24 septembre 2023 - La Via Francigena de Sarzana à Massa

Le beau temps s'est maintenu sur la région et c'est sous le soleil que, ce dimanche, une étape longue d'une trentaine de kilomètres doit m'emmener de Sarzana à Massa, sur la Via Francigena.

De ce fait, nous quitterons la Ligurie pour retourner en Toscane.

Le profil de l'étape est un peu particulier, concentrant l'essentiel des difficultés en début et surtout en fin d'itinéraire. Nous partons voir ça ?

Il est autour de 7h du matin quand je prends le départ depuis la Piazza Niccolò V, face à la co-cathédrale Santa Maria Assunta dont vous trouverez une description à la fin du récit de l'étape précédente.

Par de jolies rues colorées, nous rejoignons l'oratorio della Misericordia, construit à la fin du XVIè siècle. Évidemment, à cette heure matinale, tout est fermé à la visite.

Pour les fidèles, l'oratoire n'est de toute façon plus un lieu de recueillement puisque depuis 2003 il abrite le Musée diocésain.

Sarzana fait sans doute partie de ces villes formidables pourtant méconnues. En tout cas, malgré plusieurs voyages dans la région, je n'en avais personnellement jamais entendu parler avant d'y mettre les pieds hier.

Formidable, c'est aussi ce qu'on se dit quand on se retrouve face à la Fortezza Firmafede. L'ouvrage, qui date des années 1487 à 1494, a été superbement rénové par le ministère de la Culture entre 1985 et 2003.

À partir de 1815, il avait successivement servi comme caserne de police puis en tant que prison jusque dans les années 1960.

Une première forteresse avait été érigée à cet emplacement en 1249 mais elle fut détruite en 1487 par les Florentins aux ordres de Laurent de Médicis.

Nous laissons la forteresse derrière nous pour sortir de Sarzana par le nord-ouest et rejoindre un autre bijou situé sur la colline voisine de Sarzanello. Un petit bijou qu'on devine déjà en montant la strada Montata di Sarzanello...

Ce petit bijou, cette merveille, c'est la Fortezza di Sarzanello ! 

La construction de la forteresse actuelle commence au XVè siècle à l'initiative des Florentins, nouveaux occupants de la ville. L'édifice remplace ou intègre un autre château dont il est déjà fait mention au Xè siècle mais qui ne répondait plus aux nouvelles techniques militaires de la Renaissance.

La forteresse a pour caractéristique remarquable de posséder un ravelin, la fortification triangulaire érigée devant la porte d'entrée et destinée à protéger celle-ci. Un pont de pierre relie les deux parties de la forteresse.

Je n'ai pas pu en visiter l'intérieur mais on peut en faire le tour sans problème.

De la forteresse, on bénéficie d'un superbe panorama sur le Val di Magra et les environs. Un bel endroit pour y casser la croûte du petit-déjeuner, non ?

Tiens, saviez-vous que Napoléon Bonaparte descendait d'une famille originaire de San Miniato, les Buonaparte, qui s'est installée à Sarzana à partir du XIIIè siècle ?

Son ancêtre Francesco Buonaparte, mercenaire au service de la République de Gênes, surnommé le Maure de Sarzana parce qu'il était mulâtre, quitta en effet Sarzana pour Ajaccio en 1514.

De la forteresse, nous redescendons vers le sud-est, par un beau chemin, pour rejoindre le Canale Lunense que nous avions suivi longuement en fin d'étape hier.

Nous le suivons cette fois moins longtemps puisqu'au bout de 700 mètres nous le quittons déjà...

Commence alors un parcours de 3.600 mètres par de petites routes asphaltées à travers des zones résidentielles à l'habitat tellement dispersé qu'on pourrait avoir l'impression d'être en pleine campagne.

Fait curieux, dans cet intervalle, à l'occasion de la traversée de Caniparola, un hameau de Fosdinovo, nous quittons brièvement la Ligurie pour une incursion d'un kilomètre à travers la Toscane.

À Colombiera-Molicciara, un hameau de Castelnuovo Magra, nous récupérons le Canale Lunense pour le suivre pendant un gros 3 kilomètres.

Le parcours est super agréable et offre de belles vues sur les Alpes Apuanes ! Du Monte Bastione, à 181 mètres d'altitude, Castelnuovo Magra veille sur la vallée.

Pendant deux kilomètres, nous retrouvons de petites routes de campagne pour rejoindre la zone archéologique de Luni.

En chemin, l'attention est attirée par le contraste provoqué par d'étranges montagnes grisâtres dans une chaîne de montagnes boisées.

