17 Septembre 2020
Ce jeudi matin, nous quittons en bus notre maison d'hôtes à Bétheny pour retrouver Colbert devant la gare de Reims. Je ne l'ai pas pris en photo mais je vous assure que, au moment où nous sommes passés, il allait toujours bien malgré la fraîcheur de la nuit. D'ailleurs, ce matin, pour moi, c'est gilet de rigueur !
Au programme de la journée, une étape d'un peu plus de 20 km en direction du Parc naturel régional de la Montagne de Reims. De superbes paysages nous sont promis mais je sais déjà que nous n'aurons pas, Kévin et moi, la même appréciation de notre journée. En effet, pour sortir de Reims, nous allons nous "payer" plus de huit kilomètres de chemin de halage le long du canal de l'Aisne à la Marne et ça, je sais qu'il n'aime pas. Mais alors, pas du tout !
Nous disons donc au revoir à Colbert et nous dirigeons vers la cathédrale de Reims en empruntant d'abord la Place Drouet d'Elron, un des hauts-lieux de la vie nocturne à Reims, avec ses bars et restaurants.
Mais ce matin, c'est plutôt désertique et ça nous donne tout loisir d'admirer la magnifique Fontaine Subé surmontée de la Gloire. Inaugurée le 15 juillet 1906, la fontaine est dédiée aux quatre cours d'eau qui traversent le département de la Marne : la Marne, la Suippe, la Vesle et l'Aisne.
Un peu plus loin, nous faisons connaissance avec la fontaine de la Solidarité. Surnommée fontaine boule par les rémois, elle fut construite en 1977 et baptisée Solidarność en 1983 par le syndicat Force Ouvrière en hommage à Lech Wałęsa qui reçoit cette année-là le prix Nobel de la Paix.
Et nous continuons notre route par la rue Théodore Dubois...
Nous tournons dans la rue Libergier, et là, devant nous, apparaît la majestueuse cathédrale Notre-Dame de Reims !
D'autres cathédrales avaient déjà été bâties au même emplacement depuis le début du Vè siècle si bien que l'autel se trouve exactement là où on le voit depuis quinze siècles ! La cathédrale actuelle, elle, fut construite à partir de 1211 mais les travaux ne se terminèrent pas avant le XVIè siècle.
Quasi tous les rois de France furent sacrés à la cathédrale de Reims, à commencer par Henri Ier, en 1027.
Touchée par 288 obus allemands pendant la première guerre mondiale, la cathédrale prit feu et perdit sa toiture. Des vitraux furent brisés et des pierres éclatèrent.
Le plomb fondu s'écoula par les gargouilles et mis le feu au palais du Tau voisin, résidence des archevêques. Le palais servait également de résidence des rois de France quand ils venaient à Reims pour leur sacre. Aujourd'hui, il abrite le trésor de la cathédrale et le musée du sacre des rois de France.
Financés par de riches mécènes américains, dont la famille Rockefeller - je comprends maintenant pourquoi la rue qui aboutit à la cathédrale porte ce nom -, les travaux de restauration de la cathédrale sont encore actuellement en cours.
Je ne vais pas vous bassiner avec une litanie de chiffres pour vous donner une idée de la taille de la cathédrale. Je pense que les photos sont assez explicites.
Si je préfère les petites églises massives, je suis ici, sans doute plus qu'à la cathédrale Notre-Dame de Laon, impressionné par la performance des artisans de l'époque qui élevèrent ces murs alors qu'ils ne disposaient d'aucun des outils modernes que nous connaissons aujourd'hui. Et cette sensation de légèreté qui s'en dégage est bluffante !
Allez, je vous laisse admirer le chef d'œuvre...
De la cathédrale, nous récupérons la Via Francigena que nous avions abandonnée hier en nous rendant à la gare. Comme à Arras, nul panneau pour guider nos pas, mais des "pastilles" en laiton (?) marquées du sceau de la Via Francigena fixées dans le pavement du trottoir.
1,5 km plus loin, et après avoir tombé le gilet, nous arrivons à la basilique Saint-Remi. Elle doit son nom à l'évêque Remi qui avait baptisé Clovis aux alentours de 496.
On enterra son corps ici, dans ce qui était à l'époque une chapelle dédiée à Saint-Christophe. Devant la ferveur populaire, on l'agrandit pour en faire une église qui subit de multiples modifications jusqu'à être intégrée dans une abbaye.
