26 Avril 2023
Avec cette étape entre Gropello Cairoli et Pavie, nous quittons la Lomellina mais nous restons bien sûr dans la Plaine du Pô. Le Pô dont nous nous rapprochons mais que nous ne verrons pas encore aujourd'hui.
Toutefois, exactement à la moitié de ce parcours de 17 kilomètres, nous ferons connaissance avec le Tessin, le principal affluent du Pô.
Nous allons voir ça ? Allez, suivez-nous.
Nous nous retrouvons au départ au pied de la chiesa di San Rocco confessore, à Gropello Cairoli. Vous vous rappelez ? Hier je la trouvais plus jolie à l'extérieur que sa voisine, la chiesa di San Giorgio Martire.
Eh bien non, tout compte fait, je la trouve aussi... je peux le dire ? moche ! J'ai décidément un problème avec ces églises en briques rouges.
Nous quittons Gropello Cairoli par la Viale Zanotti puis nous enchaînons sur la strada del Morgaloro. Soit deux kilomètres d'asphalte jusqu'à la cascina Morgaloro.
Deux faits marquants sur le trajet. Nous sommes passés au-dessus de l'autoroute A7 et, plus intéressant, depuis le départ nous sommes descendus d'une vingtaine de mètres d'altitude !
Cela faisait bien longtemps que nous n'avions connu une telle dénivellation sur une si courte distance !
De la cascina Morgaloro, nous bénéficions enfin d'un beau chemin de campagne.
Celui-ci longe la roggia Castellana, un important canal d'irrigation prenant sa source dans le Tessin. Il termine sa course de 60 kilomètres au sud de Pavie, à Travacò Siccomario.
À l'approche de Villanova d'Ardenghi, on devine que le village est construit sur une colline. Une colline ! Depuis quand n'en avions-nous plus vue !?
En fait, il ne s'agit pas d'une colline. Depuis plusieurs jours nous marchions sur une terrasse alluviale (*) tout simplement plus haute d'une vingtaine de mètres que les abords du Tessin, au nord, et du Pô, au sud.
En quittant Gropello Cairoli, nous étions descendus de cette terrasse, et à Villanova d'Ardenghi, nous y remontons ! C'est simple, non ?
(*) Une terrasse alluviale est une zone plane située sur les versants d’une vallée fluviale et constituée par des alluvions (ou sédiments) déposées par le cours d’eau à une certaine période. (source Wikipedia)
Tout a déjà été dit sur Villanova d'Ardenghi où nous ne restons que cinq minutes.
Comment ça je n'ai rien dit ? Bon, c'est qu'il n'y a rien de particulier à dire, alors...
En quittant Villanova d'Ardenghi, nous redescendons à nouveau de la terrasse. Nous empruntons la Strada Provinciale 80, une étroite route asphaltée qui nous emmène sur le territoire de Zerbolò pour une courte incursion.
Au bout de deux kilomètres, nous traversons la Strada Provinciale 3 pour continuer sur une digue protégeant la plaine d'éventuelles crues du Tessin.
En arrivant sur le territoire de Carbonara al Ticino, au bout de 700 mètres, nous éprouvons à nouveau le bonheur d'évoluer sur un chemin de campagne, en descendant de la digue.
C'est encore plus jouissif lorsque nous longeons la Roggia Gaviola, un canal d'irrigation qui nous régale les yeux !
La Roggia Gaviola se jette dans le canale di Riva peu de temps avant que celui-ci ne débouche dans le Tessin, ou Ticino en italien.
Allez, encore un petit effort de quelques dizaines de mètres et nous pourrons profiter du spectacle !
Et puis, il est là, le Tessin !
Oh, ce n'est pas comme si nous l'attendions depuis des jours, puisqu'à vrai dire nous ne savions pas à quoi nous attendre. Mais le découvrir là, avec toute cette majestuosité, ça impressionne !
Pendant huit kilomètres, jusqu'au Ponte Coperto, à Pavie, nous côtoierons la rivière de (très) près ou de loin.
Huit kilomètres, c'est bien peu comparé à ses 280 kilomètres de long depuis sa source dans le massif du Gothard, en Suisse, jusqu'à son embouchure dans le Pô à quelques kilomètres au sud-est de Pavie.
Sur son parcours, il aura alimenté le lac Majeur mais aussi une grande part des canaux d'irrigation qui font la richesse agricole de la plaine du Pô depuis que Léonard de Vinci en aura dessiné l'organisation au XVè siècle.