Bien qu'il soit ouvert lors de mon passage, je n'ai pas pris le temps de visiter le parc archéologique. L'étape est longue et les principales difficultés sont encore à venir.

La Via Francigena contourne le parc par le sud et on peut en avoir un petit aperçu. Quelques centaines de mètres plus loin, nous pouvons aussi découvrir l'amphithéâtre romain de Luni.

Luni, qui a donc donné le nom à la région historique de Lunigiana que nous arpentons depuis Pontremoli (voir étape du 20 septembre 2023 et suivantes), s'appelait en réalité Luna lorsque cet avant-poste militaire fut créé par les Romains en 177 avant J.C.

Située sur un axe routier principal, possédant un port, Luni gagne rapidement en importance. Elle bénéficie en plus de l'exportation croissante du marbre de Lunense, de bois, de vin, de fromages et d'artisanat. La cité connaît son apogée sous Auguste au tournant du premier Millénaire.

Au IVè siècle, un tremblement de terre est à l'origine du déclin progressif de la ville. De nombreux bâtiments sont détruits.

Au XIIIè siècle, Luni est définitivement abandonnée, victime des invasions successives (les Goths, les Lombards, les Francs, les Arabes, les Vikings... si si, en 860 !, et enfin les Sarrasins) que connaît la région.

On peut ajouter à ces raisons la malaria ; Luni était en effet construite sur des marécages.

Le passage du Torrente Parmignola marque le retour en Toscane, dans la province de Massa-Carrara. Et en voyant la plaque en marbre indiquant que nous entrons sur le territoire de Carrara, je commence à comprendre le pourquoi de ces montagnes grisâtres observées depuis quelques kilomètres !

Cela dit, c'est par le hameau d'Avenza que nous traversons d'abord la commune. Un gros hameau puisqu'il ne compte pas loin de 13.000 habitants !

Si au passage du Torrente Carrione on ne manquera pas de remarquer les montagnes d'où est extrait le fameux marbre de Carrare, c'est surtout la Torre di Castruccio qui retiendra l'attention.

La tour faisait partie de fortifications datant du début du XIVè siècle. Devenues désuètes, les habitants en utilisèrent les pierres pour la construction de leurs habitations.

Sauvée de justesse en 1883 grâce à l'intervention de l'historien allemand Theodor Mommsen, la tour fut encore endommagée dans des bombardements alliés entre le 12 et le 22 mai 1944. Elle n'a plus subi aucune modification depuis.

Voisine de la tour, la chiesa di San Pietro, dont on trouve mention en 1187, est la plus ancienne église de Carrara après la cathédrale.

Cinq cents mètres au nord-est du centre-ville, au-delà de la ligne ferroviaire Gênes-Pise, Nazzano, un quartier de Carrara, accueille de nombreuses entreprises travaillant le marbre.

Une activité en péril, une forte pression écologique réclamant la fin de l'extraction du marbre.

Au milieu de tout cela s'élève la moderne Chiesa della Natività di Maria Santissima.

Après l'église, nous bifurquons à droite dans la Via Forma bassa. La rue abrite plusieurs villas luxueuses cachées derrière de hauts murs.

Et, enfin, après 19,6 kilomètres, nous avons la chance d'emprunter un véritable chemin de randonnée sauvage à souhait par endroits !

Oh, pas d'enthousiasme démesuré, ça ne dure que 600 mètres mais c'est toujours bon à prendre !

Le sentier nous emmène sur le Monte Greco d'où nous bénéficions d'un beau panorama courant du Val di Magra à la mer Tyrrhénienne, selon l'Organisation hydrographique internationale et la tradition, ou à la mer de Ligurie, selon l'Institut hydrographique de la marine italienne.

D'ailleurs, pour en profiter, quoi de mieux qu'une terrasse de maison abandonnée pour y casser la croûte ?

Ensuite, nous continuons à monter vers le Monte Olivero par un chemin au revêtement variable, longeant notamment une carrière désaffectée. Le paysage s'ouvre sur la mer Tyrrhénienne.

C'est à hauteur de cette carrière que nous quittons Carrara pour Massa, notre destination du jour. Nous n'y sommes toutefois pas encore. Il reste près de 9 kilomètres à parcourir !

Et ça commence par 4 kilomètres d'une petite route en montagnes russes, la Via dell'Uva (la route du raisin, en français, et ça s'explique, vous verrez). Ça tourne, ça monte, ça descend sans cesse sur le flanc de la montagne à une altitude comprise entre 150 et 214 mètres.