Au début du XIè siècle, l'abbatiale est remplacée par une plus grande église, base de la basilique actuelle. En effet, la basilique et l'abbaye connurent aussi de nombreuses modifications, notamment causées par la révolution française et la première guerre mondiale.
Ici aussi, comme à Laon, je suis plus sous le charme de cette basilique que de la cathédrale.
L'intérieur de la basilique a malheureusement subi de multiples saccages pendant la révolution mais il n'en reste pas moins de toute beauté.
Que dire par exemple du tombeau de Saint-Remi dans lequel se trouve la châsse qui contient encore les reliques de l'ancien évêque ? Cette châsse, qui pèse pas moins de 600 kg, n'est visible que lors de la procession qui se tient traditionnellement le premier week-end d'octobre.
De chaque côté du tombeau figurent six personnages, soit six ecclésiastiques et six laïcs. Ce sont les chevaliers de la table ronde du roi qui avaient un pouvoir considérable et assistaient le roi lors du sacre.
Le grand lustre que nous pouvons voir dans la nef, appelé "Couronne de lumière", comporte 96 bougies évoquant la durée de vie de Saint-Remi.
Nous quittons la magnifique basilique Saint-Remi pour rejoindre par l'esplanade Fléchambault le canal de l'Aisne à la Marne à hauteur de l'écluse N°10.
L'esplanade doit son nom à une porte des remparts de Reims du XVè siècle. Aujourd'hui les remparts ont disparu et ont laissé la place à un quartier aux airs de station de montagne !
Commencent alors plus de huit kilomètres sur le chemin de halage du canal de l'Aisne à la Marne, jusque Sillery. Comme hier, si la rive gauche est occupée par des usines, celle de droite, sur laquelle nous circulons, est totalement acquise à la nature. Cette voie ne s'appelle-t-elle d'ailleurs pas la Coulée verte ?
À noter que, de l'écluse N°10 à Condé-sur-Marne, là où nous terminerons demain notre périple, la Via Francigena suit le même chemin que la "Voie des Belges Reims - Auxerre" des chemins de Compostelle...
Comme je suis un père aimant et que je ne voulais pas que mon fils meure d'ennui, j'ai demandé à une couleuvre helvétique de venir nous divertir à mi-parcours. En tout cas, c'est gentil à elle d'avoir fait tout ce voyage depuis la Suisse rien que pour nous !
Bon, je sais que je ne vais pas arriver à lui faire avaler des couleuvres, à mon fils. Pas plus qu'à vous d'ailleurs. Aussi connue sous le nom de couleuvre à collier, très présente en France, ce n'est pas surprenant de la rencontrer à proximité du canal. Excellente nageuse, elle se nourrit essentiellement de grenouilles, crapauds, tritons...
La récréation terminée, nous continuons jusqu'à la base nautique de Sillery où nous faisons une petite pause casse-croûte animée par un petit groupe de bobos en train de refaire le monde.
De mon côté, je pars tailler une bavette avec un vieux pêcheur occupé à taquiner le gardon au bord du canal. Le pauvre n'a rien sorti de l'eau depuis ce matin et à voir le poisson sauter hors de l'eau devant lui quand il relève sa canne à pêche, je me demande plutôt qui taquine qui.
Mais le vieux s'en désole plus qu'il s'en offusque. Il le sait, le canal est envahi d'algues et le poisson y trouve son compte en nourriture. Pourquoi viendrait-il mordre à l'hameçon ?
Bon, pendant ce temps-là, mon garnement de fils en a profité pour se faire la malle ! Il faut que je le rattrape avant qu'il ne se perde, et me voilà obligé de quitter mon bon pêcheur.
Ça va, il ne s'est pas égaré et a été bien prudent en traversant la D33. Je le retrouve à la nécropole nationale de Sillery.
11259 soldats sont inhumés dans ce cimetière. 11228 Français et 2 Tchèques ont été victimes des combats pour la défense de Reims et notamment du fort de la Pompelle pendant la première guerre mondiale. Beaucoup, si pas la majorité, venaient de la Coloniale.
Les 29 corps restants sont ceux de soldats français tués pendant la seconde guerre mondiale.
Un mausolée est érigé au fond du cimetière "à la mémoire des héros privés de sépulture".
Nous nous dirigeons ensuite vers le Parc naturel régional de la Montagne de Reims. C'est la partie la plus désagréable de la randonnée d'aujourd'hui car nous suivons la D308 sur un gros deux kilomètres. Et les camions défilent à une vitesse et une cadence infernales ! Et même pas un TGV à se mettre dans l'objectif photographique en guise de compensation !