Le parcours lombard du Tessin est protégé depuis 1974 par le Parco Ticino. Avec la partie piémontaise créée plus tard, en 1978, c'est le plus grand parc naturel fluvial d'Europe et d'ici à Pavie, c'est sûr, nous en profiterons !
Alors que nous approchons de Pavie, la Via Francigena coupe une boucle du Tessin, nous dévoilant ainsi un lac probablement issu de crues. À moins que ce ne soit un ancien bras de la rivière ?
L'eau y est d'une telle limpidité ! Quelle beauté !
De retour sur les bords du Tessin, à Pavie cette fois.
En passant du territoire de Carbonara al Ticino à celui de Pavie, nous avons aussi quitté la Lomellina.
Oh ! Zut ! Un intrus !
Voilà, c'est mieux ainsi !
Nous continuons ce parcours enchanteur jusqu'au Ponte Coperto de Pavie.
Le pont actuel date de 1951. Son prédécesseur, couvert lui aussi, qui datait de 1354, fut bombardé et endommagé par les Alliés en septembre 1944. Alors que les autorités débattaient de sa réparation ou pas, il s'écroula partiellement tout seul en 1947, ce qui mit un terme définitif à six siècles d'existence !
En son centre, on peut observer un petit bâtiment. Il s'agit d'une chapelle qui rappelle celle qui avait été ajoutée au XVIIIè siècle sur le pont précédent.
Jusqu'au XIXè siècle, il était le seul pont en briques sur le Tessin entre le lac Majeur et sa confluence avec le Pô.
Sur la rive opposée, nous voyons clairement l'imposant dôme de la cathédrale de Pavie tandis que le campanile visible à l'arrière-plan est celui de l'église Santa Maria del Carmine. Il mesure 75 mètres de haut et est ainsi le plus haut clocher de Pavie.
Il ne nous reste plus qu'à traverser le Ponte Coperto et à terminer cette étape au croisement du Corso Strada Nuova et du Corso Giuseppe Garibaldi.
Il n'est pas 14 heures lorsque nous finissons l'étape, nous en profitons donc pour visiter la ville. Vous trouverez en fin d'article un aperçu de nos découvertes.
Vous voulez revivre cette étape en vidéo 3D ? Ça se passe ci-dessous :
Appréciation du parcours :
On ne va pas chipoter pour les quatre kilomètres sur asphalte dans la première moitié de cette étape. Indubitablement, nous avons eu affaire à un très beau parcours même si, évidemment, la traversée du Parco Ticino le long du Tessin y est pour beaucoup.
Cerise sur le gâteau, l'arrivée se fait à Pavie, une ville d'une richesse exceptionnelle à découvrir absolument !
Mais qui a dit qu'on s'ennuyait dans la Plaine du Pô ?
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Petit tour de Pavie
Puisque nous n'en sommes pas loin, nous nous dirigeons en premier vers la cathédrale Saint-Etienne et Notre-Dame de l'Assomption que nous atteignons en empruntant d'étroites ruelles, typiques des villes du sud de l'Europe.
La construction de la cathédrale actuelle débute en 1488 à l'emplacement de deux cathédrales reliées entre elles ! Celle dédiée à Saint-Etienne servait de cathédrale d'été tandis que celle consacrée à Sainte-Marie-Majeure servait de cathédrale d'hiver ! Est-ce une configuration unique au monde ? En tout cas, personnellement, c'est la première fois que je vois ça.
Quoiqu'il en soit, sa construction faisant face à des manques de fonds et à des problèmes structurels, ce n'est qu'en 1898 qu'elle est achevée avec la pose de la façade et du dôme pesant 20.000 tonnes !
Haut de 97 mètres, il est le troisième plus haut et le cinquième plus grand d'Italie.
À l'intérieur, on peut être surpris, comme je l'ai été, par l'utilisation massive du marbre blanc qui lui donne un aspect tellement moderne que j'étais persuadé que c'était du béton ! Surtout le sol et certaines voûtes...
De style Renaissance lombarde, en forme de croix grecque, la cathédrale est d'une grande pureté. Presque clinique si elle n'était égayée par les chapelles latérales. Dans l'une d'entre elles, on peut observer les reliques de San Siro, premier évêque de Pavie.
Parlant d'évêque, justement, en déambulant dans la cathédrale, nous croisons l'évêque en personne, qui accepte volontiers de tamponner nos crédenciales.
De retour à l'extérieur, à gauche de la cathédrale, on peut encore observer les fondations de la Torre Civica. Se trouvait ici une tour du XIè siècle de 78 mètres de haut qui, au petit matin du 17 mars 1989, s'effondra, tuant au passage quatre personnes...
