 1940, au début de la seconde guerre mondiale, donc.
Du cimetière, nous nous dirigeons vers la vallée de la Clarence. Au loin, sur notre droite, la silhouette majestueuse du terril n° 10, 3 de Bruay Ouest se découpe dans la brume.
Dans la descente, par temps clair, nous pouvons apercevoir le terril n° 5, Lapugnoy. Mais exploité, il a perdu sa forme conique et il se confond avec la forêt qui l'entoure. Il résulte de l'exploitation de la Fosse n° 3 d'Auchel.
Aujourd'hui avec la brume et le soleil de face, il est impossible de le distinguer. Mais si vous passez par ici dans de meilleures conditions de visibilité, il se trouve juste dans l'axe de ce chemin, sur l'autre versant de la vallée.
En suivant cet itinéraire, nous sommes contraints de longer la D 70 pendant cinq cents mètres. Même si nous sommes alors en agglomération, ce n'est pas un passage des plus funs.
Ça devient toutefois plus agréable lorsque nous empruntons le sentier de l'Église, une petite rue parallèle qui nous conduit à l'entrée du superbe bois de Roquelaure puis au cimetière où nous pouvons contempler l'intéressante Chapelle du Hays (voir récit de ma randonnée du 11 février 2021).
Puis nous regagnons la D 70 pour la longer de nouveau, sur sept cents mètres... Bof... Bof...
À l'entrée sur le territoire de Chocques, nous bifurquons à gauche sur un chemin de terre pour gagner la crête par le Long Pré, passer au-dessus de l'autoroute A 26 - Autoroute des Anglais et entrer dans Chocques.
De là-haut, nous bénéficions d'une vue imprenable sur la campagne entre Lillers et Saint-Venant, vers Aire-sur-la-Lys que nous pourrions peut-être apercevoir si un smog ne régnait pas aujourd'hui sur la région.
Nous traversons Chocques du sud-ouest au nord-est en passant au-dessus de la ligne de chemin de fer Béthune - Hazebrouck. Ceux qui veulent se ravitailler en profiteront...
Il n'y a pour ainsi dire pas eu d'activité minière, à Chocques. Un puits fut bien entamé en 1856 par la Compagnie des mines de Vendin, le long de la route Béthune - Lillers, entre Vendin-lès-Béthune et Chocques. Mais le fonçage tomba rapidement sur des sables mouvants et ne dépassa pas la profondeur de 20,53 mètres.
Le puits fut définitivement abandonné. Dans la région, on appelle "avaleresse" un puits qui n'a pas (encore) pu être exploité.
À la sortie de Chocques, nous découvrons le cimetière militaire britannique. Le village ayant été occupé par les troupes du Commonwealth de la fin de l'automne 1914 à la fin de la guerre, ce cimetière resta utilisé tout au long du conflit. Il recueillait essentiellement les victimes des combats sur le front de Béthune.
Après l'armistice, il fut décidé de rapatrier ici les tombes isolées ou celles se trouvant dans de petits cimetières entre Chocques et Béthune. Si bien que le cimetière comprend maintenant 1801 tombes de soldats du Commonwealth, dont 134 non-identifiées. On y trouve également 82 tombes allemandes, dont 47 non-identifiées.
Un petit kilomètre plus loin, après avoir traversé la Clarence, nous nous trouvons face à la porte de l'ancienne abbaye de Chocques.
Une première abbaye s'est déjà établie à Chocques, en 1094, mais elle se trouve alors dans les dépendances du château. Elle est détruite en 1128.
C'est en 1180 que l'évêque de Thérouanne fait bâtir une nouvelle abbaye à l'emplacement que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'abbaye Saint-Jean-Baptiste ou Saint-Jean-des-Prés.
Après la Révolution, les bâtiments sont rachetés par des particuliers qui la transforment en sucrerie-distillerie d'alcool de betteraves. La haute cheminée carrée en est un héritage.
Pendant la première guerre mondiale, les activités de la sucrerie cessent, le domaine étant transformé en hôpital militaire. Elles reprendront après la guerre pour se terminer définitivement en 1954.
Dans la nuit du 7 au 8 avril 2005, alors qu'il est projeté de le transformer en maison de retraites, un incendie ravage entièrement le logis abbatial qui avait été fortement transformé au XIXè siècle.
Nous entrons dans Vendin-lès-Béthune par la rue des Verts Fossés. Derrière le bois visible sur la première photo ci-dessous se trouvait un terril, un chevalement et une usine à boulets. Ils faisaient partie des infrastructures de la Fosse n° 1 - 1 bis de Vendin.
En 1912, la Compagnie des mines de Vendin tombée en faillite en 1900 est rachetée par la Compagnie des Charbonnages de Vendin-lès-Béthune et la fosse est ouverte en 1913.