Au bout de ces deux kilomètres, nous bifurquons à gauche pour pénétrer dans le vignoble champenois et nous élever progressivement vers le moulin de Verzenay.
Je ne vais dire que toutes ces vignes m'impressionnent car j'ai déjà eu l'occasion de les voir à maintes reprises en passant sur l'autoroute mais, là, je vais quand même vous avouer une chose... c'est impressionnant ! Ben quoi ? On a encore le droit d'être impressionné, non ?
Voyons-voir... Avec lequel vais-je me régaler, ce soir ?
À partir de l'intersection entre le chemin des Robeaux, que nous venons d'emprunter, et celui de la Barbarie, on quitte l'asphalte pour un chemin caillouteux. Ça correspond mieux à notre conception de la randonnée.
Au plus nous nous rapprochons du moulin de Verzenay, au plus le paysage devient grandiose.
Le voilà, ce fameux moulin de Verzenay ! Propriété privée appartenant à la Maison Mumm depuis 1972, il est un lieu de réception pour les hôtes privilégiés. Pas de chance, nous avons oublié nos cartons d'invitation à la chambre d'hôtes !
Edifié en 1821 sur le Mont Bœuf, il servit jusqu'en 1901 à moudre blé, orge et seigle. Suivant les voeux du dernier meunier à l'occuper, le mécanisme a été définitivement bloqué. Nous ne verrons plus jamais ses ailes tourner.
En 1906, il devient un pavillon de chasse. Transformé en poste d'observation pendant la première guerre mondiale, il reçoit la visite du roi Victor Emmanuel III d'Italie et du président Raymond Poincaré. La suite, vous la connaissez déjà.
Nous quittons le moulin vers le bois de Verzenay et profitons au passage d'une belle vue sur le village lové dans un creux de la colline. Enfin... pardon... de la montagne !
Après un court passage dans le bois de Verzenay, nous suivons la lisière sud du village, ce qui nous offre encore de beaux panoramas. Si nous avions poussé jusqu'au phare de Verzenay, aujourd'hui écomusée de la Vigne, nous en aurions eu un plus beau encore. Mais voilà, aucun de nous deux n'en a émis l'idée donc sans doute que la volonté n'y était pas. Et puis, de toute façon, Sigeric n'a pas pu y aller non plus !
Nous continuons donc en direction de Verzy, dans une alternance entre vignes et bois.
Avez-vous déjà entendu parler des faux ? Je ne vous parle pas de contrefaçon mais d'un type d'arbre particulier qu'on ne trouve qu'ici, en tout cas en aussi grand nombre. Personnellement, à ce moment de notre périple, je n'en ai qu'une très vague idée. Est-ce donc cet arbre bizarre que nous apercevons ?
Je crains qu'il vous faille attendre mon récit de demain pour obtenir la réponse...
Depuis que nous avons quitté la vigne, au sud du moulin de Verzenay, le chemin qui sillonne à travers bois est étrangement plat, passant par moments sur de hauts remblais. Je n'ai pas trouvé de carte des anciennes lignes du CBR, le chemin de fer de la banlieue de Reims dont la première ligne allait de Cormicy à Verzy mais je ne serais pas surpris qu'on en suive l'ancien tracé.
Cette ligne, inaugurée en 1893, fut d'abord parcourue par des tramways à vapeur avant de laisser la place à des trains de voyageurs ou de marchandises.
À son apogée en mars 1920, le réseau desservait 180 villes et villages et comptait 526 kilomètres de voies qu'il avait pour la plupart fallu reconstruire à la fin de la première guerre mondiale. L'exploitation se termina en 1939 après que l'autobus eut supplanté le train. Dommage...
Enfin, quoiqu'il en soit, c'est à pieds que nous arrivons à Verzy, point final de notre itinéraire du jour.
Que retenir de cette étape ? Pour ceux qui n'aiment définitivement pas le bitume, cette étape n'est pas faite pour vous. Mais pensez au patrimoine exceptionnel qu'elle vous propose, tant culturel que naturel.
Croyez-moi, parcourir le vignoble de la Montagne de Reims à pieds offre bien d'autres perspectives que de le traverser en voiture. Mais n'est-ce pas toujours le cas ?
Alors, bien sûr, si votre but n'est pas de parcourir la Via Francigena dans les traces de Sigeric, vous pouvez vous contenter d'une visite de Reims et de ses monuments, et d'une randonnée sur la Montagne de Reims pour vous éviter huit kilomètres de canal.
À vous de voir, finalement...