18 Septembre 2020
Vendredi, dernier jour de notre périple sur la Via Francigena, en tout cas pour cette semaine. Car le chemin jusque Rome est encore long.
Nous reprenons l'itinéraire à Verzy, là où nous l'avions laissé hier, pour rejoindre Condé-sur-Marne. Nous allons donc quitter les hauteurs de la Montagne de Reims pour redescendre le long du canal de l'Aisne à la Marne.
Côté météo, nous sommes chanceux puisque le soleil ne nous a pas quittés et les températures devraient être un peu plus clémentes que les jours précédents.
Nous quittons le parking de la rue Chanzy à Verzy, où nous laissons la voiture, pour monter rejoindre la Côte Gaucher en lisière de la Forêt Domaniale de Verzy. Nous y récupérons là l'itinéraire non seulement de la Via Francigena, mais aussi de la Voie des Belges, Reims - Auxerre des Chemins de Compostelle.
J'écrivais dans mon récit de la journée d'hier que je pensais que nous marchions alors sur l'ancien tracé du Chemin de fer de la Banlieue de Reims (CBR). Eh bien, en regardant la carte OpenStreetMap, j'ai constaté que le chemin portait le nom de Chemin du C.B.R. ! Et dans la partie nord de Verzy, la rue qui rejoint ce chemin s'appelle Avenue de la Gare. Mon intuition était donc la bonne.
Pendant cinq kilomètres, nous suivons un beau chemin qui sillonne en lisière de la forêt domaniale, avec de temps en temps une petite incursion dans les vignes. La randonnée commence de façon très plaisante.
Nous scrutons aussi attentivement la forêt dans l'espoir d'apercevoir un fau, mais cet espoir sera vain. Ce n'est pas très grave dans la mesure où nous devrons venir récupérer la voiture en fin de journée. Nous monterons à ce moment jusqu'au Mont Sinaï où nous sommes sûrs d'en voir. Je vous en parle en fin d'article après le récit de notre parcours sur la Via Francigena.
À la sortie de la forêt, nous découvrons deux très beaux spécimens de polypore soufré, un champignon comestible quand il est jeune. Très apprécié aux États-Unis, il y est appelé chicken of the woods (poulet des bois) parce que, cuit, il a la texture et le goût du poulet.
Ça tombe bien, c'est justement l'heure de casser la croûte !
Par contre, pour l'arbre qui l'héberge, c'est une très mauvaise nouvelle. Il va vite mourir, vidé de l'intérieur !
Bon, comme nous restons méfiants vis-à-vis des champignons, nous nous contenterons de nos sandwiches jambon-fromage.
Nous trouvons un petit bosquet de l'autre côté de la D37 pour nous installer, avec une jolie vue sur le versant sud de la Montagne de Reims.
Le ventre plein mais pas trop, nous poursuivons notre chemin en direction de Billy-le-Grand, à 3 km.
Au fur et à mesure que nous avançons, le terrain change. Le vignoble se fait plus clairsemé, les champs prennent le dessus. Si nous avons encore la chance de traverser une ou deux languettes boisées, la végétation se fait plus rare.
Et selon là où nous posons le regard, nous pouvons avoir l'impression de marcher en plein désert.
Une dernière bosse franchie, et nous apercevons au loin Billy-le-Grand, comme un village du far-west posé au beau milieu de nulle part.
Billy-le-Grand est un tout petit village de viticulteurs et d'agriculteurs. On a d'ailleurs l'impression, quand on regarde les enseignes, qu'une seule famille y habite.
La minuscule église Saint-Laurent, avec sa forme particulière, est la seule curiosité au centre du village.
L'autre curiosité, à Billy-le-Grand (mais à l'écart du village), c'est le tunnel à bateaux sur le canal de l'Aisne à la Marne. C'est une surprise pour moi car je croyais que le tunnel de Riqueval, sur le canal de Saint-Quentin, était le seul existant ! Mais non, après vérification, je constate qu'il en existe plusieurs en France.
Le tunnel du Mont de Billy, long de 2320 mètres, est opérationnel depuis 1856, mais le canal ne fut ouvert à la navigation que dix ans plus tard. Pendant la première guerre mondiale, le tunnel servit d'abri à des pièces d'artillerie placées sur bateaux.
Si, à l'origine, les bateaux étaient tractés à l'intérieur du tunnel, ils peuvent maintenant évoluer par leurs propres moyens, un système de ventilation ayant été installé.
Alors que toutes les écluses ont été automatisées, le tunnel est étonnamment toujours contrôlé par un employé des VNF. Avec un trafic de deux à trois bateaux par jour, le bougre s'occupe comme il peut mais s'ennuie surtout beaucoup. Heureusement, le tunnel est fermé la nuit. Alors, si vous passez par là, n'hésitez pas à aller lui faire un brin de causette, vous serez son rayon de soleil de la journée.
À partir d'ici, pendant trois kilomètres, l'itinéraire longe le canal, non par le chemin de halage, mais par un chemin parallèle courant à une dizaine de mètres. Le chemin est boisé et nous bénéficions donc d'une ombre bienvenue.