Pendant la Première Guerre Mondiale, l'artillerie britannique s'y installe. Le site devient alors la cible de l'artillerie allemande. Les chevalements sont détruits, les pompes d'exhaure ne peuvent plus fonctionner, les galeries sont inondées.
Les dégâts sont réparés avant la fin de la guerre et la production reprend à un rythme accéléré pour participer à l'effort de guerre, puis de reconstruction du pays. Mais en 1930 le gisement est épuisé, la compagnie met fin à ses activités à Vendin-lès-Béthune.
Bon, on parle, on parle, mais nous voici arrivés maintenant à un joli petit espace vert... (et bleu ?...) au doux nom de "Les Verts-Bleus".
À l'extrémité est des Verts-Bleus, nous entamons un long périple sur l'ancien cavalier minier de la Compagnie des Mines de Marles.
Aboutissant au canal d'Aire à La Bassée à l'ouest de Béthune, celui-ci permettait d'écouler par péniches le charbon extrait des mines de la compagnie.
Lorsqu'il s'élève (dernière photo ci-dessous), sur le territoire d'Annezin, il se nomme terril n° 231, Cavalier Rivage de Béthune.
Nous le quittons lorsque nous atteignons la rue du Quai de Marles où nous prenons à droite. Si nous avions traversé la rue pour continuer tout droit, nous serions monté sur le terril n° 228, Ex Rivage de Béthune. C'est là que le charbon était transféré des wagons tombereaux aux péniches.
Au bout de deux cents mètres, nous découvrons un premier bassin d'eau que nous longeons sur la gauche. Il s'agit du Quai de Bruay, là où arrivait le charbon de la Compagnie des mines de Bruay via le cavalier minier venant de Fouquereuil (voir étape 1).
Au bout de ce bassin, nous arrivons au port de plaisance de Béthune. Il est situé sur un vestige de l'ancien canal d'Aire à La Bassée.
Lorsque nous remontons la rue de Conflans-Sainte-Honorine et que nous longeons la rue du Halage sur un petit chemin, c'est d'ailleurs le tracé de l'ancien canal que nous suivons.
Nous apercevons déjà au loin le clocher de l'église Saint-Vaast de Béthune.
Après la traversée de la Lawe, que nous retraversons à nouveau plus loin, nous arpentons toute une série de rues sans grand intérêt.
Nous finissons par atteindre la rue d'Annezin, une longue... trèèèès loooongue rue en ligne droite. L'itinéraire décrit dans le TopoGuide nous invite à la continuer jusqu'au bout puis à prendre à gauche pour finalement rejoindre le jardin public que nous avions déjà visité lors de la première étape.
Personnellement, je n'y ai pas vu d'intérêt donc j'ai tourné à gauche dans le sentier du Pont des Dames. Attention, il n'est pas mentionné sur toutes les cartes IGN. Pour vous repérer, vous pouvez vous baser sur la rue de Jemappes. Le sentier se trouve cent mètres plus loin, sur la gauche.
Le sentier aboutit rue du Pont des Dames, presqu'en face du portique d'accès au Centre Aquatique de Béthune.
Nous passons par le portique (fermé la nuit) et gagnons l'arrière du stade Léo Lagrange. C'est l'occasion de découvrir l'architecture moderne, et que je trouve très réussie, du centre aquatique.
Puis, du stade Léo Lagrange, on se rend à la gare en suivant en sens inverse le tracé de la première étape, passant devant l'église Saint-Vaast, la Grand Place avec son magnifique beffroi et la Mairie...
... sauf qu'au lieu de quitter la Grand Place par l'avenue Jean Jaurès, je la quitte par la rue Grosse Tête, beaucoup plus typique. Et puis, après tout, puisqu'on m'a déroulé le tapis rouge...
Cette dernière étape de la boucle 1 des Tours du Bassin minier Nord - Pas-de-Calais commence de façon assez spectaculaire. À Marles-les-Mines, où que l'œil se pose, il ne peut manquer l'héritage exceptionnel de cette période où le charbon était au centre de toutes les attentions.
Après, sur Lapugnoy et Chocques, cela s'essouffle un peu et certains passages ne m'ont paru guère intéressants. Comme longer la D 70. Surtout qu'à Lapugnoy, il existe des alternatives.
Puis, à partir de Vendin-lès-Béthune, l'histoire du charbon s'inscrit plutôt en filigrane. Pour le randonneur non-averti, c'est peut-être difficile de faire le lien avec le bassin minier car on n'y voit aucun terril spectaculaire, aucun chevalement, aucune cité minière...
Mais maintenant que vous avez lu mon récit, vous y jetterez sans doute un autre regard si vous vous lancez à votre tour sur cette boucle. Car cela en vaut vraiment la peine !
Vous souhaitez faire cette randonnée ? Ci-dessous, vous trouverez le fichier GPX tenant compte que je n'ai pas suivi, sur la fin, le parcours prévu dans le topo-guide de la FFRP :