Nous partons ensuite pour l'université en empruntant d'abord la Piazza della Libertà.
Fondée en 1361, l'université de Pavie est une des plus anciennes au monde. Attirant de nombreux étudiants nobles et riches venant des grandes cités italiennes et d'Europe, elle a indéniablement contribué à la richesse de la ville.
En chemin, nous croisons d'ailleurs des groupes d'étudiants qui participent à la XIV Edizione della Caccia al Tesoro Intercollegiale. Cette chasse au trésor voit les différents collèges universitaires de la ville s'affronter à coups d'énigmes et de tests organisés dans les différents collèges de Pavie.
Ambiance sympathique assurée !
Mais si nous venons à l'université, c'est avant tout pour admirer les tours nobles médiévales.
Les premières mentions de ces tours remontent à l'an 1018, les plus récentes ayant été, elles, construites au XIIIè siècle. N'ayant aucun rôle défensif, elles symbolisaient la richesse des familles qui les possédaient.
Si Pavie en a compté environ 65, il n'en reste plus aujourd'hui qu'une vingtaine.
Direction le château Visconti.
Nous passons devant l'église San Francesco Grande. Construite et achevée en 1298 par les Franciscains, ils ne l'utiliseront pourtant jamais, la remettant aux Carmélites.
Construit entre 1360 et 1365, le château Visconti n'a jamais joué de rôle défensif mais était une résidence privée. Le poète Pétrarque y a vécu, invité à s'occuper de la bibliothèque. Les mille livres qu'elle contenait ont aujourd'hui disparu.
Cet élégant château abrite maintenant les Musées civiques de Pavie.
Nous vous emmenons maintenant voir un petit bijou, la basilique San Pietro in Ciel d'Oro, à quelques centaines de mètres à l'ouest du château Visconti.
Vu son passé compliqué, ce n'était pourtant pas évident qu'elle existe encore de nos jours. Les Augustins s'en étaient pourtant bien occupés depuis 1327, quand le pape Jean XXII leur confie la garde du tombeau de Saint-Augustin.
Mais en 1700, ils sont expulsés et se réfugient à Milan, emportant avec eux les reliques du saint et son tombeau.
La basilique sombre alors dans l'oubli, devenant même entrepôt militaire sous l'occupation napoléonienne, au XVIIIè siècle.
Il faudra attendre 1896 pour qu'elle soit à nouveau consacrée et retrouve les reliques et la tombe de Saint-Augustin.
Il y a trois choses à y voir absolument. La sacristie dont le plafond est décoré de fresques absolument superbes, la crypte qui abrite le tombeau de Boèce, un philosophe latin mort en 524 qui a exercé une influence majeure sur la philosophie médiévale, et l'Arche de Saint-Augustin !
Ce magnifique chef-d'œuvre gothique du XIVè siècle est décoré de plus de 150 statues ! L'Arche abrite une boite en argent contenant les reliques de Saint-Augustin.
À ne pas manquer si vous séjournez à Pavie !
Nous quittons le centre de Pavie par la Porta Milano pour rejoindre notre logement donnant sur le Naviglio Pavese.
Ce canal artificiel, inauguré en 1818, reliant Milan à Pavie, servit à la navigation jusqu'en 1965. Depuis, même si on tente aujourd'hui d'y relancer le tourisme fluvial, il ne sert plus qu'à l'irrigation.
Située au confluent du Tessin et du Pô, Pavie a occupé depuis le Moyen-Âge une position stratégique pour les communications et le commerce, mettant Venise en relation avec la Plaine du Pô. Importance que l'ouverture du Naviglio Pavese a encore renforcée.
Nous terminons aujourd'hui cette courte visite de Pavie mais, en fin de récit de l'étape de demain, je vous parlerai d'un monument absolument incroyable situé non loin d'ici.
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Comment rejoindre cette étape ?
Hier soir, nous avons pris nos quartiers ici, à Pavie. Il était donc très facile de rejoindre en train le départ de l'étape à Gropello Cairoli.
Pavie recèle aussi de tellement de monuments qu'il est intéressant d'y séjourner plusieurs nuits. Cela permet, chaque jour, au retour de randonnée et si on n'est pas trop fatigué, de visiter cette magnifique cité.
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Vous souhaitez parcourir cette étape de la Via Francigena ? Vous trouverez ci-dessous la trace GPX de l'itinéraire tel que je l'ai suivi :