En chemin, nous passons par le port de Vaudemange où certains semblent avoir élu domicile sur des bateaux.
Un peu plus loin, à l'écluse N°17 de Vaudemange, le chemin bifurque à gauche pour s'écarter du canal et le suivre à deux - trois cents mètres de distance le long d'une languette boisée.
Tant que ça nous procure encore de l'ombre et que ce n'est pas du bitume, ça nous plaît !
Depuis que nous avons quitté la Montagne de Reims, l'itinéraire fait une courbe qui a pour conséquence que nous ne nous en éloignons plus. C'est ainsi qu'elle reste bien visible dans le lointain.
Peu après l'écluse N°21 de la Fosse Rodé, nous traversons le canal pour terminer la randonnée par le chemin de halage. En définitive, ce seront les seuls kilomètres parcourus sur du bitume !
Nous passons sur le côté du petit village d'Isse. Son église Saint-Martin de Tours du XIIè siècle valait sans doute le détour mais, en cette fin d'étape, la volonté nous a manqué.
Coin coin !
Courage ! Plus que deux kilomètres !
L'écluse N° 24 de Condé-sur-Marne nous annonce l'arrivée proche de notre périple. À côté de l'écluse, trône une ancienne motrice électrique du souterrain du Mont de Billy qui servait à tracter les péniches à l'intérieur du tunnel. Elle pouvait en remorquer jusqu'à sept en même temps.
Au tout début de l'exploitation du tunnel, des chevaux tiraient les péniches. Un funiculaire leur succéda. Puis, de 1940 à 1976, c'est la motrice ici exposée qui tracta les péniches à la vitesse de 4 à 5 km/hr.
Ce n'était pas sans difficulté. Parfois, la voie s'affaissait, ou la machine déraillait. Un jour, les bateliers durent couper le câble de remorquage, le machiniste s'étant assoupi !
Nous arrivons enfin à l'église Saint-Rémi de Condé-sur-Marne, terme à la fois de notre randonnée du jour et de notre périple d'une semaine sur la Via Francigena, depuis Laon.
Je vous parlerai de Condé-sur-Marne lors de ma prochaine semaine de randonnée sur la Via Francigena qui débutera forcément ici.
Pour l'heure, il nous faut récupérer la voiture à Verzy et y rendre visite aux faux, avant de reprendre la route vers Lille.
L'heure est aussi venue de faire le bilan. Celui du jour, tout autant que celui de la semaine.
Si l'itinéraire d'aujourd'hui n'avait quasi rien à nous offrir au niveau architectural et historique, cela n'en a pas moins été une très belle journée au contact de la nature. Nous nous sommes vus offrir de très beaux paysages, très variés avec la Montagne de Reims, le canal, et la campagne (le désert ?) entre les deux.
Si on excepte les quatre derniers kilomètres sur asphalte, ce qui pour Kévin restera un problème rédhibitoire, nous avons bénéficié de très beaux chemins.
En ce qui concerne la semaine, bien sûr, nous pourrons toujours débattre des nombreux kilomètres passés le long du canal de l'Aisne à la Marne. Cela peut paraître effectivement très long, comme lorsque nous avons quitté Reims hier. Mais quitter une grande ville n'est-il pas toujours compliqué ?
Par ailleurs, l'Aisne et la Marne ont un patrimoine culturel et historique exceptionnel à nous proposer. Certes, beaucoup marqué par la première guerre mondiale. Mais y parcourir la Via Francigena n'est-ce pas aussi l'occasion de participer à ce devoir de mémoire tellement nécessaire ?
Finalement, la principale difficulté aura été cette météo exceptionnelle. Si nous ne pouvons que nous réjouir d'avoir eu du soleil en permanence, la chaleur fut par moments particulièrement insupportable et nous aura fait souffrir. Parce que, sinon, les 117 kilomètres parcourus ne présentent absolument aucune difficulté.
J'ai déjà hâte de parcourir les cinq prochaines étapes !
Mais avant, allons jeter un œil sur ces fameux faux...
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Les faux de Verzy
Cela aura été une belle et impressionnante découverte que ces faux - fau au singulier - de Verzy. Nous n'en soupçonnions même pas l'existence et il aura fallu que nous venions à Verzy pour l'apprendre.
Il s'agit d'hêtres tortillards ne dépassant pas quatre à cinq mètres de haut. Certains forment comme une sorte d'igloo de verdure, comme celui que vous pouvez voir ci-dessous.
Ils sont concentrés sur le Mont Sinaï, dans la Forêt Domaniale de Verzy. C'est ici en France, pas la peine de courir en Egypte, hein !
Et quand on se penche sous son feuillage, nous découvrons son tronc et ses branches tordus. Celui-ci est particulièrement impressionnant ! On croirait presqu'une créature animée sortie tout droit d'un film de science-fiction ! Vous ne trouvez pas ?
Il en existe plus de 1000 à Verzy et peuvent se reproduire car ils sont protégés. Des exemplaires isolés ont été observés ailleurs dans le monde, comme en Allemagne ou en Suède. Mais non protégés, ils sont amenés à disparaître.