C'est certes de l'asphalte mais on ne s'y ennuie pas avec de superbes vues tant vers la mer (même si la plaine côtière est trop bâtie à mon goût) que vers la montagne.

Puis nous descendons dans la plaine côtière pour, au bout de deux kilomètres, atteindre le fleuve Frigido à travers les hameaux de Mirteto et Ortola.

Le fleuve Frigido marque la limite entre le quartier d'Ortola et celui de Borgo del Ponte. Les Romains l'appelèrent Frigid à cause de la froideur de ses eaux.

Nous entrons dans le quartier de Borgo del Ponte par la porte San Martino datant de 1574. Elle était chargée de défendre l'accès nord à la ville, par le pont sur le Frigido.

La porte tient son nom de la chiesa San Martino qui la jouxte. L'église actuelle date de 1550 mais elle remplace une chapelle qui faisait partie de l'Hospitale Sancti Jacobi aujourd'hui disparu.

La Via Palestro nous emmène tout droit au Duomo di Massa.

Le Duomo, ou la cathédrale des Saints Pierre et François, est bien évidemment le monument religieux le plus important de Massa. Mais elle est aussi le centre liturgique et spirituel du diocèse de Massa Carrara - Pontremoli.

Sa construction débute dans les années 1470 mais ne sera achevée qu'en... 1936 par la construction de sa façade en marbre ! De style baroque et néoclassique, elle fut élevée au rang de basilique mineure par le pape Paul VI en 1964.

Accolé à la façade nord de la cathédrale, se trouve un petit cloître coincé entre la curie et le séminaire.

Nous quittons la cathédrale pour rejoindre la Piazza Aranci, à 150 mètres de là.

On peut y admirer l'impressionnant Palais des Doges, sur le côté sud de la place (3ème photo ci-dessous). Sa construction date du XVIè siècle. Il était alors le siège de la Cour.

Aujourd'hui, il abrite la préfecture de la province de Massa-Carrara. À noter, chose étonnante, les villes de Massa et de Carrara se partagent toutes deux le titre de capitale de cette province !

Au XIXè siècle, Elisa Bonaparte, sœur cadette de Napoléon, fit réaménager la place. Pour respecter les canons napoléoniens, celle-ci fut parée d'une double rangée d'orangers sur les trois côtés opposés au palais tandis qu'un obélisque fut dressé en son milieu.

Une centaine de mètres plus loin, nous passons par la Piazza Mercurio. C'est la place où se tient traditionnellement le marché et ce n'est donc pas un hasard si on y trouve une fontaine de Mercure. Elle est en effet la protectrice des mendiants et du marché.

Ah oui... Je ne vous avais pas dit... La fin de l'étape, c'est à hauteur de la gare de Massa. Soit à l'autre bout de la ville...

Alors, quand on a déjà 28,5 kilomètres dans les jambes, la montée vers le Castello Malaspina... Je suis sûr que vous voyez ce que je veux dire.

Bon, heureusement, nous ne monterons pas jusqu'au château mais nous passerons à son pied par une ruelle d'où nous profitons encore de superbes vues sur le quartier de Grondini.

L'origine de la forteresse de Malaspina remonte à l'an 1000. Elle doit son nom aux souverains de la dynastie Malaspina qui en firent leur siège principal au XVè siècle.

À partir du début du XVIIè siècle, elle ne sert plus de résidence et ne conserve que sa fonction militaire.

L'étape prend ainsi fin de fort belle manière à hauteur de la gare de Massa (distante d'un petit kilomètre quand même), à l'angle de la Via Cervara et de la Via Aurelia.

De là nous avons encore une vue intéressante sur la forteresse.

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Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? C'est ici :

Appréciation du parcours :

Beaucoup d'asphalte sur cette étape mais en revanche de superbes paysages et, comme toujours en Italie, dirais-je, un patrimoine absolument exceptionnel !

Que dire de plus ? Ça donne envie d'y retourner pour toutes les visites à faire !

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Comment rejoindre cette étape ?

Sarzana et Massa se trouvent toutes deux sur la ligne de chemin de fer Genova-Pisa. Cette étape est donc facilement accessible en train.

Déménageant d'Aulla à Lido di Camaiore, j'ai laissé ma voiture sur le parking de la gare de Massa, via Giuseppe Minuto, où elle est restée toute la journée sans aucun problème.

De Massa, j'avais alors pris le train jusque Sarzana pour rejoindre le départ de l'étape. Plus facile que ça, ça n'existe pas !

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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi.